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Chapitre 4 RÉSULTATS ET DISCUSSION

4.7. Mécanique de rupture

Ce concept permet grossièrement de prédire la phase de propagation d’une fissure de fatigue après l’initiation de celle-ci. La phase d’initiation d’une fissure se détermine à l’aide des méthodes conventionnelles d’inspection présentées à la section 4.6. Cette phase, estimée avec une technique basée sur la vie en déformation, est la plus déterminante dans les pièces sans imperfections ayant une faible rugosité. La phase de propagation de cette fissure permet de prédire le nombre de cycles qu’elle peut atteindre avant de devenir critique. Dans les pièces soudées, en raison des imperfections qui agissent comme initiateur de fissures, la vie en fatigue se développe majoritairement dans la phase de propagation. Un modèle linéaire de mécanique de rupture (LEFM) permet de prédire la vie en fatigue d’une soudure. C’est le cas pour les soudures constituées d’un décalage axial ou d’un trou de ver.

4.7.1.

Présentation du modèle

L’IIW recommande d’étudier la résistance à la fatigue par l’intégration de la propagation d’une fissure 𝑑𝑎/𝑑𝑁 de l’équation (2.11), qui dépend du facteur d’intensité de contrainte ∆𝐾 présenté à la section 2.6.2, et modifié à l’équation (4.3) pour une étendue de contrainte appliquée ∆𝜎𝑎𝑝𝑝. La loi de Paris-Erdogan à l’équation (2.12) permet par la suite de calculer le nombre de cycles de chargement nécessaire à une fissure pour atteindre une longueur 𝑎. Lorsque cette longueur de fissure est égale à l’épaisseur d’une pièce, la rupture est atteinte.

𝑑𝑎

𝑑𝑁= 𝐴 ∆𝐾𝑎𝑝𝑝

𝑚 (4.2)

∆𝐾𝑎𝑝𝑝 = 𝑌𝑒∙ 𝑌𝑠∙ 𝑌𝑤 ∙ 𝑌𝑔 ∙ ∆𝜎𝑎𝑝𝑝 √𝜋 𝑎 (4.3)

où 𝑌𝑒 Facteur de forme pour une fissure elliptique 𝑌𝑠 Facteur de surface libre

𝑌𝑤 Facteur d’épaisseur de plaque 𝑌𝑔

Facteur tenant compte d’une distribution de contrainte non uniforme

4.7.2.

Paramètres de base

Les paramètres de la loi de Paris-Erdogan 𝑚 et 𝐶, présentés au tableau 4.7, sont en quelque sorte les paramètres de résistance qui dépendent du matériau. Lorsqu’aucune mesure n’est disponible par rapport au matériau de base, l’IIW propose des valeurs de 𝐶 = 4,46 × 10−10 et de 𝑚 = 3,0. Pour un rapport de contrainte 𝑅 de 0,1, Guo [42] a plutôt adopté des valeurs de 𝐶 = 7,88 × 10−9 et de 𝑚 = 3,46. Or, les résultats des simulations du modèle LEFM avec ces valeurs n’ont démontré aucune cohérence avec les essais expérimentaux, donc des constantes plus appropriées ont dû être trouvées. D’abord, la pente 𝑚 = 7,0 de la courbe de conception FAT62 est plus adaptée aux courbes S-N expérimentales de cette étude présentées à la section 4.3. C’est cette pente qui est ainsi imposée au modèle. Ensuite, la constante 𝐶 a été ajusté selon la configuration du joint.

Tableau 4.7 - Paramètres de la loi de Paris pour l'aluminium [45]

Unités Paramètres de la loi de Paris

Seuil du facteur d'intensité de contrainte

R ≥ 0,5 0 ≤ R ≥ 0,5 R < 0 Cavité de surface < 1 mm 𝐾 [𝑁 ∙ 𝑚𝑚−3/2] 𝐶 0= 1,41 ∙ 10−11 21 56,7 – 72,3 · R 56,7 ≤21 𝑑𝑎/𝑑𝑁 [𝑚𝑚/𝑐𝑦𝑐𝑙𝑒] 𝑚 = 3,0 𝐾 [𝑀𝑃𝑎√𝑚] 𝐶0= 4,46 ∙ 10−10 0,7 1,8 – 2,3 · R 1,8 ≤0,7 𝑑𝑎/𝑑𝑁 [𝑚/𝑐𝑦𝑐𝑙𝑒] 𝑚 = 3,0

Les paramètres 𝑌 de l’équation (4.3) sont calculés selon les propositions de Albrecht et Yamada [94]. Pour le facteur 𝑌𝑔, seules les pièces avec défaut de décalage axial ont une distribution de contrainte non uniforme. Ce paramètre se définit par le facteur de concentration de contrainte (FCC) distribué sur l’épaisseur de la pièce simulée dans la section 4.3.4. Les figures 4.18 et 4.19 présentées précédemment montrent la variation du FCC en fonction de l’épaisseur, donc le paramètre 𝑌𝑔 varie aussi selon la profondeur de la pointe de fissure calculée.

