• Aucun résultat trouvé

LUTTER CONTRE L’INERTIE SOCIALE

Dans le document AVIS SÉNAT N° 114 (Page 54-57)

II. L’ORIENTATION : UN CHANTIER À L’ARRÊT

effectifs de lycée GT contre seulement 0,7 % des CAP. Il en est de même pour les enfants de parents exerçant une profession libérale ou d'encadrement : comptant pour 18,1 % des effectifs du secondaire, ils ne représentent que 7,2 % des baccalauréats professionnels et 4,5 % des CAP contre plus d’un quart des lycéens de la voie générale et technologique.

Les enfants d'ouvriers, de chômeurs n’ayant jamais travaillé ou de personnes sans activité sont en revanche surreprésentés dans le second cycle professionnel. 52,6 % des élèves en voie professionnelle sont issus d’une famille d’ouvriers ou de personnes sans activité, alors qu’ils ne représentent que 36,3 % de l’effectif global du secondaire. En outre, ces élèves vont plus souvent en CAP qu’en bac professionnel : 19,3 % des enfants de chômeurs visent ce diplôme de niveau V contre 11 % pour celui de niveau IV. Cette caractéristique les distingue d’ailleurs des enfants d’employés, qui, s’ils sont proportionnellement plus nombreux dans la voie professionnelle vont davantage vers le baccalauréat que vers le CAP.

Élèves du second degré selon la catégorie sociale de la personne responsable de l’élève en 2009-2010 (en %)

Agricul-teurs

Artisans, commerçants

Prof.lib., cadres

Prof.

interméd. Enseignants Employés Ouvriers Sans activité

Second cycle GT 2,1 10,7 25,2 15,6 4,7 15,6 18,9 4,7

CAP 1,2 7,1 4,5 8,5 0,7 17,0 38,0 19,3

BEP 1,6 8,7 5,9 11,6 0,9 18,5 38,0 11,3

Bac pro 1,6 9,2 7,2 11,7 1,0 18,9 35,2 11,2

Ensemble 2,1 10,2 18,1 13,4 3,2 16,6 26,5 7,7

Source : RERS 2010 – ministère de l’éducation nationale

Le système éducatif et les représentations sociales conjuguent leur effet pour condamner les enfants de milieu populaire à une insertion professionnelle très rapide, souvent avec des perspectives d’emploi, de salaire et de carrière restreintes. C’est pourquoi votre rapporteure estime qu’il est temps de rompre avec un utilitarisme à courte vue qui transforme l’orientation en un pur mécanisme de sélection des meilleurs et d’affectation des plus faibles en fonction des variations de la demande de main-d’œuvre des employeurs. Il faut remettre à plat la conception française de l’orientation, en s’inspirant éventuellement des exemples scandinaves pour remédier à ces effets de sélection sociale et accroître l’équité du système scolaire.

Enfin, votre rapporteure tient également à ce que les inégalités de genre soient combattues, afin de briser les représentations mentales et sociales qui enferment jeunes gens et jeunes filles dans des stéréotypes professionnels archaïques. Dans la voie professionnelle, ces clivages sont particulièrement marqués. Les filles se concentrent dans les spécialités de la coiffure, de l’esthétique, du secrétariat, des carrières sanitaires et sociales,

tandis que les garçons accaparent la mécanique, le bâtiment, la logistique ou l’électricité. Ces orientations obligées en fonction de l’image masculine ou féminine de certains métiers ne sont pas une fatalité, comme le montrent certains exemples inattendus. Ainsi, la spécialité professionnelle peinture et revêtement a connu en quelques années une féminisation drastique, parce qu’elle est désormais considérée comme une voie possible d’accès à la profession de décorateur d’intérieur.

2. Accompagner les élèves dans le mûrissement de leurs choix C’est au collège que se joue l’éducation à l’orientation pour en finir avec le couperet de la Troisième, où dominent les affectations par défaut et par l’échec, au mieux dans l’indifférence de l’élève, au pire dans la frustration.

Votre rapporteure avait dans son rapport précédent longuement analysé les différentes étapes du parcours de découverte des métiers et des formations (PDMF), organisé de la Cinquième à la Troisième. Les différentes séquences lâchement coordonnées les unes avec les autres qui constituent ce parcours n’ont pas évolué depuis. Leurs faiblesses et leurs lacunes persistent ; le diagnostic est donc resté le même : les conditions d’une authentique découverte des métiers et des formations pour tous les jeunes, sans préorientation et sans préjugé, ne sont pas réunies.

Même si l’idée qui préside à la construction du PDMF est séduisante et ne mérite pas d’être purement et simplement abandonnée, son contenu laisse à désirer, notamment les stages d’observation en classe de 3e. L’hétérogénéité des différentes étapes, leur traitement très disparate selon les établissements, le manque d’évaluation réduisent l’impact du dispositif sur les décisions d’orientation.

Pour partie, ces difficultés sont liées au public visé : des collégiens auxquels on demande de se projeter loin dans l’avenir, dont les goûts et les aspirations ne sont pas encore stabilisés, qui n’ont bien souvent pas même la notion de projet professionnel. C’est pourquoi il est essentiel de dépasser la simple présentation même détaillée ou ludique des métiers et des filières ; noyer des adolescents sous l’information ne les aide pas à mûrir des choix d’études et des choix de vie. Il convient de ne pas oublier que choisir une profession, c’est aussi accepter une certaine position dans la société. L’enjeu est très lourd et les adolescents le mesurent beaucoup mieux qu’on ne pourrait le penser. Il est donc nécessaire d’accompagner les élèves, qui ne doivent pas être laissés à eux-mêmes à un moment crucial de la construction de leur personnalité et de leur destin.

C’est pourquoi votre rapporteure réitère sa proposition d’instituer un adulte référent stable tout au long des années de collège et extérieur au milieu familial. Rien n’oblige que ce soit un enseignant, l’adolescent préfèrera peut-être s’adresser à un tiers, qui n’est pas en situation de le noter

ou de le juger. Après avoir bénéficié de modules de formation adaptés, l’adulte référent aidera l’élève à réfléchir à son projet personnel.

À l’issue de chaque séquence du PDMF, il fera le point avec l’élève sur son expérience et amorcera sa réflexion sur la prochaine étape. Ainsi la cohérence et la fécondité des différentes séquences de découverte des métiers s’en trouveront accrues. En dehors de ces rendez-vous réguliers, l’adulte référent assumera un rôle plus général de conseil.

L’intérêt de l’adulte référent réside d’abord dans ce qu’il reste le même et constitue ainsi un pôle de stabilité pour un élève, d’une part, dans ce qu’il est extérieur au milieu familial et n’active donc pas les mécanismes de reproduction sociale.

Dans le document AVIS SÉNAT N° 114 (Page 54-57)