• Aucun résultat trouvé

Après une adaptation plus ou moins réussi au climat et à l’environnement canadien, les colons doivent faire face à une difficile appropriation du territoire augmentant le temps d’installation des Français. Le fastidieux travail de construction, de culture et d’établissement demande un besoin de main d’œuvre qualifiée. Cependant les guerres contre les Anglais ou les Iroquois perturbent le développement de la colonie.

A. Un problème de main-d’œuvre

Le manque de main d’œuvre est un des maux de la Nouvelle-France. Les ouvrages étudiés - ceux de Champlain, Boucher et Marie de l’Incarnation - prônent tous le besoin de nouveaux habitants pour aider au développement de la colonie . 132

Pierre Boucher le souligne en commençant sa longue description du Canada : « Je trouve, après tout considéré, qu’il ne luy manque que des Habitans ». De nouveaux 133

habitants sont nécessaires afin de bâtir et construire pour s’établir dans la colonie française au Canada. Sans leur main d’œuvre les bois ne peuvent pas se défricher, les champs être entretenus et cultivés et surtout l’installation durable de la colonie pourrait être en péril face aux attaques des Iroquois . Avec l’arrivée de nouveaux habitants et 134

surtout d’habitantes, l’accroissement naturel de la population prendrait le dessus et jouerait un rôle primordial dans l’évolution de la Nouvelle-France, comme nous l’avons vu durant la première partie . De nouvelles industries pourraient être mises en 135

place, augmentant alors les bénéfices de la colonie mais aussi de la métropole. Les auteurs interpellent parfois les autorités françaises afin qu’ils envoient de l’aide et des habitants pour un plus rapide développement colonial . 136

BOUCHER Pierre, op. cit., p. 158. MARIEDEL’INCARNATION, op. cit., partie 1, lettre 62, p. 137-138 ; lettre 132

91, p. 207-208.

BOUCHER Pierre, op. cit., p. 6. 133

MARIEDEL’INCARNATION, op. cit., partie 1, lettre 61, p. 133-135. 134

MATHIEU Jacques, La Nouvelle-France : les Français en Amérique du Nord, XVIe-XVIIIe siècle, Laval,

135

Presse Université de Laval, 2001, p. 184.

MARIEDEL’INCARNATION, op. cit., partie 1, lettre 61, p. 130, lettre 127, p. 288. 136

Cependant, dans un premier temps la colonie n’étant pas une colonie de peuplement mais seulement à but économique, l’envoi de main d’œuvre n’est pas prioritaire pour le Roi. Le système économique de la Nouvelle-France est tel que celui- ci n’est pas réellement nécessaire puisque le commerce principal, étant celui de la fourrure, ne nécessite pas l’emploi d’un grand nombre de personnes . Malgré les 137

tentatives de Jean Talon, à partir de 1663, pour développer de nouvelles activités comme l’exportation de produits agricoles et de poissons ou le développement d’industries textiles et de brasseries, la fourrure reste le premier produit exporté vers la métropole durant tout le Régime français . Le commerce de la fourrure est détenu par 138

des groupes professionnels l’exportant en France et qui comptent essentiellement sur la main d’œuvre amérindienne . En outre, ce sont eux qui chassent, prélèvent les peaux, 139

les préparent et les livrent aux Français . Les coureurs des bois, colporteurs 140

indépendants, transportent aussi la marchandise française et commercent directement avec les fournisseurs autochtones. Au vu du nombre en constante croissance, les autorités, durant la fin du XVIIe siècle, ont décrété qu’ils portaient atteinte à la colonie

et ont adopté des mesures afin que leurs activités cessent. Mais le Royaume de France, poussé par d’autres intendants et les tentatives de créer d’autres industries qui pourraient être prolifiques pour l’économie du royaume, répond peu à peu à l’appel et aux plaintes des Français de l’autre coté de l’Atlantique . Comme nous l’avons vu, 141

des soldats sont envoyés pour combattre les Iroquois et protéger la colonie des invasions anglaises, des artisans et autres gens de métiers sont aussi envoyés afin de faire proliférer leur industrie dans la colonie . Sans oublier que quelques esclaves — 142

très peu — sont présents dans différentes villes afin de travailler au développement de la colonie. Au XVIIe siècle, les travaux de Marcel Trudel n’en dénombrent que 35 dont 7

esclaves africains . 143

D’autres raisons peuvent mettre en péril la venue de nouveaux Français. Par exemple, une lettre de 1668 du Conseil Souverain de la Nouvelle-France à Colbert

