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7°) Lois militaires et psychose de guerre

Les lois militaires ne sont bien entendu pas une nouveauté des années 1900 ; elles étaient apparues bien avant le temps de la conscription, au lendemain des guerres de la Révolution française et de l'Empire (cf. GÉS-1), quand le contexte militaire était devenu celui

des armées massives. Mais elles s'inscrivent désormais, en ce début de XXe siècle, dans l'arrière-plan de la "paix armée".

La course aux armements avait été la conséquence de la tension diplomatique, mais elle avait contribué aussi à l'aggraver, car les gouvernements, pour faire accepter les charges militaires nouvelles, avaient été amenés à faire vibrer la "corde" nationaliste. Dans cette course, celui qui possédait une supériorité et qui savait que cet avantage ne serait sans doute que momentané était tenté de le mettre à profit. Le réservoir démographique de la Russie rend, en termes de baïonnettes virtuelles, inégal le rapport entre les deux camps possibles, et encourage la Triple-Alliance à se vouloir davantage "prête". Et n'oublions pas que tous les "décideurs" se trompent en matière de nature, de durée et de conséquences de la guerre possible. En chiffres, cette « course » est ridicule par rapport à la Première

Guerre mondiale.

pangermanisme depuis 1871, avec projets de nouvelle guerre et traité nouveau, comportant des annexions nouvelles, dont Pays-Bas et Belgique, des déplacements de populations, etc. >>> ces écrits sont connus en France, surtout à la Belle Époque. Un ex. de livre de la Belle Époque : Otto Richard Tannenberg, Gross-Deutschland, 1911, trad. fr, La Plus Grande Allemagne, 1916 (1,1 M km2)

La loi allemande de juillet 1913 portant les effectifs terrestres du temps de paix à

820 000 hommes provoqua le vote en France, le mois suivant, de la "loi des trois ans" (voir BÉ). L'armée russe établit fin 1913 un grand programme de réorganisation. Dès juin 1912, en Autriche-Hongrie, une loi avait augmenté la durée du service militaire et les effectifs du temps de paix. Les petits pays neutres (Pays-Bas, Suède, Belgique…) n'échappèrent pas à cette fièvre militaire. Seuls firent exception, et en matière d'armements terrestres, l'Italie et la Grande-Bretagne, encore que la guerre de Libye pour la première et les forces navales pour la seconde fussent des formes de substitution.

On admet traditionnellement que dans les années 1900 les peuples européens ont vécu une sorte de veillée d'armes et une psychose de guerre. Cette idée doit être largement

nuancée, note J.-J.Becker, que nous suivrons désormais. Parler de guerre est usuel pour

les Européens dans les années 1900, mais est-ce pour nous une raison d'en déduire une psychose inéluctable ? D'autant plus qu'il est un pays au moins où ce sentiment est absent, c'est le Royaume-Uni.

En France la psychose a existé depuis l'alerte de Tanger, toutefois de manière

ambiguë : pacifisme d'une large partie de l'opinion publique, renouveau national, mais à

usage interne et défensif, loi des trois ans, de façon toutefois à rassurer l'allié russe. Les

deux motifs les plus anciens et les plus sérieux de tension avec l'Allemagne, l'Alsace-Lorraine et la Revanche (cf. GÉS-1), sont très largement estompés. Il est vrai que l'essor

économique du voisin oriental est en France vivement ressenti, et c'est sans doute l'une des explications les moins irrationnelles du pillage en août 1914 de magasins réputés allemands

ou prétendus tels depuis quelques jours par l'Action française (ex. : Maggi). Enfin, redouter

la guerre est en France un phénomène indubitablement plus parisien que provincial.

La surprise provoquée partout en Europe par le déclenchement de la guerre dans les derniers jours de tension en 1914 montre que n'existait pas vraiment une croyance générale au caractère inéluctable du conflit, ou encore que s'il y a eu psychose, ce fut avec

l'apogée du phénomène en 1912 ou en 1913, lors de l'établissement du protectorat sur le Maroc ou lors des crises balkaniques : en 1914 la crainte — européenne — était en train de retomber lorsqu'éclata l'attentat de Sarajevo. La Belle Époque continuait pour

tout le continent, et au fond, l'événement était-il a priori susceptible de tellement émouvoir ? On avait bien dans les décennies précédentes assassiné tsar, présidents des États-Unis et président de la République française, sans parler d'autres chefs d'État… L'opinion n'ignorait pas qu'un état de tension régnait, mais elle ne croyait pas à la guerre.

