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A. - La lutte contre la pollution atmosphérique d'origine industrielle

Les premières réglementations des sources fixes de polluants atmosphériques et, en

particulier, d'odeurs, étaient fort peu préoccupées d'environnement. Soucieuses de ne

pas entraver la révolution puis le développement industriels, elles permettaient aux

industries de produire et de polluer l'environnement pour autant que l'ordre public soit

respecté. L'évolution des techniques et des mentalités et l'intégration institutionnelle des

préoccupations écologiques

13

ont conduit à une réforme de la législation sur les

(3) V. Code de l'environnement, art. L. 511-1 à L. 517-2 et décret n. 77-1133 du 21 septembre 1977 pris pour l'application de la loi n. 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement (J.O.R.F. du 8 octobre 1977, p. 4897) modifié. Le texte consolidé du décret peut être consulté au C.P.E.N., textes officiels, rubrique "Installations classées" et sur le site Internet de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (I.N.E.R.I.S.) : http://aida.ineris.fr/).

(4) V. infra, note n. 15.

(5) Ces arrêtés sont pris en application des articles L. 512-5 (installations soumises à autorisation) et L. 512-10 (installations soumises à déclaration) du Code de l'environnement .

(6) Ibid., art. L. 512-1.

(7) Directive 84/360/CEE du 28 juin 1984 relative à la lutte contre la pollution atmosphérique en provenance des installations industrielles (J.O.C.E. n. L 188 du 16 juillet 1984, p. 20).

(8) Directive 96/61/CE du 24 septembre 1996 relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution (J.O.C.E. n. L 257 du 10 octobre 1987, p. 26).

(9) Acronyme de Integrated Pollution Prevention Control. (10) Ibid., art. 2, point 6.

(11) Loi n. 61-842 du 2 août 1961 relative à la lutte contre les pollutions atmosphériques et les odeurs, préc..

(12) J. HEBERT, Les développements récents de la réglementation française sur l'autorisation de création des installations nucléaires de base (1e partie), C.J.E.G., novembre 1976, pp. 43-51, spéc. p. 43.

(13) Mise en place d'un département ministériel de la protection la nature et de l'environnement en 1971 (v. décret n. 71-94 du 2 février 1971 [J.O.R.F. du 3 février 1971, p. 1182]) puis création du ministère de l'Environnement en 1978 (v. décret n. 78-533 du 12 avril 1978 [J.O.R.F. du 13 avril 1978, p. 1647]).

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installations classées

14

, celle-ci incluant l'environnement et la nature au nombre des

intérêts protégés

15

. Toutefois, en cet état du droit, la protection de l'environnement n'est

qu'imparfaitement assurée. L'approche sectorielle des nuisances et des pollutions

conduit à réglementer de manière cloisonnée les rejets en fonction du milieu récepteur

et favorise "des transferts de pollution entre les différents milieux de l'environnement,

plutôt que de protéger l'environnement dans son ensemble"

16

. Cette prise de conscience

trouve sa traduction dans la démarche de prévention et de réduction intégrées de la

pollution. Si cette évolution est globalement positive, il n'en demeure pas moins

qu'aujourd'hui comme hier, la réglementation des émissions polluantes de l'industrie

vise moins à protéger l'environnement qu'à "concilier des intérêts contradictoires de

développement économique et social avec des mesures protectrices des milieux"

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(a).

S'il s'agit certes là de l'objectif de toute politique publique d'environnement, il

semblerait néanmoins normal que, par un juste retour des choses, le respect des normes

d'émission soit garanti, ce dont il faudra nous assurer (b).

a.

La valeur limite d'émission, expression d'un compromis globalement

défavorable à l'environnement

Les valeurs limites d'émission de polluants dans l'atmosphère sont déterminées sur la

base des meilleures technologies disponibles (M.T.D.) à un coût acceptable. Le recours

à la notion de M.T.D. constitue l'expression même du compromis inégal réalisé entre les

divers intérêts en présence (1). Une telle remarque semble cependant pouvoir être

relativisée dans la mesure où la norme de rejet pourra être adaptée en fonction des

circonstances locales. Se pose alors la question de savoir si cette possibilité de

modulation joue nécessairement en faveur de la protection du milieu (2).

1.

La "meilleure technologie disponible", base des valeurs limites d'émission

La meilleure technologie disponible est présentée comme "le stade de développement

le plus efficace et avancé des activités et de leurs modes d'exploitation" constituant "en

principe, la base des valeurs limites d'émission (...)"

