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Les enjeux industriels du perçage des matériaux composites sont aujourd’hui relativement clairs. Il s’agit de réaliser des perçages :

1. en assurant un certain niveau de qualité (par exemple pour un trou de diamètre 6mm, la précision dimensionnelle requise est de 0+30µm, avec une ovalisation

inférieure à 18µm, et une rugosité inférieure à 1,6µm) tout en garantissant l’intégrité de la structure composite,

2. à un prix par trou similaire à celui obtenu dans les matériaux métalliques de type alliage d’aluminium, c’est-à-dire en ayant des durées de vie d’outil suffisamment longue,

3. dans des empilements pouvant être hybrides (composite carbone/époxy et/ou alliage d’aluminium et/ou alliage de titane).

Les études développées ces dernières années dans le domaine du perçage des composites organiques, ont permis de :

- définir des modèles mécaniques reliant l’effort axial de perçage à l’effort nécessaire au délaminage [HOCH_03, HOCH_06, TSAO_07a, PIQU_00a, LACH_01]. En utilisant une loi de coupe empirique associant l’effort axial aux paramètres de coupe (essentiellement vitesse d’avance et diamètre du foret), il est alors possible de maîtriser le processus de perçage afin d’éviter le délaminage.

- analyser l’évolution de l’endommagement du matériau usiné au fur et à mesure de la progression du perçage [CAPR_95, DAVI_07, LIN_96], et de mettre en évidence l’effet des conditions de coupe ou de la géométrie de l’outil sur cet endommagement.

- optimiser à partir d’études paramétriques le processus de perçage de manière à limiter voir éliminer le délaminage, soit à partir d’une méthodologie Taguchi et une analyse de variance [TSAO_08], soit à partir de techniques basées sur les réseaux de neurones [LIN_03, SANJ_05].

- étudier l’évolution de l’usure des outils et son influence sur le délaminage [CHEN_97, TSAO_07b].

- étudier l’influence de la qualité des trous percés sur la tenue en service des assemblages composites [PERS_97], et l’influence également du lubrifiant [TASD_08].

Mis à part les études concernant le développement de modèles mécaniques permettant de prédire le délaminage, la plupart des travaux font appel à l’observation et à des analyses paramétriques. Aucune étude ne s’est intéressée aux problèmes d’arrachement sur les parois du trou, et peu d’informations existent sur l’usure des outils lors du perçage de ces matériaux.

La réalisation des trous dans les structures composites, en vue de leur assemblage, présente des différences notables avec le perçage des métaux. La plupart des problèmes rencontrés dans les composites sont associés à la qualité du perçage. Les différents types d’endommagements induits par le perçage sont d’ordre :

- mécanique : délaminage en entrée et/ou en sortie, arrachement de fibres sur la surface usinée (paroi du trou), fissuration du matériau, …

Chapitre IV Modélisation de l’usure

- thermique : brûlure de la matrice, …

- chimique : reprise en eau de la matrice et destruction des liaisons fibre/matrice. L’endommagement thermique est dû au frottement entre l’outil et le matériau, et dépend essentiellement de la largeur du listel en contact avec la paroi du trou, associée à une vitesse de coupe trop élevée. Il se traduit par une élimination locale de la matrice et par la mise à découvert du renfort fibreux. Cet un phénomène facilement maîtrisable par un bon contrôle de la vitesse de rotation de l’outil

L’endommagement chimique dépend de la vitesse de reprise en eau du matériau et du temps de maintien sous forte humidité (lubrification importante du processus de perçage avec des lubrifiants à base d’eau). Il se traduit par une décohésion fibre/matrice pouvant générer dans le temps des fissures ou des délaminages. Le perçage à sec ou sous micro lubrification permet d’éviter ce type d’endommagement.

L’endommagement mécanique se traduit par l’apparition de défauts dont les plus problématiques sont les délaminages en entrée ou en sortie du trou, et les arrachements sur la paroi du trou. Ces dommages résiduels ont pour conséquence, en fonction de leur taille et de leur fréquence, d’abaisser les caractéristiques mécaniques du matériau composite et notamment la contrainte à rupture en traction et la limite d’endurance en fatigue. Ils sont systématiquement réparés, et de ce fait induisent un surcoût de fabrication.

