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Luc Court, constructeur automobile d’il y a un siècle, s’est avéré aussi conformiste qu’innovateur, éclectique et brillant. Il a déposé de nombreux brevets et plusieurs de ses inventions ont contribué à l’essor de l’industrie en général, et de l’automobile en particulier. Installée à Lyon, sa société n’ira que rarement aux Salons de Paris, préférant s’imposer dans la « capitale des Gaules », longtemps l’une des métropoles de l’automobile française. Né en 1862 à Renages (Isère) où son père possède une papeterie qu’il a fondée

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Luc Court fait l’École centrale de Lyon

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et en sort avec un diplôme d’ingénieur. Il travaille d’abord chez un spécialiste de brevets et en dépose une quarantaine, puis il s’intéresse à l’électricité et à ses applications. À trente ans, il crée, avec un associé toutefois et grâce aux fonds (180 000 francs, soit l’équivalent de plus d’un demi-million d’euros…) apportés par son beau-père courtier en soie, sa propre affaire, « Luc Court et Cie », spécialisée dans la fabrication d’accumulateurs. La société, avec ses bureaux de la Presqu’île et son usine du quartier des Brotteaux, n’a rien d’un atelier artisanal. Par la suite, il développe et commercialise des transformateurs, dynamos et moteurs à courant continu. Il dépose un brevet pour un système de climatisation, avant d’équiper en éclairage électrique urbain plusieurs agglomérations importantes du Midi de la France

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il installe des systèmes d’éclairage pour grands magasins, et ensuite s’intéresse aux problèmes de manutention mécanique. Il excelle immédiatement dans ce nouveau domaine, développant des palans électriques à chaîne ou à câble, des treuils de levage, des cabestans, des ponts roulants ou bien encore des monte-charges. Le glissement à l’automobile était inévitable : après le projet (1897), vite abandonné, d’une voiture électrique, un brevet de changement de vitesse « progressif avec possibilité de marche arrière » et le brevet d’un moteur à essence deux cylindres qui « évite les trépidations », Luc Court construit aux Brotteaux sa première voiture en 1899. Il s’agit d’une deux cylindres, avec une boîte deux vitesses, conduite en vis-à-vis, pneus à bandage plein, allumage du moteur par brûleurs, installation sous le volant de l’ensemble des commandes. Cette voiture est en fait une ébauche, qui aboutit

1 En s’intéressant au secteur de la construction mécanique et électrique, Luc Court va laisser sans successeur, alors qu’il est fils unique, la papeterie paternelle, qui remonte au XVIIe siècle.

2 Son programme et ses méthodes d’enseignement semblent particulièrement bien adaptées aux besoins des jeunes industries. Elle allie des connaissances générales et théoriques en sciences à un enseignement plus pratique et technique ; les études, qui durent trois ans, alternent cours magistraux et travaux pratiques Le diplôme d’ingénieur délivré en fin de cycle sanctionne de solides connaissances scientifiques et une bonne maîtrise de la technologie.

3 En 1897, il motorise des usines et, surtout, dépose un nouveau brevet pour un changement de vitesse progressif, qui peut également être utilisé comme frein, doublé d’une possibilité de marche arrière. Un système qui trouve de nombreuses applications, notamment dans l’automobile, et Luc Court pourrait bien être l’inventeur de la marche arrière, s’il y en a un.

en janvier 1900 à la présentation de la première véritable voiture Court destinée à être produite en petite série. De nombreuses commandes sont enregistrées, malgré un prix de vente assez élevé par rapport à la concurrence. En effet, converti à la construction automobile, ayant transformé en 1901 sa société en société anonyme — Société anonyme des Anciens Établissements Luc Court et Compagnie — Luc Court continue ses recherches pour la mise au point de voitures qui se caractérisent par leur

robustesse, leur fiabilité mais aussi leur prix de revient élevé. Pour compenser la modicité des bénéfices dégagés par une production automobile limitée, Luc Court conserve une secteur de manutention mécanique, fabriquant toujours des appareils de levage équipés de moteurs électriques de sa fabrication. Pour encourager les ventes, Luc Court crée une société de crédit en 1907, « L’Auto lyonnais »