L’épaisseur des pièces détermine le paramètre de rupture d’une soudure. La rupture est atteinte lorsque la longueur de la fissure atteint 9,53 mm pour les soudures optimisées (PW) et pour les soudures avec décalage axial (MAS et MRS). Pour les soudures avec trou de ver (WH), une fissure possède deux pointes de propagation.

Pour une soudure optimisée, Menzemer [95] propose de considérer une profondeur initiale de fissure 𝑎𝑖 de 0,025 mm. C’est ce que Guo a admis pour ses soudures PW et ses soudures avec bavure excessive. Dans cette étude, la même hypothèse sur la profondeur initiale de fissure est imposée aux soudures PW et aux soudures avec décalage axial (MAS et MRS). Quant aux soudures avec trou de ver (WH), les mesures au microscope optique et au SEM sont discutées à la section 4.6.3. En résumé, le trou de ver a une hauteur 2𝑎 de 0,55 mm, une largeur 2𝑐 de 0,55 mm et se situe à une profondeur de 5,5 mm à partir de la surface supérieure.

Pour le rapport de forme 𝑎/𝑐, Guo a pris des mesures sur les faciès de rupture de la zone de propagation de fissures. Cette zone de forme elliptique permet de déterminer la

hauteur 2𝑎 et la largeur 2𝑐. Un rapport moyen de 0,58 a été adopté, en plus de faire l’hypothèse simplificatrice que le rapport est constant sur toute la vie en fatigue.

4.7.3.

Soudures de bonne qualité (PW)

Comme point de départ, le modèle LEFM de cette étude a été validé à partir des soudures optimisées PW. Comme discuté précédemment, les paramètres de la loi de Paris recommandés par l’IIW n’a pas donné des résultats cohérents avec les résultats expérimentaux. C’est pourquoi la pente 𝑚 = 7,0 de la courbe FAT62 appropriée aux joints SFM a été utilisée et la constante 𝐶 a été ajustée à une valeur de 9,50 × 10−19. Ensuite, une section de soudure de 70 mm par 9,53 mm, ayant une profondeur de fissure initiale de 0,025 mm, un rapport de forme après la rupture de 0,58 et un facteur de concentration de contrainte (FCC) de 1,0 sont les autres paramètres imposés, qui peuvent varier selon la configuration de soudures (MAS, MRS et WH). Ceci a permis de créer un modèle LEFM pour prédire une vie en fatigue similaire à celle mesurée expérimentalement pour la configuration PW, qui est montrée à la figure 4.36.

Figure 4.36 - Courbe S-N anticipée vs. courbe S-N expérimentale pour PW 20

200

1,0E+04 1,0E+05 1,0E+06 1,0E+07

É ten d u e d e co n tr ain te éq u iv alen te [MP a]

Vie en fatigue [cycle] Courbe S-N anticipée PW - CA Courbe S-N expérimentale ADM Cat. A ADM Cat. B FAT62

4.7.4.

Soudures des pièces avec décalage axial

Le modèle de cette condition a exactement les mêmes paramètres que ceux des soudures PW, sauf pour le FCC, qui varie selon la profondeur. Dans le cas d’un décalage axial du côté avançant (MAS) inférieur à 1,0 mm, la distribution du FCC est présentée à la figure 4.18 et la valeur maximale de 1,87 survient au pied de la bavure à la surface supérieure du côté AS. Au changement de géométrie à la racine, le FCC a une valeur de 1,23. La figure 4.37 montre le modèle de prédiction sous-estime fortement la courbe expérimentale.

Figure 4.37 - Courbe S-N anticipée vs. courbe S-N expérimentale pour MAS

Même principe dans le cas d’un décalage axial du côté reculant (MRS) inférieur à 1,0 mm, mais le FCC est moins élevé. La valeur maximale de 1,58 survient au pied de la bavure à la surface supérieure du côté RS, alors qu’elle est de 1,11 au changement de géométrie à la racine. La figure 4.38 montre que le modèle de prédiction sous-estime toujours fortement la courbe expérimentale. Toutefois, dans ce cas-ci, la courbe de prédiction est très près de la courbe de conception en fatigue calculée selon la méthode statistique. En contrepartie, ceci ne semble être qu’une coïncidence. La pente de prédiction

20 200

1,0E+03 1,0E+04 1,0E+05 1,0E+06 1,0E+07

É ten d u e d e co n tr ain te éq u iv alen te [MP a]

Vie en fatigue [cycle] MAS - CA Courbe S-N expérimentale ADM Cat. A ADM Cat. B FAT62 Courbe de conception Courbe S-N anticipée

est plus douce que celle expérimentale. En effet, la pente expérimentale est de l’ordre de 5,68 alors que le modèle en utilise une de 7,0. Ayant un FCC plus faible que la configuration MAS, les résultats ici prédits sont forcément supérieurs. C’est ce qui a été obtenu expérimentalement.

Figure 4.38 - Courbe S-N anticipée vs. courbe S-N expérimentale pour MRS