Certes, chefs d'État et de gouvernement en sont venus à penser que la guerre générale, plusieurs fois menaçante depuis 1904, ne tarderait pas à éclater. Les uns la croient

probable, d'autres nécessaire (expression utilisée en novembre 1913 par Guillaume II

dans un entretien avec le roi des Belges Albert Ier). D'où leur tendance à raisonner et agir comme si le courant était invincible, la préoccupation majeure de leur mentalité étant alors de renforcer les alliances, mot sacro-saint et garantie suprême. L'exemple français est

éclairant. Poincaré et ses collaborateurs ne voulaient pas la guerre, mais ils estimaient, puisque l'entraînement à la guerre était fatal, qu'il fallait être ferme, solidement fidèle à l'alliance russe, et au pire engager la guerre dans les conditions les plus favorables. Ils déployèrent donc une activité qui avait bien moins pour but la

conservation de la paix que l'efficacité stratégique, pour le moment où les hostilités se déclencheraient.

Ajoutons la nécessité, pour la crédibilité de sa diplomatie, de ne pas perdre la face,

donc le risque de guerre lié à la multiplication au cours d'une même décennie des épisodes défavorables à l'un des pays principalement en cause. Or, ce fut justement la

situation du Reich wilhelmien que d'essuyer toute une série d'échecs diplomatiques depuis 1904. Mais attention à ne pas retomber dans le piège du jugement moral a posteriori et de la recherche des responsabilités : comme l'écrit, en soulignant deux mots, R.Girault "tous ces hommes ont été intimement persuadés qu'ils répondaient aux réactions ou provocations de leur antagoniste et qu'ils s'estimaient contraints de relever le gant."

Les états-majors considèrent qu'ils ont le devoir d'accroître les effectifs de temps de paix pour réduire le délai nécessaire à la mobilisation. L'obsession est d' être prêt, on est tenté d'entrer en guerre quand l'adversaire n'est pas préparé, et l'idée de guerre préventive est d'autant plus séduisante que la "guerre-fiction" est considérablement développée avant 1914. La course aux armements engendre dans l'opinion publique inquiétude et nervosité. Pour faire accepter à leurs peuples ces charges militaires nouvelles et les conséquences

financières qui en résultent, les gouvernements sont obligés de leur faire comprendre la "nécessité" de cet effort. L'allusion au conflit possible revient sans cesse dans les débats parlementaires ; la presse traite de l' éventualité d'une guerre. C'est pour cela qu'en France la loi des trois ans (voir plus haut) fut maintenue après la victoire relative de la

gauche aux élections législatives du printemps 1914 et qu'en Allemagne la vie politique

II. LA BIEN NOMMEE, LA GRANDE GUERRE : L’EPREUVE DE

VERITE

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28 juin : attentat de Sarejevo

15 juillet : Poincaré et Viviani partent pour un voyage en Russie 23 juillet : ultimatum austro-hongrois à la Serbie

28 juillet : l’Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie 30 juillet : mobilisation générale russe

31 juillet : ultimatum allemand à la Russie et à la France, assassinat de Jaurès 1er août : mobilisation générale en France et en Allemagne, l’Allemagne déclare la guerre à la Russie

2 août : invasion allemande de la Belgique

3 août : déclaration de guerre de l’Allemagne à la France

4 août : la Chambre des députés vote à l’unanimité les lois donnant pleins pouvoirs au gouvernement ; le Royaume-Uni déclare la guerre à l’Allemagne

5 août : suppression de la libre convertibilité de la monnaie française, moratoire des loyers

18-22 août : bataille « des frontières » 23 août : bataille « de Charleroi »

26 août : deux socialistes, Guesde et Sembat, entrent au gouvernement d’union sacrée de Viviani

2 septembre : le gouvernement quitte Paris pour Bordeaux 4-10 septembre : bataille « de la Marne », mort de Péguy le 5 octobre-novembre : « course à la mer »

23 décembre : réunion extraordinaire du parlement à Paris

1°) L’Union sacrée

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