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C.  Importance du NHEJ dans la diversité génétique

1.   Lymphocytes B, recombinaison V(D)J et le complexe RAG

Au sein des cellules pro-B de la moelle osseuse, les gènes codants la région variable de la chaine lourde et de la chaine légère sont sujets à une recombinaison somatique : la recombinaison V(D)J. Elle permet l’assemblage de plusieurs segments géniques de variabilité (V), de diversité (D) et de jonctions (J) pour aboutir à la formation d’un seul fragment V(D)J codant. Ce processus est initié par la génération de CDB par l’endonucléase RAG (recombination activating gene) au niveau de séquences RSS (Recombination signal sequences) qui bordent chaque gène V, D ou J. La ligatures des extrémités d’ADN générées est prise en charge par le NHEJ et aboutie à la formation de deux segments ; le segment intrachromosomique codant (coding joint) et un fragment exclu non codant (signal joint). La grande diversité des BCR vient (1) de la recombinaison aléatoire entre les segments V, D et J pour la formation du coding joint (on parle de diversité combinatoire) et (2) de l’ajout de nucléotides par la TdT avant la religature des extrémités (diversité jonctionnelle) (Figures 4 et 5). La recombinaison se produit uniquement entre un gène dont la séquence RSS contient un espaceur de 23 bases d’ADN avec un gène dont la séquence RSS contient un espaceur de 12 bases d’ADN (appelée règle 12/23). De cette manière deux gènes possédant le même espaceur ne peuvent pas recombinés, évitant ainsi la recombinaison entre le gène J et le gène V des chaînes lourdes. Au cours de la recombinaison, plusieurs étapes permettent la sélection des cellules avec un récepteur fonctionnel, c’est à dire capable (1) d’interagir avec un antigène et (2) permettant la tolérance au soi (pas ou peu d’activité auto-réactive). Respectivement : la sélection positive et la sélection négative. Les gènes des chaînes constantes ne sont pas ciblés par le complexe RAG, le gène Cµ reste donc sous contrôle du promoteur et un épissage alternatif permet la co-expression du gène Cδ.

Figure 4 : Réarrangement du locus IgH et structure du BCR fonctionnel.

Schéma modifié de (Chaudhuri & Alt, 2004).

Schéma du locus non réarrangé des gènes de la chaine lourde des Igs. Les segments de variabilité (V), de diversité (D) et de jonctions (J) sont respectivement représentés en beige, vert et bleu et ceux de la région constante (C) en violet. La taille approximative de la région variable et le nombre approximatif des différents segments sont indiqués. Les CDB effectuées par RAG et leur prise en charge par le NHEJ, permet la création d’un ADN codant réarrangé (coding joint) et d’un segment circulaire (signal joint). La cellule pré-B avec un réarrangement réussi des gènes de la chaine lourde effectue la recombinaison VJ des gènes des chaines légères (non représentées ici). La transcription suivie de la traduction des gènes réarrangés de la chaine H et des chaines L aboutira à la formation d’un BCR fonctionnel. La cellule B naïve (ou mature) sera alors apte à reconnaître un grand nombre d’antigènes.

Après la V(D)J, les lymphocytes B matures/naïfs sortant de la moelle osseuse possèdent donc un récepteur de type IgM et IgD capables d’interagir avec un grand nombre d’antigènes. Il est à noter que la recombinaison V(D)J est aussi un acteur de la diversification du récepteur des lymphocytes T (TCR) non décrite ici. Les cellules B et T matures forment le répertoire pré-immun (pour revues : (Boboila, Alt, & Schwer, 2012; Helmink & Sleckman, 2012)). Dans de rares cas, une réparation aberrante de ces CDB programmées peut aboutir à des translocations, des délétions et des inversions. Ces évènements sont d’autant plus dangereux s’ils se déroulent à proximité d’un gène suppresseur de tumeur ou d’un oncogène, leur translocation pouvant mener à une transformation cellulaire prélude aux tumeurs lymphoïdes. C’est le cas de la translocation t(14 ;18) : le gène BCL2, cible non spécifique de RAG, est placé sous promoteur des gènes IgH. La surexpression de ce facteur anti-apoptotique mène à l’apparition de lymphomes. L’accessibilité de RAG à l’ADN, son activité enzymatique et sa dégradation sont ainsi finement régulées pour limiter le nombre de CDB et maintenir la stabilité génétique. L’endonucléase RAG est composée de deux sous unités