Arrachement sur les parois

Ce type de défaut apparaît pour une orientation particulière du pli considéré du stratifié par rapport à la face de coupe de l’outil, associée à une perte d’acuité d’arête de l’outil. Il se traduit par des fragments de matériaux qui sont arrachés de la paroi du trou, ce phénomène pouvant se reproduire à chaque pli pour un même écart angulaire entre l’outil et les fibres. Aucun modèle n’a été développé jusqu’à présent pour traduire l’apparition de ce phénomène.

Délaminage

Le délaminage se produit lors d’opérations de perçage dites "en l’air", c’est-à-dire lorsque la plaque composite n’est pas appuyée au droit du perçage (absence de canons de perçage ou impossibilité d’en utiliser).

Le délaminage en entrée n’est pas un endommagement qui apparaît de manière systématique. Il est associé à l’action conjuguée de l’angle d’hélice, du frottement outil/matière et de la forme de la goujure. Après l’entrée en contact de l’arête de coupe avec les premiers plis du stratifié, la goujure à tendance à tirer vers le haut ces premiers plis avant qu’ils n’aient été totalement sectionnés. Cette action verticale a pour effet de séparer les premières strates de composites du reste du matériau et de créer ainsi une zone délaminée (cf. figure 4.1).

Le délaminage en sortie apparaît lorsque le foret s’apprête à déboucher du matériau. Lorsqu’il reste peu de plis ou de strates à percer, la diminution de rigidité du matériau rend la déformation plus facile et notamment la flexion de cette zone de la plaque. L’effort de pénétration du foret peut alors être suffisant pour provoquer la rupture des

délaminage en entrée délaminage en sortie Figure 4. 1 Mode d’action du foret provoquant le délaminage [Ho-C_90].

L’usure des outils de coupe est fortement liée à l’outil, au matériau usiné et aux conditions de coupe. La nature (PCD ou carbure) et la taille des grains des outils de coupe influence sur leur durée de vie. Par exemple dans le cas d’un outil en carbure une taille de grain entre 0,8 et 1,4µm est recommandée pour obtenir une durée de vie maximale. La durée de vie des outils de coupe est aussi influencée par les propriétés mécaniques et thermiques (résistance, capacité d’évacuation de la chaleur) du matériau usiné. L’avance est le paramètre le plus important des conditions de coupe qui influence l’usure des outils pendant l’usinage des composites.

A partir des critères d’usure, on établit des modèles de durée de vie. La plus ancienne et la plus utilisée est celle de Taylor (cf. équation 4.1) ou de Taylor modifiée (cf. équation

4.2) : 1 C L Vc n (4.1) 2 C L w f Vp q r c (4.2)

Ces équations décrivent la relation entre la durée de vie L et les paramètres de coupe comme la vitesse de coupe Vc, l’avance f et la profondeur de passe w ; elles font intervenir des constantes (C1, C2, n, p, q, r) qui doivent être identifiées expérimentalement pour chaque couple outil/matière considéré et pour chaque procédé d’usinage.

Dans la littérature très peu d’auteurs ont introduit l’usure dans leur modèle.

Le modèle de Tsao et al. [TSAO_07b] tient compte de l’usure de l’outil hélicoïdal. L’effort axial exercé par un outil selon son niveau d’usure est de la manière donnée par l’équation 1.24 (cf. paragraphe 1.10, Chapitre I). Le modèle de Tsao et al. [TSAO_07b] n’inclue pas des facteurs de perçage très importants comme l’avance et la

vitesse de rotation.

Lin et Ting [LIN_95] ont trouvé un modèle de surveillance de l’usure. L’effort de pénétration F et le couple de perçage M sont représentés en fonctions des paramètres de

Chapitre IV Modélisation de l’usure

coupe (vitesse de rotation v [tr/min], avance f [mm/tr], vitesse d’avance Fr [mm/min], diamètre de l’outil d [mm] usure w [mm]). Les auteurs ont trouvé deux formes de modèles pour caractériser F et M.

Modèle I : 2 4 3 2 1 0 adf a dw ad a d a F (4.3) 2 3 2 2 2 1 0 bd f bd w bd b M (4.4) Modèle II : w a d a F a v a a F ln ln r ln ln ln 0 1 2 3 4 (4.5) w b d b F b v b b M ln ln r ln ln ln 0 1 2 3 4 (4.6)

Les auteurs ont remarqué que l’influence de l’usure sur l’effort de pénétration (F), qui a été comparée avec l’influence des autres paramètres sur l’effort de pénétration, est plus importante que l’influence de l’usure sur le couple de perçage (M). En autres termes le signal enregistré de l’effort de pénétration est plus sensible au changement de l’usure de l’outil que le signal du couple de perçage.