HAVARD Gilles et VIDAL Cécile, op. cit., p. 92. 137 Ibid., p. 460-461. 138 Ibid., p. 461. 139 Ibid., p. 59 et p. 92. 140

FOSTER John and WILLIAM John Eccles, « Traite des fourrures », op. cit. 141

DEBIEN Gabriel, op. cit., passim. 142

BESSIÈRE Arnaud, « Population - Groupe sociaux », op. cit. 143

témoigne du mécontentement des colons . En effet, un arrêt interdit la liberté de 144

commerce au Canada. Les colons ne peuvent alors envoyer des produits vers la France mais inversement les Français décidant de partir pour la Nouvelle-France ne peuvent pas amener des produits ou même des effets personnels. Derrière cet arrêt se cache la volonté des colons de préserver un monopole de la traite des fourrures. L’arrêt décidé s’adresse surtout aux bourgeois car ils pouvaient mettre en péril l’économie de la colonie. D’après Rosario Bilodeau, Colbert hésitait à laisser ce droit aux habitants qui auraient, selon lui, uniquement gagné leur vie par le commerce de peaux sans travailler alors à la construction et l’entretien des terres de la colonie. Mais ces arrêts sont supprimés puis ré-adoptés à plusieurs reprises . Cependant comme le montre cet lettre 145

de 1668, le risque principal est de faire fuir des potentiels Français souhaitant s’installer au Canada mais aussi des colons habitant déjà en Nouvelle-France. Sans commerce les personnes employant des ouvriers et artisans ne peuvent alors pas procéder à leur paiement, étant donné qu’elles possèdent moins d’argent. Les hommes et femmes, notamment les bourgeois, quittant la colonie peuvent alors propager la nouvelle de cet arrêt en France. Le Canada a grandement besoin de main d’œuvre et cet arrêt risque « infailliblement que ce pays ne reçoivent aucun accroissement par de nouveaux colons ». Ainsi, certaines personnes ont préféré rester sur l’Ancien Continent et il est probable que l’une des causes soit la peur d’un emploi non rémunéré, comme le souligne le document . De plus, les contrats d’engagés pour la Nouvelle-France 146

doivent être signés en France. Cependant, ceux-ci ne prévoient pas des terres, un logement ou même des outils agricoles après la fin du contrat, tout étant finalement décidé et arrangé sur place . La lettre donne également l’exemple d’un chirurgien qui 147

n’ayant pas eu le droit d’apporter ses effets personnels comme ses ustensiles a préféré migrer vers les Antilles . Le cas du chirurgien n’est probablement pas isolé et il est 148

possible que des ouvriers ou des artisans n’aient pu importer leurs outils de travail ; du moins durant un temps, puisque les travaux de Robert-Lionel Séguin montrent que

Lettre du Conseil à Monseigneur Colbert, en vertu d’un arrêt du même jour, op. cit.

144

BILODEAU Rosario, « Liberté économique et politique des Canadiens sous le régime français », Revue de 145

l’Amérique française, juin 1956, volume 10, numéro 1, p. 54-55.

Lettre du Conseil à Monseigneur Colbert, en vertu d’un arrêt du même jour, op. cit.

146

DEBIEN Gabriel, op. cit., p. 211. 147

Lettre du Conseil à Monseigneur Colbert, en vertu d’un arrêt du même jour, op.cit.

divers outils furent importés de France à plusieurs reprises . Même si les auteurs de la 149

Nouvelle-France prônent le besoin de nouveaux habitants, le résultat fut peut-être l’effet inverse. Les ouvrages soulignant un manque d’habitants, il est possible que des Français ayant eu l’occasion de s’engager pour le Nouveau Monde aient préféré rester sur le Vieux Continent. Aller dans un pays manquant d’habitants, à des milliers de kilomètres de la France et coupé de toutes informations durant la moitié de l’année a pu véhiculer la peur de l’isolement . 150