RAG1 et RAG2 situées sur le même locus génique Rag. L’expression de RAG étant

directement reliée à l’efficacité de la recombinaison V(D)J et donc à la quantité de CDB générés, RAG1 et RAG2 sont exprimées uniquement aux stades très précoce du développement lymphocytaire (Oettinger, 1990). RAG1 possède l’activité nucléase et RAG2 faisant office de sous-unité régulatrice, le complexe entier RAG1/RAG2 est requis pour le clivage de l’ADN. Celui-ci se lie, avec un co-facteur protéique HMGB1 (high-mobility group protein), aux séquences RSS et génère une CSB, la formation d’une synapse permet le rapprochement de deux complexes RAG/RSS et les CSBs sont converties en CDB (Figure 5). Plusieurs facteurs contribuent à l’organisation 3D du locus IgH et au bon déroulement de la V(D)J, parmi eux le la protéine CTCF et le complexe de cohésion décrits dans un prochain chapitre (Degner et al., 2011). La stabilité du complexe RAG/RSS est régulée par la présence de H3K4me3 et l’interaction directe de RAG2, via son domaine PHD (plant homeo domain), avec celui-ci (Matthews et al., 2007). L’activité du complexe est inhibée par dégradation de RAG2 par phosphorylation à l’entrée en phase S du cycle cellulaire. La formation de CDB se limite donc à la phase G1, ce qui favorise la réparation par NHEJ (Li et al., 1996). De même, en phases S et G2, le locus Rag est repositionné au niveau de l’hétérochromatine péri-centromérique (PCH) afin d’inhiber la transcription des gènes Rag. Ce repositionnement actif se fait via la voie de signalisation de l’interleukine 7 (IL7) et de son médiateur phosph-STAT5 (Johnson et al., 2012). Dès qu’un réarrangement est productif, la génération de CDB doit cesser afin d’obtenir un seul type de chaîne légère et un seul type de chaîne lourde. Ceci est rendu possible par la surexpression de la protéine AKT par les cellules B ayant un BCR fonctionnel, engendrant la séquestration cytoplasmique des protéines FoxO, protéines permettant d’activer la transcription de RAG1 et RAG2 (Kuo & Schlissel, 2009, Schatz & Ji, 2011). Le domaine C-terminal de RAG2 possède également un rôle majeur dans le

maintien la stabilité génétique de la cellule T et B : il contrôle la stabilité du complexe

RAG/DNA post-clivage et inhibe (1) la résection des extrémités menant à une réparation délétère par le NHEJ alternatif (A-EJ) (Corneo et al., 2007) (2) la génération d’autres CDB et le rapprochement d’extrémités issues de deux loci différents prélude aux réarrangements

aberrants et à la lymphomagénèse (Deriano et al., 2011, Chaumeil et al., 2013). L’A-EJ et la mobilité des CDB seront abordés plus loin.

Figure 5 : Mécanisme de la recombinaison V(D)J, coupure enzymatique par le complexe RAG et schéma du séquence RSS. Figures tirées de l’article (Schatz & Ji, 2011).

(a) Etapes de la recombinaison V(D)J : Chaque segment génique V, D ou J est bordé d’une séquence RSS avec un espaceur de 12 ou de 23 pb (respectivement 12RSS et 23 RSS). Dans un premier temps, RAG1, RAG2 et HMGB1 se lient à ces séquences formant ainsi un complexe signal 12 ou un complexe signal 23. Une synapse permet l’appareillement de ces deux complexes et la formation d’un complexe appareillé (paired complex) au sein duquel RAG va introduire une CDB. Dans un deuxième temps, le NHEJ prend en charge la religature des extrémités générées formant ainsi un segment codant (coding joint) et non codant (signal joint). La polymérase TdT (terminal deoxynucleotidyl transferase) peut introduire des nucléotides au moment de la ligature du coding joint, générant ainsi de la diversité jonctionnelle (rectangle bleu clair).

(b) Etapes du clivage par RAG. RAG introduit une CSB entre la séquence RSS et le segment génique en catalysant l’hydrolyse du pont phosphodiester. Le groupement hydroxyle (OH) libéré va alors attaquer le brin opposé créant ainsi une CDB et générant une structure en épingle à cheveux (hairpin-sealed) au niveau du coding joint et une éxtrémité franche au niveau du signal joint.

(c) Schéma d’une séquence signal de recombinaison (RSS) : une séquence heptamérique est suivie d’un espaceur (spacer) de 12 ou 23 pb puis d’une séquence nonamérique.

Après la recombinaison V(D)J, les cellules B IgM+ dites matures ou naïves sont libérées dans la circulation où elles sont activées par la recontre avec des antigènes et migrent vers les organes lymphoïdes secondaires tels que la rate, les ganglions lymphatiques ou les amygdales. C’est au sein des centres germinatifs formés (GC pour germinal centers) dans ces organes qu’elles proliférent et vont subir l’hypermutation somatique (SHM pour Somatic Hypermutation) et la commutation de classe (CSR pour Class Switch recombination). La CSR passant à nouveau par l’induction et de CDB et la réparation par NHEJ en phase G1. Elle permet la génération de nouveaux isotypes. La SHM permet d’améliorer l’affinité du site de reconnaissance à l’antigène par l’introduction de mutations dans les gènes codant la région variable des Igs. Ces mécanismes de l’immunité acquise aboutissent à la génération d’un répertoire d’anticorps extrêmement varié et de haute affinité à partir d’un matériel génétique limité.