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La loi forte des grands nombres

Notre objectif est de montrer que si (Xn) est une suite de v.a. ind´ependantes et de mˆeme loi,

dans L1, alors les moyennes 1

n(X1+· · · + Xn) convergent p.s. vers E[X1]. Nous avons d´ej`a

obtenu ce r´esultat sous l’hypoth`ese suppl´ementaire que E[|X1|4] <∞, mais nous cherchons

maintenant `a l’´etablir sous des hypoth`eses optimales. Nous commen¸cons par un r´esultat pr´eliminaire important.

Th´eor`eme 10.2.1 (Loi du tout ou rien) Soit (Xn)n≥1 une suite de variables al´eatoires

ind´ependantes, `a valeurs dans des espaces mesurables quelconques. Pour tout n ≥ 1 soit Bn

la tribu

Alors la tribu asymptotique B d´efinie par B∞= ∞ \ n=1 Bn

est grossi`ere, au sens o`u P (B) = 0 ou 1 pour tout B ∈ B∞.

Preuve. Posons

Dn= σ(Xk; k≤ n).

On a observ´e dans le Chapitre 9 que pour tout n, Dn est ind´ependante de Bn+1, donc a

fortiori de B∞. Ainsi, ∀A ∈ ∞ [ n=1 Dn , ∀B ∈ B∞ , P (A∩ B) = P (A)P (B).

Puisque la classe S∞n=1Dn est stable par intersections finies, un autre r´esultat du Chapitre

9 permet alors de conclure que B est ind´ependante de σ ∞ [ n=1 Dn  = σ(Xn; n≥ 1).

En particulier,B∞est ind´ependante d’elle-mˆeme, et pour tout B ∈ B∞, P (B) = P (B∩B) =

P (B)2, ce qui n’est possible que si P (B) = 0 ou 1. 

On v´erifie ais´ement qu’une v.a. r´eelle mesurable par rapport `a une tribu grossi`ere est constante p.s. (sa fonction de r´epartition ne peut prendre que les deux valeurs 0 ou 1). On peut appliquer le th´eor`eme pr´ec´edent `a toute suite (Xn)n≥1 de v.a. r´eelles ind´ependantes. Il

est facile de voir que la v.a.

lim sup

n→∞

1

n(X1+· · · + Xn)

est mesurable par rapport `aB∞, et cela entraˆıne que cette variable (`a valeurs dans [−∞, ∞])

est constante p.s. En particulier, si on sait que la suite 1

n(X1 +· · · + Xn) converge p.s. la

limite est constante (p.s.).

Avant d’utiliser la loi du tout ou rien pour ´etablir la loi forte des grands nombres, nous donnons d’abord une application plus facile au jeu de pile ou face.

Proposition 10.2.2 Soit (Xn)n≥1une suite de variables al´eatoires ind´ependantes , de mˆeme

loi donn´ee par P (Xn= 1) = P (Xn=−1) = 12. Pour tout n≥ 1, posons

Sn= X1+ X2+· · · + Xn. Alors, p.s. sup n≥1 Sn= +∞ et inf n≥1Sn=−∞.

En d’autres termes si on imagine un jeu o`u `a chaque instant entier le joueur gagne ou perd un Euro avec probabilit´e 1/2, Sn repr´esente le gain (positif ou n´egatif) accumul´e apr`es

n instants. La proposition montre que quand n→ ∞, Sn prend tantˆot des valeurs positives

tantˆot des valeurs n´egatives, de plus en plus grandes en valeur absolue. Preuve. On commence par montrer que, pour tout entier p≥ 1,

P (−p ≤ inf

n Sn≤ supn Sn≤ p) = 0.

Pour cela on fixe un entier k > 2p, et on remarque que

∞ [ j=0 {Xjk+1= Xjk+2 =· · · = Xjk+k = 1} ⊂ ({−p ≤ inf n Sn≤ supn Sn≤ p}) c.

Or une application du lemme de Borel-Cantelli (cf le Chapitre 9 pour des raisonnements analogues) montre que l’ensemble de gauche a probabilit´e 1, ce qui donne le r´esultat annonc´e.

En faisant tendre p vers ∞, on trouve P ({inf n Sn>−∞} ∩ {supn Sn<∞}) = 0, d’o`u P ({inf n Sn=−∞} ∪ {supn Sn=∞}) = 1, et en particulier P ({inf n Sn=−∞}) + P ({supn Sn=∞}) ≥ 1.

Un argument de sym´etrie montre que P ({inf

n Sn=−∞}) = P ({supn Sn=∞})

et d’apr`es ce qui pr´ec`ede ces deux probabilit´es sont strictement positives. Pour conclure, on remarque que

{sup

n Sn=∞} ∈ B∞.

En effet, pour tout entier k≥ 1, {sup

n

Sn=∞} = {sup n≥k

(Xk+ Xk+1+· · · + Xn) =∞} ∈ Bk

et donc l’´ev´enement {supnSn =∞} est mesurable par rapport `a l’intersection des tribus Bk,

c’est-`a-dire B. La loi du tout ou rien montre alors que P ({supnSn=∞}) = 1. 