Une fois arrivés au Canada, les Français doivent défricher, construire, planter, cultiver et entretenir leur terre afin de vivre correctement. Pierre Boucher le décrit : « il faut tousjours commencer par le défrichement des terres & faire une bonne métairie ». Cette procédure est nécessaire pour une installation durable. Cependant, 151

toutes les personnes ne sont pas formées à cette profession et le travail peut être rude car elles doivent fournir encore plus d’efforts. En outre, 40 à 60 % des colons sont des citadins et très peu sont donc paysans . Il faut rappeler que l’apprentissage d’un 152

métier s’apprend par transmission orale et par imitation des gestes et peut durer longtemps. Beaucoup, malgré leur déclaration en tant qu’« homme de métier » sur le recensement de 1666, sont très jeunes et sont probablement des apprentis ne maitrisant pas totalement leur profession . On peut prendre l’exemple des soldats, en service et 153

en temps de paix, qui travaillent la terre la journée pour aider au développement de la colonie. Ils ne sont pas tous des ouvriers agricoles ou bien même artisans et doivent devenir les apprentis et apprendre d’autres personnes . Ils ont aussi l’obligation de 154

s’initier à l’utilisation des différents outils disponibles en Nouvelle-France, les plus répandus étant le râteau, la fourche et la pioche en fer puis en bois . Mais même les 155

ouvriers agricoles doivent, en plus de puiser dans leurs connaissances françaises, apprendre et s’éduquer au savoir-faire amérindien pour cultiver correctement la terre

SÉGUIN Robert-Lionel, « Nos premiers instruments aratoires sont-ils de bois ou de fer ? », Revue d’histoire 149

de l’Amérique française, mars 1964, volume 17, numéro 4, p. 531-536.

VIRET Jérôme Luther, « La reproduction familiale en Nouvelle-France (XVIIe-XIXe siècles) », Histoire & 150

Sociétés Rurales, 2016, volume 46, numéro 2, p. 116.

BOUCHER Pierre, op. cit., p.159. 151

HAVARD Gilles et VIDAL Cécile, op. cit., p. 213. 152

AUDET Louis-Philippe, op. cit., p. 17. 153

SÉVIGNY André, « "S’habituer dans le pays", Facteurs d’établissement du soldat en Nouvelle-France à la 154

fin du grand siècle », Les Cahiers des dix, 1991, numéro 46, p. 66-70.

SÉGUIN Robert-Lionel,« Nos premiers instruments aratoires sont-ils de bois ou de fer ? », op. cit., passim. 155

canadienne . L’outillage français se modifie au fil des années pour répondre aux 156

exigences de la culture de la terre laurentienne. De nouveaux outils apparaissent, de même que des systèmes d’irrigation pour éviter que les champs se remplissent d’eau après la fonte des neiges. Ainsi même les paysans français doivent s’éduquer peu à peu à une nouvelle pratique de l’agriculture . 157

Cependant une fois sur place les colons, formés ou non aux métiers agricoles, se retrouvent confrontés à plusieurs difficultés.

B. Une très longue occupation du territoire

Les avis divergent au sein des sources sur le temps d’installation des Français pour vivre correctement et s’épanouir en Nouvelle-France. Il ne faut pas oublier que les Français s’y sont pris à diverses reprises pour installer une colonie comme l’installation ratée de Cartier et de La Rocque de Roberval. Cet échec est une des conséquences de l’arrêt temporaire de la colonisation française au Canada durant près de six décennies jusqu’à l’arrivée de Samuel de Champlain. Certains auteurs déterminent une période courte comme pour Marie de l’Incarnation où seulement deux à trois années suffiraient pour vivre pleinement sans dépendre des autres et quelques autres années permettraient de devenir riche . Une lettre du Conseil Souverain de la Nouvelle-France au Roi en 158

1664, nuance le propos en déterminant que seules les personnes ayant réussi à survivre aux dangers de la Nouvelle-France et ayant été les plus rigoureuses dans l’éducation et l’application des activités agricoles peuvent bien vivre au bout de trois longues années . Paul Le Jeune estime qu’il faut au moins cinq à six ans pour vivre et se 159

nourrir adéquatement après leur arrivée au Canada. Enfin l’historienne Louise Dechêne a calculé qu’au moins dix années sont nécessaires pour s’épanouir dans la colonie . 160

Les auteurs de la « Bibliothèque de la Nouvelle-France » vantent la pureté et fertilité de la terre à de nombreuses reprises au sein de leurs écrits comme nous l’avons

TAIRRAZ Monique, « Jardiner en Nouvelle-France », Continuité, automne 2003, numéro 98, p. 54-56. 156

SÉGUIN Robert-Lionel, « L’outillage agraire en Nouvelle-France : Du défrichement au labourage », 157

Ethnologie Française, 1974, volume 4, numéro 3, p. 291.

