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LES LYMPHOCYTES T REGULATEURS NATURELS

La caractérisation

Le Phénotype des cellules Treg

C’est en 1995 que le marqueur de surface CD25 (chaîne α du récepteur à l’IL-2) a été proposé comme un marqueur des Treg (Sakaguchi, Sakaguchi et al. 1995), cependant les lymphocytes T conventionnels activés l’expriment aussi. Les arguments en faveur de CD25 comme marqueur des Treg étaient que les cellules T conventionnelles activées expriment CD25 à un niveau moins important que les cellules Treg que l’on appelle Treg CD25high (Kuniyasu, Takahashi et al. 2000). D’autre part, l’expression du CD25 par les cellules T conventionnelles est transitoire, elles l’expriment seulement lorsqu’elles sont activées, alors qu’elle est stable est constitutive pour les Treg (Fisson, Darrasse-Jèze et al. 2003). En 1998, la capacité suppressive de ces cellules était montrée in vitro (Thornton and Shevach 1998), des Treg CD4+CD25+ en co-culture avec des cellules CD4+CD25- en présence d’anti-CD3, inhibaient la prolifération de ces cellules T conventionnelles CD4+CD25- et leur capacité à produire de l’IL-2 ; depuis, cette expérience est devenu le modèle classique pour évaluer la capacité suppressive des cellules Treg (J’utiliserai le terme Treg pour parler des cellules CD4+CD25high

).

Après CD25, d’autres marqueurs de Treg ont été mis en évidence ; CTLA-4 qui est exprimé de manière constitutive sur les Treg et qui participe à leur fonction suppressive in vivo et in

vitro (Read, Malmström et al. 2000, Takahashi, Tagami et al. 2000), GITR aussi est une

protéine membranaire qui est exprimée par les Treg (Shimizu, Yamazaki et al. 2002), d’autres molécules comme l’ICOS (Burmeister, Lischke et al. 2008), LAG-3 (Huang, Workman et al. 2004), CD39 (Borsellino, Kleinewietfeld et al. 2007), sont aussi exprimées par les Treg. Mais encore aujourd’hui, il n’y a pas de marqueur spécifique; en effet, CD25, GITR, CTLA-4 sont également exprimés par les cellules T conventionnelles (CD4+CD25-) activées (tableau 1).

28 Tableau 1 : Phénotype des cellules Treg.

Marqueur (niveau d’expression)

Commentaire Reference

CD25 (+++) Cf texte (Sakaguchi, Miyara et al. 2010)

CD127 (-/bas) Les cellules Treg expriment peu ou pas le CD127

(Cozzo, Larkin et al. 2003)

Foxp3 (+++) Cf texte (Hori, Nomura et al. 2003)

CTLA4 (+++) Important pour leur fonction (Read, Malmström et al. 2000)

GITR (+++) Exprimé de manière constitutive (Shevach 2006)

ICOS (+++) Le niveau d’expression permet de définir des sous-population les plus suppressives

(Burmeister, Lischke et al. 2008)

LAG-3 (+++) Expression après activation (Huang, Workman et al. 2004)

CD39 (++) Participe à leur fonction suppressive (Borsellino, Kleinewietfeld et al. 2007)

TNFR2 (++) 30-40% des Treg (Chen, Subleski et al. 2010)

CD103 (+) Treg eff/mém, Treg de peau et des muqueuses

(Lehmann, Huehn et al. 2002)

Foxp3 : marqueur des Treg ?

La recherche d’un marqueur spécifique des cellules Treg a fait une avancée très importante avec la découverte en 2001 du gène de Foxp3, et des fonctions liée à ce facteur de