18

. Elle pourrait donc faire illusion

en laissant à penser qu'elle correspond à l'état le plus avancé de la technologie. Or à

l'analyse, la notion est considérablement "moins exigeante"

19

et la norme qui en

provient n'a finalement que de lointains rapports avec ce que requiert

(14) Loi n. 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement (J.O.R.F. du 20 juillet 1976, p. 4320) modifiée (codifiée aux articles L. 511-1 à L. 517-2 du Code de l'environnement auxquels nous nous référerons ci-après).

(15) Code de l'environnement, art. L. 511-1 : "Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature et de l'environnement, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique".

(16) Directive 96/61 du 24 septembre 1996 relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution, préc., 7e considérant.

(17) P. LASCOUMES, L'éco-pouvoir. Environnements et politiques, éd. La Découverte, 1994, coll. "Textes à l'appui", série "Ecologie et société", p. 99.

(18) Directive 96/61 du 24 septembre 1996, préc., art. 2 § 11.

(19) E. REHBINDER, L'apport de la Communauté européenne au développement du droit de l'environnement, in F OST et S. GUTWIRTH (dir.), Quel avenir pour le droit de l'environnement ?, op. cit., pp. 429-449, spéc. p. 433.

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l'environnement (1.1.). Sans doute, l'engouement dont elle bénéficie tient-il à la

démarche d'uniformisation dont elle procède (1.2.).

1.1.

La détermination de la "meilleure technologie disponible"

La notion de "meilleure technologie disponible" n'est pas, à proprement parler,

nouvelle

20

; on en retrouve l'esprit dans l'article 17 du décret du 21 septembre 1977

évoquant "l'efficacité des techniques disponibles et leur économie"

21

. Elle apparaît en

1979 dans la Convention de Genève relative à la pollution atmosphérique transfrontière

à longue distance

22

avant d'être reprise, au niveau communautaire, par la directive-cadre

de 1984

23

. Ces textes n'en donnent toutefois aucune définition, indiquant simplement

que les M.T.D. doivent être "économiquement applicables"

24

ou encore que leur

application ne doit pas entraîner "de coûts excessifs"

25

. En droit interne, la circulaire du

7 mars 1988, qui vise la directive de 1984, précise que la meilleure technologie

disponible "intègre (…) les performances et les coûts des différentes techniques de

réduction des émissions"

26

. Ainsi, avant même l'intervention de la directive "I.P.P.C."

27

,

la notion traduisait clairement un rapport coût - efficacité. De fait, la définition de la

M.T.D. résulte majoritairement de l'état de la technologie et de son économie (1.1.1).

On peut dès lors s'interroger sur l'importance réellement accordée, dans une telle

démarche, aux préoccupations environnementales. Certes, la détermination de la M.T.D.

tient compte de l'approche intégrée de la prévention et de la réduction des pollutions.

L'ambition est toutefois relative puisque le niveau de protection dépend d'un bilan des

coûts et des avantages "pouvant résulter d'une action"

28

(1.1.2.).

1.1.1.

La prise en compte de l'état de la technologie et de son économie

La directive "I.P.P.C." précise que le terme "meilleures" désigne "des techniques les

plus efficaces pour atteindre un niveau général élevé de protection de l'environnement

dans son ensemble"

29

. Cet objectif est toutefois sérieusement relativisé puisque la

meilleure technologie doit être "disponible", c'est-à-dire "mise au point sur une échelle

permettant de l'appliquer dans le contexte du secteur industriel concerné, dans des

conditions économiquement et techniquement viables en prenant en considération les

(20) Elle a été introduite dans la législation communautaire par la directive 76/464/CEE du Conseil du 4 mai 1976 concernant la pollution causée par certaines substances déversées dans le milieu aquatique de la Communauté (J.O.C.E. n. L 129 du 18 mai 1976, p. 23) avant d'être reprise, légèrement modifiée, par la directive du 28 juin 1984 relative à la lutte contre la pollution atmosphérique en provenance des installations industrielles, préc..

(21) Décret n. 77-1133 du 21 septembre 1977, mod., préc., art. 17 al. 2. (22) Convention du 13 novembre 1979, préc., art. 6.

(23) Directive 84/360 relative à la lutte contre la pollution atmosphérique en provenance des installations industrielles, préc..

(24) Convention de Genève du 13 novembre 1979, préc., art. 6 (souligné par nous). (25) Directive 84/360 du 28 juin 1984, préc., art. 4 § 1.

(26) Circulaire du 7 mars 1988 relative à la réduction de la pollution atmosphérique (J.O.R.F. du 14 avril 1988, p. 4909).

(27) Directive 96/61 du 24 septembre 1996 relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution, préc.. (28) Ibid., annexe IV.

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coûts et les avantages (…), pour autant que l'exploitation concernée puisse y avoir accès

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