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Comme beaucoup de constructeurs, Luc Court fait courir ses voitures et… court lui-même dans des compétitions ; les modèles de tourisme sont

élégamment habillés par des carrossiers indépendants lyonnais. L’année 1905 est surtout marquée par le châssis 18/24 HP qui peut être disponible en... deux parties ! Luc Court a en effet acheté le brevet d’un ingénieur parisien, Lacoin, qui a mis au point un double châssis constitué à l’avant d’un « faux châssis » qui comprend le moteur et la direction, et à l’ancien régime d’un châssis carrosserie modifiable suivant les désirs en torpédo, limousine ou bétaillère

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Plus sérieux et plus fonctionnel, le nouveau châssis de 1906 est rétréci à l’avant pour faciliter le braquage et il est doté d’un pont arrière en tôle emboutie. Une conception nouvelle signée une fois de plus Luc Court en personne, généralisée ensuite par l’ensemble des constructeurs automobiles. En 1908 l’entreprise devient une S.A., elle sort son premier véhicule utilitaire, malgré la concurrence très proche de Berliet. Dans le même temps, une succursale est ouverte sur le très

prometteur marché nord-africain, à Alger, initiative judicieuse puisque cette agence se montre rapidement très dynamique et, après avoir distribué de nombreuses voitures, se spécialisera dans les cars et camions qui seront produits ultérieurement par la marque. La gamme se développe mais reste obstinément attachée à la transmission par chaîne. Pour les camionnettes, elle est remplacée par un arbre de roue qui part d’un carter différentiel fixé contre l’essieu arrière. Le catalogue 1912 montre que la société Court s’est recentrée sur la production de camionnettes et d’une quantité non négligeable de

1 Le masculin de l’époque.

2 D’après la publicité de l’époque, la métamorphose demande trois à quatre minutes ( !) et l’assemblage des deux châssis s’effectue en quatre points, tout jeu et matage étant impossibles. Un système également utilisé par le constructeur Charles Pantz, installé à Pont-à-Mousson, qui a commercialisé toute une gamme de véhicules sur le même principe.

groupes électrogènes qui continuent d’être fabriqués en complément de la production automobile, notamment pour le ministère de la Guerre.

Pendant la Grande Guerre, la direction continue à privilégier la fabrication des camionnettes. À la fin des hostilités, l’usine reprend immédiatement ses anciennes activités. La production de camionnettes est bien sûr poursuivie et augmentée, complétée par celle de camions légers et des voitures particulières, mais progressivement, les véhicules utilitaires retrouvent une place prépondérante dans la gamme Luc Court, reléguant au second plan les automobiles. Pour les voitures

particulières, il est en effet impossible pour la firme de s’aligner sur les méthodes et les capacités de production des grands constructeurs français et elles sont arrêtées en 1935. La production de camionnettes, camions de différents tonnages et cars de 22 à 32 places prospère : à Lyon, les Postes commandent plusieurs dizaines de camionnettes, en Algérie, des cars Luc Court assurent la majorité des liaisons entre les villes et bourgs de campagne

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La crise économique du début des années 30 donne un coup de frein à l’industrie automobile française, particulièrement aux petits constructeurs comme Luc Court. La situation se dégrade, l’entreprise ne peut faire face aux difficultés. Luc Court se concentre sur la fabrication de véhicules utilitaires et étudie des moteurs diesel. Après avoir déposé plusieurs brevets, l’entreprise vend le « Diesel-Luc Court. Le plus simple des Diesel » (à injection semi-directe) puis présente en 1938 le premier camion diesel à injection directe de la marque, et le premier de France. En effet, Luc Court peut se targuer d’être le seul constructeur ayant créé et réalisé dans ses usines un moteur diesel de conception entièrement française, de surcroît performant et à injection directe, solution très rare pour l’époque. Certes Berliet, l’éternel rival, fabrique des moteurs diesel, mais sous licence et d’après le système conçu par l’anglais Ricardo. Baptisé le MC4, le camion Luc Court rencontre en France et en Algérie un succès immédiat qui relance la firme. Dès les années 1930, Luc Court, s’associe son fils, Paul (né en 1898), ingénieur de l’École centrale de Lyon lui aussi.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, plutôt que de travailler pour l’occupant, Luc Court laisse son usine plus ou moins à l’abandon. Malade, il décède des suites d’une intervention chirurgicale en 1942. À la fin du conflit, c’est son fils Paul qui reprend le flambeau et tente de relancer l’entreprise. Mais, confronté à une pénurie de matières premières, à un outil de production désuet et à une faible capacité de production, il devra se contenter de fabriquer le moteur diesel, monté uniquement sur

