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Partie III La signature lumineuse : les marques automobiles à la conquête de nouveau

A) Du logo à la « signature lumineuse »

À travers nos premières analyses, nous avons essayé de caractériser dans ses grandes lignes la présence d’une marque. Quels sont les signes à travers lesquels cette présence s’affirme ? Pour s’exprimer, la marque use de différents éléments, qui, sans être interchangeables, sont complémentaires. Le plus important d’entre eux, bien sûr, a trait au nom de la marque elle- même. Le logo vient ensuite immédiatement à l’esprit.

Or, s’imposer dans l’espace visuel implique un ou des signes de reconnaissance que le consommateur puisse repérer de manière récurrente. Aussi, d’une certaine façon, il nous semble que le concept de « signature lumineuse » s’inscrit dans la foulée d’une problématique bien connue dans le domaine des sciences de la communication. En effet, les fonctions attribuées à la « signature lumineuse » nous paraissent en partie similaires à celles que les marques veulent attribuer ou ont pu attribuer au logo.

70 La typologie des caractéristiques relatives au Logo synthétisée par le professeur Heilbrunn nous semble ici un outil pertinent que nous pouvons étendre au concept de « signature lumineuse » afin d’en effectuer une analyse. Pour le professeur Heilbrunn, rappelons que « Le logo implique

un contrat implicite ou explicite entre l’organisation ou la marque et ses publics. Il est donc plus qu’une image, parce qu’il raconte une histoire ou du moins certaines étapes d’une histoire, cette histoire n’étant autre que la relation contractuelle que l’organisation ou la marque entretient ou souhaite entretenir avec ses partenaires. Il joue donc comme une signature de l’organisation au sens où la signature est à la fois un signe d’identification et un signe d’engagement »179. En effet, le logo revêt différentes fonctions comme la représentation de la

marque via l’injection de valeurs (émotionnelles, ludiques, etc.). L’auteur précise aussi que le logo peut notamment s’appréhender comme figure symbolique, comme objet totémique, iconique et relationnel signalant l’appartenance (« Il inclut et il exclut ») et assurant une relation de la marque avec les consommateurs (« qui se double donc nécessairement d’un pouvoir

d’efficace qui renvoie à sa capacité d’agir sur une cible ») au travers d’une sémiotique dédiée,

le logo raconte une histoire et des valeurs par le biais d’un codage qui peut se vouloir symbolique ou métaphorique et que les destinataires pourront comprendre ou bien assimiler inconsciemment. La récapitulation des objectifs assignés au logo constitue également une approche précieuse si on la rapporte à la signature lumineuse :

Fonctions180 Objectifs pour l'émetteur Objectifs pour le récepteur

Phatique Permettre le contact Susciter la visibilité, la reconnaissance, l'intérêt et l'attractivité

Référentielle Représenter le produit marqué. Rendre compte du contexte de communication

Faire comprendre de quel produit il s'agit.

Expressive Signer, authentifier, exprimer les valeurs de l'organisation représentée

Fournir des signes de garantie, d'identification et d'identité de l'organisation émettrice

179 Benoît HEILBRUNN, Le logo, PUF, Que-sais-je ?, 2006, p. 3-6.

71 Impressive Exprimer et projeter le consommateur Permettre aux consommateurs/ acheteurs de

s'identifier, de se reconnaître, de se valoriser Métalinguistique Expliquer, traduire un nouveau code de

communication

Faire apparaître une certaine nouveauté, introduire un décalage

Esthétique Donner un surcroît de sens Fournir un plaisir, une émotion

Nous prendrons pour illustration l’analyse sémiotique des logos et des « signatures lumineuses » des marques suivantes, qui nous ont permis de repérer les aspects suivants :

Si l’on compare le logo de BMW avec la « signature lumineuse » de la marque (« les corona rings »), on remarque aisément la correspondance entre le rond du logo et les double ronds des phares. Le signifié primaire est le rond, la forme géométrique. Le signifié secondaire est l'oeil humain ou encore le logo BMW. D’un point de vue sémiotique, BMW se situe ainsi sur la valeur de « non-discontinuité », de tradition, de l’infini au travers d’un style zen, à la mode « flat design ».

La forme des phares de BMW est moderne, épurée, arrondie, dénotant un côté rassurant, doux, bienveillant et organique, tournée par l’évolution.

Si l’on regarde le logo en forme de losange de Renault, on note que la forme en « C » telle qu’aménagée se rapproche des angles du losange et constitue, de chaque côté de la voiture, chaque partie du losange.

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La forme des phares de Renault a pour signifié primaire une forme géométrique déstructurée. Le signifié secondaire renvoie au losange de Renault, coupé en deux parties. Il y a une discontinuité (qui marque l’idée de progrès technologique, de rupture, de nouveau départ) qui s’oppose a non-discontinuité du losange. La « signature lumineuse » fait partie intégrante des contours de la voiture.

L’approche d’Audi semble différente. En effet, on ne voit pas de correspondances directes entre le logo aux quatre cercles et les formes utilisées dans le design lumineux des phares. La marque ne cherche pas à unifier la « signature lumineuse » de tous ses modèles bien qu’il y ait des récurrences. Chaque signature est différente. Il est donc difficile de faire un parallèle entre le logo et une ressemblance physique avec la signature. Pour autant, on remarque dans le discours de la marque un désir de les rapprocher. On note dans les films que les logos ont cependant une place particulière puisqu’à plusieurs reprises ils sont traversés par un éclair de lumière dont la couleur rappelle celle des phares arrière181. Nous sommes donc plutôt dans un processus

d’association de la marque entre le logo et la démarche de « signature lumineuse », entre le logo et la lumière elle-même.

La « signature lumineuse » apparaît sous cet angle d’analyse soit comme une continuité ou une extension du logo des marques automobiles soit comme une sorte de logo à part entière qui

73 complèterait le logo classique. De la sorte, il nous semble possible de postuler que ce nouvel outil permet d’agrandir l’influence des marques, de conquérir de nouveaux territoires de communication qui, par nature, sont plus difficilement exploitables. Il en va ainsi de l’espace nocturne. Par le biais de la « signature lumineuse », les marques semblent réussir à développer des grammaires visuelles très abstraites, tirées de leurs logos ou inspirées des valeurs connues de leurs marques et font ainsi passer leur message. Bien entendu, la reconnaissance de la marque dépend du contexte. On peut dire que les marques souhaitent que consciemment ou inconsciemment le consommateur décode la « signature lumineuse ».

En complétant le rôle et la portée du logo, le concept de « signature lumineuse » permet donc aux marques automobiles de constituer un outil complémentaire pour s’imposer davantage dans de nouveaux espaces peu exploités comme les espaces nocturnes ce qui leur ouvre de nouvelles possibilités.

B) L’identité nocturne des marques automobiles ou la fabrication d’une nouvelle « doxa

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