Nous passons maintenant au r´esultat principal de ce paragraphe.

Th´eor`eme 10.2.3 (Loi forte des grands nombres) Soit (Xn)n≥1 une suite de variables

al´eatoires ind´ependantes, de mˆeme loi, dans L1. Alors,

1

n(X1+· · · + Xn)

p.s.

−→

Remarques. (i) L’hypoth`ese d’int´egrabilit´e est optimale dans le sens o`u elle est n´ecessaire pour que la limite E[X1] soit bien d´efinie (et finie). Dans le cas o`u les v.a. Xnsont positives

et E[X1] =∞, on montre facilement que

1

n(X1+· · · + Xn)

p.s.

−→

n→∞+∞

en appliquant le th´eor`eme aux v.a. Xn∧ K.

(ii) On peut montrer que la convergence du th´eor`eme a aussi lieu dans L1. Nous ne donnerons

pas la preuve ici (elle sera donn´ee `a la fin du chapitre 12 en application de la th´eorie des martingales). Du point de vue probabiliste, c’est la convergence presque sˆure qui a le plus de signification.

Preuve. Pour all´eger les notations on pose Sn = X1+· · · + Xn, S0 = 0. Soit a > E[X1], et

M = sup

n∈N

(Sn− na)

qui est une v.a. `a valeurs dans [0,∞]. Nous allons montrer que

M <∞ , p.s. (10.1)

Puisque l’in´egalit´e Sn≤ na + M est vraie pour tout n, il en d´ecoule aussitˆot que

lim sup

n→∞

1

nSn≤ a , p.s.

En consid´erant une suite de valeurs de a qui d´ecroˆıt vers E[X1], on trouve alors

lim sup

n→∞

1

nSn≤ E[X1] , p.s. En rempla¸cant Xn par −Xn, on obtient l’in´egalit´e inverse

lim inf

n→∞

1

nSn ≥ E[X1] , p.s. et l’´enonc´e du th´eor`eme d´ecoule de ces deux derni`eres in´egalit´es.

Il reste `a montrer (10.1). On remarque d’abord que, avec les notations de la loi du tout ou rien, l’´ev´enement {M < ∞} est dans la tribu B∞. En effet, il suffit d’´ecrire pour tout

entier k ≥ 0, {M < ∞} = {sup n∈N (Sn− na) < ∞} = {sup n≥k (Sn− Sk− (n − k)a) < ∞}

et de remarquer que le dernier ´ev´enement est mesurable pour la tribu σ(Xk+1, Xk+2, . . .).

Pour conclure il suffira donc de montrer que P (M <∞) > 0, ou de mani`ere ´equivalente que P (M =∞) < 1, ce que nous ferons en raisonnant par l’absurde.

Commen¸cons par quelques notations. Pour tout entier k ∈ N, posons Mk = sup 0≤n≤k (Sn− na), Mk′ = sup 0≤n≤k (Sn+1− S1 − na).

Alors Mket Mk′ ont mˆeme loi : en effet d’une part les vecteurs (X1, . . . , Xk) et (X2, . . . , Xk+1)

ont mˆeme loi et d’autre part on peut ´ecrire Mk = Fk(X1, . . . , Xk) et Mk′ = Fk(X2, . . . , Xk+1)

avec la mˆeme fonction (d´eterministe) Fk : Rk−→ R. Il en d´ecoule que

M = lim k→∞↑ Mk et M′ = lim k→∞↑ M ′ k

ont aussi mˆeme loi (´ecrire P (M′ ≤ x) = lim ↓ P (M

k ≤ x) = lim ↓ P (Mk≤ x) = P (M ≤ x)).

Par ailleurs, il d´ecoule des d´efinitions que pour tout k ≥ 1, Mk+1 = sup  0, sup 1≤n≤k+1 (Sn− na)  = sup(0, Mk′ + X1− a),

ce qu’on peut encore r´e´ecrire sous la forme

Mk+1 = Mk′ − inf(a − X1, Mk′).

Puisque M′

k a mˆeme loi que Mk (et que ces deux v.a. sont clairement dans L1), on trouve

E[inf(a− X1, Mk′)] = E[Mk′]− E[Mk+1] = E[Mk]− E[Mk+1]≤ 0

grˆace `a l’in´egalit´e triviale Mk ≤ Mk+1. On peut maintenant appliquer le th´eor`eme de

convergence domin´ee `a la suite des v.a. inf(a− X1, Mk′), qui sont domin´ees en valeur absolue

par |a − X1| (rappelons que Mk′ ≥ 0). Il vient alors

E[inf(a− X1, M′)] = lim

k→∞E[inf(a− X1, M ′

k)]≤ 0.

Si on avait P (M =∞) = 1, on aurait aussi P (M′ =∞) = 1, puisque les v.a. M et Mont

mˆeme loi, et donc inf(a− X1, M′) = a− X1 p.s. Mais alors l’in´egalit´e pr´ec´edente donnerait

E[a− X1]≤ 0, ce qui est absurde puisqu’on a choisi a > E[X1]. Cette contradiction termine

la preuve.