29 transcription impliqué dans le développement et la fonction des Treg. La mutation du gène codant pour le facteur de transcription Foxp3 situé sur le chromosome X entraine chez l’homme le syndrome IPEX (Immunodysregulation polyendocrinopathy X-linked syndrome) (Bennett, Christie et al. 2001), et chez la souris une atteinte auto-immune létale (souri Scurfy : modèle animal d’IPEX) (Brunkow, Jeffery et al. 2001). Les souris scurfy mâles sont atteintes de pathologies auto-immunes multi-organes létaux (Brunkow, Jeffery et al. 2001) mais les femelles hétérozygotes ne développent pas ces symptômes. Contrairement au modèle murin, les patients présentant le syndrome IPEX ont un taux de lymphocytes T CD4+CD25high

identique aux donneurs sains. Les tests fonctionnels in vitro montrent que les Treg CD4+CD25high

des patients IPEX (Foxp3-) présentent une diminution de leur potentiel suppresseur (Bacchetta, Passerini et al. 2006). En 2003 Hori et al. ont montré que l’expression de Foxp3 est spécifique des cellules CD4+CD25+ chez la souris, et que la transfection par le gène Foxp3 confère aux cellules T CD4+CD25- des propriétés régulatrices (Hori, Nomura et al. 2003).

Foxp3 permet d’identifier les Treg mais il est intracellulaire et donc l’isolement des cellules Treg Foxp3+ vivantes, et l’étude fonctionnelle de ces cellules n’est pas possible. Les caractéristiques des Treg sont partiellement dépendantes de Foxp3 (Fontenot and Rudensky 2005) et Foxp3 participe aux fonctions et à l’homéostasie des Treg sans être le seul facteur responsable (Gavin, Rasmussen et al. 2007, Lin, Haribhai et al. 2007, Wan and Flavell 2007). Mais Foxp3 n’est pas spécifique des Treg et peut augmenter de façon transitoire sur les lymphocytes T effecteurs activés, avec un niveau d’expression inférieur que sur les Treg (Gavin, Torgerson et al. 2006). La déplétion de Foxp3 dans ces cellules effectrices ne change pas leur caractéristique ni leur phénotype (Hsieh, Zheng et al. 2006), comme c’est le cas pour les Treg. Ceci soutient la spécificité de Foxp3 dans les Treg malgré la mise en évidence de son expression dans d’autres cellules du système immunitaire : les lymphocytes T activés (expression transitoire) (Miyara, Amoura et al. 2009), les cellules iNKT (Monteiro, Almeida et al. 2010).

La différenciation des Treg

Les cellules Treg naturelles (Treg) se développent dans le thymus, alors que les Treg induits (iTreg) se développent en périphérie à partir des cellules T CD4+ naïves.

30 L’équipe de Shimon Sakaguchi en 1996 a évalué le développement intra-thymique des Treg, elle a montré que les souris thyméctomisées à J3 vont développer un syndrome auto-immun en raison de l’absence de Treg, et que des Treg apparaissent en périphérie dès J4 (Asano, Toda et al. 1996). Fontenot a confirmé que les Treg sont générés et se différencient dans le thymus comme un lignage indépendant (Fontenot, Rasmussen et al. 2005). Ce processus de différenciation commence avec l’induction de l’expression de Foxp3 dans une sous-population thymocytaire procédant un TCR αβ avec une affinité accrue pour les complexes CMH/peptides du soi (Apostolou, Sarukhan et al. 2002) (Figure 6).

Figure 6 : Différenciation intra-thymique de Treg : La différenciation des Treg est un processus intra-thymique effectué tout au long de la vie d’un individu où de nouveaux émigrants intra-thymiques reconstituent le pool périphérique de Treg. La spécification du lignage régulateur se produit suite à une induction de Foxp3dans les thymocytes. L’induction de Foxp3 semble multifactorielle : 1- la haute affinité et le caractère auto-spécifique du TCR vont être un facteur important, 2- la co-stimulation via CD28 et la signalisation au travers des récepteurs aux cytokines ainsi que d’autres récepteurs inconnus à ce jour ont un rôle important dans l’induction de Foxp3. L’expression de Foxp3 dans les thymocytes est responsable de l’activation et la répression de plusieurs centaines de gènes, ce qui permettra entre autre d’aboutir au phénotype CD25high CD127low. L’IL-2 exocrine produite par les cellules T périphériques permet de maintenir et d’amplifier le pool de Treg périphériques (Fontenot and Rudensky 2005).