deux châssis et la production stagnera à environ une quarantaine d’exemplaires par an, des véhicules municipaux pour la plupart : une bonne partie de l’activité est de la maintenance des camions et autocars Court qui roulent encore. À la fin de 1950, la fabrication de camions et autocars est définitivement stoppée, quatre années après celle des voitures si l’on tient compte des fabrications ponctuelles. La société anonyme ayant pour terme ultime la date de 1951, elle est, le 6 novembre 1950, courageusement prorogée jusqu’en 2050… L’usine continue à assurer la maintenance de ses produits, avant de fermer définitivement ses portes en 1952. Elle continuera néanmoins d’exister, se consacrant à la fabrication de palans électriques et de pont roulants. Une activité commencée au début du siècle, et poursuivie en permanence, parallèlement à l’automobile. La société a dû déménager à Villeurbanne en 1952, jusqu’à sa disparition en 1972. Le nom de Luc Court est alors peu à peu tombé dans l’oubli

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!

1 Paul Court est décédé en 1981. Dossiers de la Fondation Marius Berliet ; B.Angleraud & C.Pellissier, Les

dynasties lyonnaises. Des Morin-Pons aux Mérieux, du XIXe siècle à nos jours, Perrin, 2003, 830 p.,

BERLIET

Avec Marius Berliet, on aborde l’histoire d’une société qui a été un des fleurons de l’économie lyonnaise au XXe siècle et on retrouve le mythe fondateur de bon nombre d’entreprises qui ont commencé petitement pour parvenir ensuite à dominer un secteur. On retrouve aussi le foisonnement d’ateliers automobiles lyonnais qui se sont lancés dans la décennie 1890 : Rochet-Schneider, Luc Court, François Pilain, Marius Patay, Audibert et Lavirotte… Les entrepreneurs qui, à la fin du XIXe siècle, se lancent dans l’aventure automobile se recrutent peu sur la place lyonnaise ; au contraire, nombre de futurs dirigeants viennent de zones proches, les départements voisins du Rhône où, à la fin du XIXe siècle, l’amélioration des communications, jointe aux difficultés de l’agriculture, fait augmenter le nombre de candidats à l’exode rural. Marius Berliet est issu d’une modeste famille de paysans de Décines, dans la grande banlieue est de Lyon. Vers 1830, les revenus de l’exploitation de suffisant plus, son grand-père doit partir pour Lyon où il devient manœuvre chez un fabricant de tulle. Son fils Joseph apprend le métier de tullier puis le tissage en rubanerie. En partie grâce à la dot de sa femme, Joseph Berliet s’installe à son compte, dans un atelier de la Croix-Rousse doté de deux métiers où il tisse le satin. Quand Marius Berliet naît, en 1866, sa famille s’est donc fait une place dans le monde de l’artisanat textile lyonnais. La famille appartient à la Petite Église, qui s’est créée en 1801 dans le refus du

concordat ; Marius Berliet fréquente donc l’école de la Petite Église, avant de rejoindre le lycée Ampère. Mais ses études sont arrêtées alors qu’il a seize ans, car il est l’aîné de sept enfants et doit rejoindre la fabrique paternelle

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. Le certificat d’études en poche, il fait un an d’apprentissage puis travaille chez son père. Très tôt, Marius Berliet conçoit et développe de nouvelles machines qui accroissent la production familiale. En 1884, alors qu’il fête ses 18 ans, il aurait confié à un cousin (ou à son père) : « j’ai raté la bicyclette, je ne raterai pas l’automobile » ! Mais son père, dont la réussite artisanale est une formidable avancée sociale par rapport à son milieu paysan d’origine, s’oppose

farouchement à son désir de se lancer dans l’aventure automobile. En ne travaillant que les week-ends, Marius Berliet réalise néanmoins son premier moteur en 1894 — à partir d’un plan qu’il a vu dans la revue Nature, qui traite de l’application des sciences à