MARIEDEL’INCARNATION, op. cit., partie 2, lettre 72, p. 607-608. 158

Lettre du Conseil souverain de la Nouvelle-France au Roi, au sujet des 50 hommes envoyés et du

159

peuplement en Nouvelle-France, op. cit. LANDRY Yves, op. cit., p. 481–500. 160

déjà dit. Champlain lors de son retour à Québec en 1618 est émerveillé devant toute la production agricole offerte par la terre québécoise « la bonté, & valleur de la terre, qui de soy est naturellement bonne, & fertille en toute sorte de biens ». « Ce païs cy est 161

tres-bon » et cela est incontestable . Cependant ces auteurs ne sont pas vraiment 162

confrontés aux travaux de la terre et ne témoignent que de leurs observations. En outre, Marie de l’Incarnation éduque et essaie de convertir les jeunes Amérindiennes, les missionnaires partent en missions de conversions, Samuel de Champlain explore les terres canadiennes tout comme Pierre Boucher avant de s’intéresser à l’administration de la colonie. Mais il existe certaines lettres de colons vivant grâce à leurs terres qui tiennent un autre discours. Par exemple, Jean-François Charon de La Barre décide de vendre sa terre « voiant le peut de profit et revenut que rande les Terres ». 163

Champlain lors de son premier voyage en 1604 mentionne que certaines terres selon leur composition ne sont pas fertiles . Cette lettre et cette citation sont les rares 164

mentions directes contestant la merveilleuse fertilité canadienne. Cependant il existe d’autres mentions indirectes démontrant que cette terre ne serait pas aussi bienfaitrice que les auteurs la décrivent. Même si la production agricole est vantée celle-ci dépend énormément du climat puisqu’elle peut être ruinée à cause d’un été trop sec ou d’un hiver trop long et glacial . L’importation de grains envoyés de France est alors 165

essentielle pour que les colons puissent survivre et éviter de forts épisodes de famines. La farine est souvent importée car le pain produit au Québec est bon mais pas aussi nourrissant que le pain produit sur le Vieux Continent . Si les navires ont du retard, le 166

péril des colons peut être rapidement proche . 167

Même si les colons réussissent à entretenir leurs terres, il peut arriver que celles-ci soient prises. On peut imaginer l’angoisse de certains colons craignant que leur terre ayant été rudement entretenue durant plusieurs années puisse leur être enlevée. Il y a l’exemple de M. Barbil s’étant fait réquisitionner ses terres pour

CHAMPLAIN Samuel de, op. cit. p. 140. 161

LE JEUNE Paul, op. cit., p. 62. 162

Lettre de Charon de Montréal, à monsieur de Beauregard demeurant à Québec à propos de la vente d’une

163

terre, « voiant le peu de profit et revenut que rande les tere », Montréal, 06/05/1688. BAnQ Québec, Fonds collection Charles Chadenat collection of manuscripts on French Canada, ZE25, P49.

CHAMPLAIN Samuel (de), op. cit., p. 42. 164

MARIEDEL’INCARNATION, op. cit., partie 2, lettre 49, p. 507. 165

Ibid., lettre 48, p. 156-157.

166

Ibid., partie 1, lettre 42, p. 79 et partie 2, lettre 75, p. 612.

construire des fortifications pour la colonie, qui demande un remboursement à l’intendant Jacques Raudot et la Mère Sainte-Ignace . Même si c’est une des seules 168

sources témoignant de cette procédure, M. Barbil et ses terres ne doivent pas être les seuls à être sur la trajectoire de l’édification des fortifications puisque durant les années 1700 à 1720, un grand chantier de construction s’établit à Québec afin de protéger la ville notamment des attaques anglaises grâce aux plans de défense de l’ingénieur militaire Jacques Levasseur de Neré . Cette fortification met en valeur la 169

peur d’être attaqué par les Anglais.

