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Chapitre 2 Manipulation par champ acoustique stationnaire

3.1 Mécanique de la manipulation d’objets de petites dimensions

Les échelles qui nous intéressent, de la dizaine de nanomètres au micromètre, sont à la limite inférieure de la mécanique classique. Aux plus petites dimensions que nous considérons, les objets ne sont plus des solides mais des agrégats. Dans tous les cas, les forces dominantes ne sont plus la gravité et les frottements mais les forces de capillarité (si on travaille dans l’air) et électromagnétiques et, lorsqu’il y a contact entre deux objets, les forces inter-moléculaires. La mécanique des phénomènes que nous observerons lors de la manipulation de ces petits objets peut donc parfois donner des résultats surprenants par rapport à nos habitudes macroscopiques. La force d’adhésion dominante en milieu aérien est la capillarité. Toute surface (à l’excep- tion du cas des traitements hydrophobes que nous n’avons pas abordé) est couverte d’une fine pellicule de quelques molécules d’eau. Au contact de deux objets, cette pellicule d’eau forme des ponts liquides qui tendent à rassembler les objets en agrégats. La force d’adhésion entre une sphère de rayon R et un plan sur lequel se condense un ménisque avec un angle de contact θ est F ❳ 4πR❩γLVcosθ❫ γSL❬ oùγSL est l’énergie par unité de surface obtenue en séparant deux surfaces du solide S dans une atmosphère de vapeur V .

Une méthode pour s’affranchir des forces de capillarité est de travailler en milieu liquide. Là encore nous allons constater que la physique macroscopique qui est à la base de notre intuition n’est pas respectée. En effet, considérons la vitesse de sédimentation, qui s’établit en égalant les forces « macroscopiques » du frottement visqueux et de la gravité : 43πR3∆ρg ❳ 6πηRvS qui donne un temps d’évolutionτS

η

R∆ρg (R étant la taille caractéristique de la particule – le

rayon de la sphère équivalente dans notre modèle, vS sa vitesse,∆ρla différence de masse vo-

lumique entre la particule et le fluide dans lequel elle est plongée, g ’intensité de la pesanteur – 9,81 m.s❱

2, etηla viscosité dynamique du fluide – dans le cas de l’eauη

❳ 10❱ 3kg.m ❱ 3s ❱ 1).

D’autre part nous pouvons calculer le temps caractéristique lié à la diffusion thermique (qui est à l’origine du mouvement brownien – phénomène purement microscopique) :τD

R

kT (déter-

miné comme étant le temps de mouvement pour que la particule parcourt une distance égale à sa taille). Nous constatons qu’il existe un rayon R

kBT

∆ρg ( kB❳ 1❸ 38❨10❱

23, T

❞ 300 K,∆ρ❞ 1000 kg.m❱

3) de la particule pour lequelτ

D ❢ τSce qui signifie que la particule évolue majoritaire- ment sous l’effet des perturbations thermiques. Une conséquence de la prépondérance des effets thermiques est l’absence de sédimentation et de particules au repos. L’application numérique montre que pour une particule de dimensions inférieures à 1 µm le comportement est brow- nien, tandis que pour des dimensions supérieures à 1 µm le comportement est macroscopique et conforme à notre intuition.

3.1. Mécanique de la manipulation d’objets de petites dimensions

Nous avons finalement décidé, tant pour des raisons de faisabilité expérimentale que pour nous affranchir d’un maximum de perturbations dues à l’environnement, de travailler sous vide dans l’enceinte d’un Microscope Électronique à Balayage (MEB, SEM en anglais). Là encore nous évitons les problèmes de forces de capillarité, bien que la nécessité de couvrir l’échantillon d’une fine couche conductrice d’or (épaisseur de l’ordre de 5 nm) ajoute une force de cohésion supplémentaire entre les particules déposées sur l’échantillon. De plus, la présence d’un fais- ceau d’électrons peut induire des accumulations de charges sur les parties moins conductrices des échantillons et ainsi amener des interactions électrostatiques parasites. Un avantage cer- tain de travailler sous MEB est la capacité à visualiser en temps réel les manipulations et leurs conséquences sur des objets de petites dimensions (jusqu’à la centaine de nm).

Lors du travail sous vide poussé, les seules forces d’interactions entre particules sont les interactions de Van der Waals, qui regroupent les interactions entre dipôles (induits ou perma- nents). Elles décroissent rapidement et deviennent négligeables au-delà de la dizaine de nano- mètres. Bien que prédominantes dans la cohésion des molécules et leurs interactions, elles ne sont visibles que très localement sur les courbes force-distance que nous pouvons établir au moyen d’un AFM (figure3.5). Par exemple, sachant que l’énergie d’interaction entre deux di- pôles permanents est Wd❬✏❳

2P❹1

P2

4πε0r3 , nous établissons qu’elle est de l’ordre de l’énergie d’agi-

tation thermique kT (à 300 K) pour une distance d ❞ 0❸4 nm. Ainsi, les molécules s’alignent si la distance qui les sépare est inférieure à 0,4 nm, sinon elles sont en rotation libre. L’éner- gie d’interaction entre dipôle permanent et dipôle induit décroît en 1❲ d

6et est donc encore plus

négligeable à grande distance : Wd❬✪❳④❵

P12P22 ❩4πε0❬ 2d63kT ❻ ❼✚❽ ❾ orientationKeesom✈ ❵ αeP12 ❩4πε0❬ 2d6 ❻ ❼✚❽ ❾ inductionDebye✈ (αeétant la polarisabi-

lité électronique). Cette interaction étant négative, elle est attractive dans le vide et correspond au pic d’attraction dans la courbe force-distance d’étalonnage de l’AFM, juste avant la zone de répulsion par contact. L’interaction entre dipôles induits (London) est elle aussi en 1❲ d

6 et

d’énergie négative.

Les valeurs numériques des intensités des dipôles introduits dans le paragraphe précédent ne peuvent pas être connues expérimentalement : la valeur observée ne peut correspondre qu’à une intégrale sur toutes les surfaces mises en jeu des énergies d’interaction. Comme toutes les forces de type Van der Waals sont en 1❲ d

6, il est possible d’introduire un modèle tenant compte

simultanément de toutes ces interactions : Wd❬✱❳①❵

A

12πd2, où A est la constante de Hamaker

(le 1❲ d

2provient de la double intégration sur les volumes interagissant selon une loi en 1

d

6).

Cette constante peut être mesurée à l’échelle nanométrique en traçant la courbe d’évolution de la force d’interaction entre la pointe d’AFM et l’échantillon en fonction de la distance qui les sépare (figure3.5, droite).