1 Certes, mais il a quand même reçu un enseignement très supérieur à ce qui a été dispensé aux autres enfants de l’artisanat lyonnais : l’école de la Petite Église et non l’école communale, le lycée surtout, auquel n’accèdent que très peu d’enfants de la toute petite bourgeoisie. Marius Berliet a un fort bagage culturel, qui ne lui donne pas le soubassement technologique nécessaire à sa future activité, mais qui joue sans doute un rôle dans son acharnement à vouloir compléter sa formation par des cours du soir où il acquiert des rudiments d’anglais et des connaissances techniques.

l’industrie

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— et sa première voiture en 1895, une deux places avec les sièges disposés l’un derrière l’autre qui finira... dans la vitrine d’un charcutier !

Nullement découragé — cette biographie est décidément très édifiante ! — il construit un second moteur en 1896 et une nouvelle voiture l’année suivante, toujours une deux places, mais cette fois côte à côte et le véhicule marque sa véritable entrée dans le monde de la construction automobile. En mars 1899, après le décès de son père, Marius Berliet peut réaliser enfin son rêve, aidé financièrement par sa mère, un de ses frères reprenant l’affaire paternelle. Il loue un petit atelier, se fait aider de l’ingénieur Pierre Desgouttes, engage un ouvrier et il commence la fabrication de voiturettes, alors que, le 10 de ce même mois, le terme « automobile » apparaît pour la première fois dans le texte officiel du « certificat de capacité ». À la fin de l’année 1899, il a construit six voiturettes et emploie quatre ouvriers. Douze voitures seront produites l’année suivante. Ses différents modèles — 10 et 16 chevaux — rencontrent un certain succès car, dès le début, Marius Berliet se distingue en proposant des véhicules simples et robustes. À la fin de l’année 1902, l’usine — Marius Berliet a racheté l’usine Audibert et Lavirotte, pionniers de l’industrie automobile lyonnaise, de Monplaisir et engagé Émile Lavirotte comme directeur commercial — sort dix à quinze voitures par mois et emploie 250 personnes. Dès 1903 sortent des usines Berliet de grosses voitures à quatre places capables de rivaliser avec les Rochet-Schneider.

L’année 1904 voit les premières participations des voitures Berliet en compétition

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. Elles glaneront, en 1905, plus de 25 premiers prix, auxquels s’ajoutent différents prix d’élégance. Cette même année, une entreprise américaine de locomotives à vapeur — l’American Locomotive Corporation (ALCO) — acquiert la licence Berliet pour fabriquer des châssis outre-Atlantique en échange de 500 000 F. Cette somme (à peu près un million et demi d’euros…) sera immédiatement investie par Berliet dans la construction d’une usine ultramoderne à Vénissieux, l’achat de machines-outils haut de gamme et l’embauche de personnel. En souvenir de cette transaction… la locomotive devient en 1907 l’emblème Berliet. Les banquiers lyonnais, rassurés, ouvrent du crédit à Berliet, devenu grâce à la lecture régulière des revues techniques anglaises et

américaines, qui sont ses livres de chevet depuis les cours du soir de sa jeunesse, grand admirateur des États-Unis et des méthodes modernes d’un Ford et d’un Taylor, auteurs qu’il lit et relit fréquemment. Marius Berliet va s’inscrire en rupture par rapport

1 Toute sa vie, avec sans doute une dose certaine de coquetterie, Marius Berliet dira ne pas chercher à faire œuvre d’inventeur et exaltera la copie, c’est le conseil qu’il donnera sur le tard à ses fils.