Leur présence à proximité de la colonie rend nécessaire la fortification de celle- ci et même d’en créer sa défense. Il ne faut pas oublier que les Anglais prennent - ou ont pris - le territoire français à plusieurs reprises. Une première fois avec la prise de Québec par les frères Kirke entre 1629 et 1632 puis lors de la prise de l’Acadie par Sedgwick en 1654. A partir des années 1680, le conflit avec les Anglais se généralise et se concentre sur deux fronts : en Acadie et dans la Baie d’Hudson . Les attaques 170

commises par les Anglais font reculer le développement de la colonie française. Les écrits de Paul Le Jeune témoignent de l’état de la ville de Québec après son occupation par les Anglais en 1632 :

Nous vîmes au bas du fort la pauvre habitation de Kebec toute bruslée. Les Anglois qui estoient venus en ce païs cy pour piller, & non pour édifier, ont bruslé, non seulement la plus grande partie d’un corps de logis, …, mais encor toute cette pauvre habitation, en laquelle on ne voit plus que des murailles de pierres, toutes bouleversées ; cela incommode fort les François, qui ne sçavent où se loger .171

Ces descriptions ne sont guère enjoliveuses et peuvent effrayer de potentiels nouveaux arrivants. L’installation de la colonie étant longue, il peut être décourageant de reconstruire une nouvelle fois à cause d’une attaque.

Ce ne sont pas les seules attaques que les Français subissent ; les attaques les plus violentes et récurrentes proviennent des Iroquois qui sont la première des plus

Jacques Raudot, Québec, 31/01/1710. BAnQ Québec, Centre d’archives de Montréal, Collection des petits

168

fonds et collections d’archives manuscrites d’origine privée, P1000, D412.

PRITCHARD James S., « Levasseur de Neré, Jacques » in DICTIONNAIREBIOGRAPHIQUEDU CANADA, VOL. 169

2, [en ligne]. Édité par l’Université de Laval et de Toronto. Dernière mise à jour de l’article en 2003. Consulté le 25/02/2019. http://www.biographi.ca/fr/bio/levasseur_de_nere_jacques_2F.html.

HAVARD Gilles et VIDAL Cécile, op. cit., p. 112. 170

LE JEUNE Paul, op. cit., p. 34. 171

grosses « incommoditez » du pays d’après Pierre Boucher, comme nous l’avons déjà vu . Cette menace constante d’être assassiné ou d’être torturé effraie la colonie. Les 172

attaques des Iroquois sont la cause de mortalité de 191 Français entre 1608 et 1666 . 173

Evidemment sur tout le reste de la période le chiffre doit être revu à la hausse. Yves Landry et Rénald Léssard entre 1625 et 1799 et sur les 4 587 registres étudiés recensent la mort de 285 personnes durant un acte de guerre, 1 seule par explosion, 23 autres par acte de guerre dû à un boulet de canon, 3 par le feu et 2 personnes par un coup d’épée . Les chiffres semblent donc être assez faible et mériteraient une nouvelle 174

étude plus approfondies. Par exemple, le massacre de Lachine fait 97 morts, Frontenac rapporte même le décès de 200 colons. Ce petit village près de Montréal est attaqué le 5 août 1689 par 1 500 guerriers iroquois. Ce massacre terrifie et choque les colons qui l’appellent par « l’année du massacre ». Ainsi les faibles chiffres cités précédemment par les historiens semblent vraiment inférieur à la possible réalité.

Cependant après une longue et difficile occupation du territoire, après avoir bravé les attaques anglaises et iroquoiennes, les colons doivent apprendre et s’adapter à la culture amérindienne afin de pouvoir survivre. Cette appropriation d’une nouvelle culture et de connaissance peut augmenter considérablement le temps d’installation.

C. Une indianisation ?

Pour espérer s’installer à long terme en Nouvelle-France il faut, comme nous l’avons vu précédemment, s’adapter au territoire et au climat. Cette adaptation se fait notamment grâce à l’acculturation avec les peuples autochtones habitant sur le territoire approprié par les Français. Cette adaptation est essentielle si les colons veulent survivre au Canada mais celle-ci ajoute des semaines — voir des années — à l’établissement.

Les colons doivent apprendre des autochtones pour pouvoir survivre et cela est indéniable. Les rapports sociaux avec les Amérindiens influencent la société française installée au Canada. Pourtant les historiens québécois du XIXe et de la première moitié

BOUCHER Pierre, op. cit., p. 150-153. 172

DICKINSON John A., « La guerre iroquoise et la mortalité en Nouvelle-France, 1608-1666 », Revue

Documents relatifs