Le rôle du signal de TCR

Les cellules Treg possèdent une affinité accrue pour les complexes CMH/peptide du soi exprimés par les cellules mTEC du thymus. Des études ont montré que les souris déficientes pour l’expression de RAG2KO

ne possèdent pas de Treg et qu’elles développent des lésions inflammatoires au niveau cérébral (Lafaille, Nagashima et al. 1994), par contre les souris possédant cette protéine ne déclenchent pas la maladie. La quantité d’antigène présente au

31 cours du développement thymique des Treg semble être importante. La diminution de l’expression des molécules du CMH de classe II par les cellules mTEC ou de l’expression des antigènes au niveau thymique, semble favoriser le développent des Treg (Picca, Oh et al. 2009). Il a également été montré que les Treg, malgré leur résistance accrue à la délétion clonale, finissent par être éliminés lorsqu’ils sont exposés à une quantité importante d’antigène (van Santen, Benoist et al. 2004). Ces études suggèrent qu’une forte affinité pour les complexes CMH du soi et qu’une quantité limitée d’antigène, sont deux facteurs nécessaires pour le développement des Treg ainsi que pour exercer leur fonction physiologique : la tolérance périphérique au soi et la prévention du développement de manifestations auto-immunes. (Figure 7).

Figure 7 : L’importance du signal TCR dans la sélection des Treg : les Treg possèdent un TCR avec une avidité plus forte que celle des cellules T naïves pour les complexes CMH/peptide du soi exprimés dans le thymus mais cette avidité n’est pas assez forte pour que les Treg soient éliminés par le processus de sélection négative (Hsieh, Lee et al. 2012).

Le rôle de la co-stimulation thymique et cytokinique

La signalisation par les récepteurs aux cytokines (chaines communes γc) ainsi que la co-stimulation via CD28 facilite l’induction de Foxp3 dans les thymocytes (Kim and Rudensky 2006). L’affinité augmentée du TCR associée à la co-stimulation par CD28, est importante pour augmenter la sensibilité des précurseurs des Treg à l’IL-2 qui représente le troisième signal nécessaire pour l’expression de Foxp3 (Lio and Hsieh 2008).

Le TGF-β (transforming growth factor-β) est pléiotrope et possède un effet immunosuppresseur prononcé. C’est une cytokine importante pour le maintien en périphérie des Treg et pour la mise en place de leurs fonctions suppressives. En effet, les souris qui

32 n’expriment pas le récepteur de type II au TGF-β, ont des cellules T incapables de répondre à cette cytokine et développent des pathologies auto-immunes. De plus, Le TGF-β joue un rôle majeur dans l’homéostasie du compartiment T (Gorelik and Flavell 2000) et Marie et al. ont montré que la suppression de la signalisation TGF-β dépendante dans les Treg induit une diminution du niveau d’expression de Foxp3 et de l’activité suppressive (Marie, Letterio et al. 2005). Le TGF-β associé à une stimulation du TCR permet in vitro chez l’homme et la souris la conversion de lymphocytes naïfs T CD4+CD25-Foxp3- en Treg grâce à la formation de complexe Smad2-3/NFAT, qui se fixe sur le CNS1 du gène codant pour Foxp3 (Tone, Furuuchi et al. 2008, Zheng, Josefowicz et al. 2010). Le gène codant pour Foxp3 contient 4 régions importantes pour son expression : le promoteur et 3 régions non-codantes conservées, les CNS 1, 2 et 3 (Concerved Non-coding Sequences). Ces 3 CNS participent à la régulation de l’expression de Foxp3 : Les CNS2 et 3 sont impliqués dans les cellules Treg thymiques (CNS2 est relié à la stabilité de l’expression de Foxp3, CNS3 représente la région initiatrice du processus de différenciation thymique des Treg) (Zheng, Josefowicz et al. 2010), quand au CNS1, il est impliqué dans le développement des cellules iTreg (Zheng, Josefowicz et al. 2010).

La conversion de T effecteurs en Treg ou Ti-Treg (TGF-β induced Treg) permet d’obtenir des cellules ayant des propriétés suppressives in vitro et in vivo sur modèles murins (Chen, Jin et al. 2003, Fantini, Dominitzki et al. 2007), et lors de transferts adoptifs, ces Ti-Treg persistent et assurent une fonction régulatrice à long terme (Selvaraj and Geiger 2007). Cette induction semble nécessiter la présence d’IL-2 qui est un paramètre important pour cette conversion en Ti-Treg induite par le TGF-β (Davidson, DiPaolo et al. 2007).