2 Lors de l’entretien que j’ai eu avec lui le 27 octobre 2006, Paul Berliet m’a affirmé que jamais, à cause des risques encourus, Berliet n’avait fait de compétition !

aux pratiques des autres constructeurs. Quant au marché, alors que ses concurrents proposent des modèles uniques, faisant du « sur mesure » pour quelques clients fortunés, Marius Berliet se lance dans la production en grandes séries. C’est ainsi que, de 250 ouvriers en 1905, l’usine passera petit à petit à 4 000 ouvriers en 1913. À la Belle Époque, la région lyonnaise s’est découvert une nouvelle richesse industrielle et elle devient progressivement l’un des centres européens de l’automobile. La notoriété de Marius Berliet ne cesse de s’affirmer. Il perfectionne toujours la qualité mécanique de ses modèles, s’engage dans une course à la puissance, sans jamais perdre de vue l’esthétique. À partir de 1905, il est le premier constructeur à vendre des voitures entièrement terminées. Jusqu’en 1905, les automobiles Berliet étaient réalisées selon les désirs du client. Le châssis et la mécanique étaient fabriquées à l’usine de Monplaisir, mais, une fois assemblés, ils étaient confiés à un carrossier, qui finissait la voiture. À partir de 1905, tout se passe à Monplaisir : Marius Berliet est un des premiers constructeurs automobiles à vendre des automobiles complètes, « terminées », selon un principe, qu’il invente : « le client paie et emmène sa voiture de mon choix » ! Pour augmenter la production et réduire les coûts, il faut rationaliser la production en spécialisant chaque atelier dans une tâche particulière. Enfin, cette stratégie suppose de rendre l’entreprise indépendante des sous-traitants, à un moment où ceux-ci ont peine à suivre le rythme de développement des

constructeurs. Marius Berliet a fait de son usine un ensemble intégré, forgeant, usinant, emboutissant et assemblant. C’est l’année suivante, en 1906, qu’il entrevoit les diverses possibilités que peuvent offrir les camions qu’il considère comme le

prolongement logique du chemin de fer. Un deux tonnes d’aspect très rudimentaire sort des ateliers, suivi de près par un premier autocar ; il donnera naissance aux premiers voyages touristiques, entre Grenoble et le col du Lautaret, qui donne accès à la vallée de la Guisane et Briançon. Si, à la Belle Époque, plus de 1 200 voitures sont produites annuellement, dont le dernier modèle, une 6 cylindres dépasse les 100 km/h, Marius Berliet intensifie la production de camions et se positionne comme le spécialiste du « poids lourd » avec plusieurs modèles disponibles. C’est l’originalité

fondamentale, historique, de Berliet. Entre-temps, malgré de nombreux succès internationaux, il renonce à la compétition qu’il estime trop onéreuse, trop risquée et trop contraignante, ce qui ne l’empêche pourtant pas d’affirmer : « Berliet ne court pas et gagne, quand même ». C’est sa deuxième grande originalité. En 1913, Marius Berliet emploie 3 500 ouvriers, dans une usine devenue gigantesque (47 000 m2 d’ateliers) qui utilise des machines-outils anglaises, américaines et allemandes, un système de feuille de route qui suit le véhicule en fabrication d’atelier en atelier et produit cette

année-là 3 000 véhicules. En amont, une école d’apprentissage, dans l’usine même, une école de chauffeurs ; en aval sept succursales — dont une à Alger et une à Lisbonne — pour vendre les véhicules. En 1914, Marius Berliet se détache nettement du milieu des constructeurs lyonnais par ses méthodes, déjà tendues vers la série, la rationalisation et une relative démocratisation de la clientèle. Il se distingue également de la haute bourgeoisie lyonnaise, qui aurait bien voulu, semble-t-il, intégrer comme gendre ce célibataire endurci mais sérieux et fortuné, en épousant (en 1907) Louise Saunière (1881-1973), une Parisienne fille d’un entrepreneur en plomberie. Son mariage est l’occasion d’affirmer son indépendance par une sorte de défi qu’il lance à la bonne société lyonnaise : il a jeté son dévolu librement sur une Parisienne, catholique romaine, donc d’une religion « différente », et dont la dot est dérisoire. Marius Berliet entend montrer qu’il ne fait pas partie du patriciat lyonnais et qu’il

Dans le document Peugeot et le foyer automobile lyonnais (Page 28-45)

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