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Les premières études portant sur l’implication fonctionnelle des neurones du LC au sein du SNC avaient pu mettre en évidence que l’activité de ces neurones intervient particulièrement dans la réponse à des stimuli d’alarme, de peur ou de douleur. En fait, il est de nos jours établi que l’activité des neurones du LC participe notamment à l’initiation et au maintient de l’état d’éveil, permettant ainsi au SNC de collecter et de traiter les informations

d’origine sensorielle. De ce fait, le LC est impliqué indirectement dans la régulation d’un nombre très important de fonctions physiologiques. Par ailleurs, l’activité des neurones du LC est mise en jeu de manière beaucoup plus directe dans la modulation des circuits corticaux et sub-corticaux impliqués dans le traitement des informations relatives à la mémoire et à l’attention, ainsi que dans la gestion des fonctions de haute vigilance, et en particulier de la fonction cardiovasculaire et de l’adaptation aux conditions stressantes.

L’activation des neurones du LC, conséquente à la stimulation des nombreux récepteurs exprimés à leur surface, induit une libération de neurotransmetteur au niveau de leurs aires de terminaison. Par ailleurs, la stimulation des neurones coeruléens induirait également une libération somatodendritique de neurotransmetteur, au sein du LC lui-même. Ce type de libération du neurotransmetteur serait à la base d’une auto-régulation de l’activité des neurones du LC, par l’intermédiaire de la stimulation des autorécepteurs adrénergiques inhibiteurs (récepteurs α2) et excitateurs (récepteurs α1) présents à la fois à la surface des corps cellulaires des neurones du LC et de leurs prolongements (voir paragraphe III-5.). Toute modification de l’activité de décharge de certains neurones coeruléens pourrait ainsi représenter une modulation de la fonction dans laquelle ils sont impliqués.

III-3.1. Activité spontanée des neurones du LC

L’activité électrique des neurones du LC change de manière importante de la période prénatale à la période adulte (Nakamura et al., 1987 ; Sakaguchi et Nakamura, 1987). Au stade fœtal et chez les jeunes ratons, les neurones du LC possèdent des potentiels d’action spontanés dont l’amplitude est réduite, et la durée augmentée. De plus, le potentiel membranaire des cellules est plus élevé à ces stades du développement par rapport à l’âge adulte. Au stade périnatal, le plupart des neurones du LC n’ont aucune activité électrique spontanée et ceux qui sont néanmoins actifs émettent de façon sporadique des potentiels d’action suivis de longues périodes silencieuses. Au cours du développement, le mode de décharge des neurones du LC devient périodique (fréquence inférieure à 1 Hz). Au-delà de P20, la plupart des neurones ont une décharge tonique dont la fréquence est comprise entre 1 et 5 Hz. Il a également pu être mis en évidence que des neurones du LC distants de 100 à 300 µm pouvaient émettre des potentiels d’action spontanés synchrones (Sakaguchi et Nakamura, 1987 ; Marshall et al., 1991).

III-3.2. Régulation coeruléenne des cycles veille-sommeil

(voir pour revue Berridge et Waterhouse, 2003)

repose sur différentes observations indirectes. Cette hypothèse est fortement soutenue par le fait qu’une variation cyclique de l’activité électrique des neurones coeruléens est observée au cours du nycthémère : la fréquence de décharge spontanée des neurones du LC est importante durant l’éveil (1< f < 5 Hz), diminue progressivement au cours du sommeil lent (f<1 Hz), les neurones du LC devenant silencieux à l’entrée en phase de sommeil paradoxal. Les neurones du LC inhiberaient l’activité des neurones du thalamus et du néocortex, qui sont activement impliqués dans l’établissement des phases de sommeil. La libération de noradrénaline par les neurones du LC stimulerait l’activité de décharge des neurones localisés au niveau de l’aire du septum médian et de l’aire préoptique médiane de l’hypothalamus, et participerait notamment au maintient de la phase d’éveil.

Toutefois, certaines études suggèrent que dans certaines conditions, l’activité des neurones du LC participerait de manière indirecte à la mise en place de la phase de sommeil paradoxal. En effet, il a été mis en évidence chez le rat qu’une privation de sommeil induit une augmentation de la durée du sommeil paradoxal. La destruction sélective des neurones du LC par administration d’une neurotoxine, le DSP-4, a mis en évidence que les neurones noradrénergiques du LC sont activement impliqués dans l’établissement de ce rebond de sommeil paradoxal (Gonzales et al., 1996). Plus particulièrement, il semble que les prolongements noradrénergiques d’origine coeruléenne innervant le noyau de l’amygdale soient particulièrement mises en jeu dans ce phénomène (Charifi et al., 2000).

III-3.3. Régulation coeruléenne de la fonction cardiovasculaire

Le LC intervient dans la régulation de la fonction cardiovasculaire notamment lors de situations d’alerte. En effet, l’activité des neurones du LC augmente considérablement lors d’une chute de pression artérielle, d’une hypoxie, ou d’une hypercapnie (Aston-Jones et al., 1991 ; Morilak et al., 1987). L’excitation des neurones coeruléens conséquente à un stress hémodynamique serait due à une libération locale de facteur de libération de la corticotropine (CRF) par les afférences vagales (Valentino et Wehby, 1988). Dans ce type de stress il apparaît une hétérogénéité anatomique de la réponse des neurones du LC, dont la réactivité est plus importante dans la partie rostrale que dans la partie caudale de la structure, ce qui dénote une régionalisation de la réponse des neurones du LC à un évènement cardiovasculaire (Vachette et al., 1993). Cette régionalisation pourrait être en relation avec le fait que les neurones localisés dans la partie rostrale du LC projettent exclusivement sur l’hypothalamus, qui occupe une place prépondérante dans la régulation de la pression artérielle.

Miyawaki et coll. (1991) ont également suggéré que les neurones noradrénergiques du LC ont une influence inhibitrice sur le système sympathique. Néanmoins, cette influence des

neurones du LC ne serait pas directe. Le LC aurait également une influence inhibitrice sur l’arc baroréflexe (Murase et al., 1994).

III-3.4. Adaptation à des conditions stressantes

(voir pour revue Berridge et Waterhouse, 2003)

Un grand nombre de situations stressantes pour l’individu, d’origines environnementale ou physiologique, induisent une augmentation de l’activité des neurones du LC qui pourrait résulter de la libération de CRF par les afférences en provenance du noyau paragigantocellulaire, du noyau de Barrington et du noyau central de l’amygdale.

La présentation à un nouvel environnement notamment constitue chez le rat une situation stressante. Dans une telle situation, l’animal initie en premier lieu un comportement exploratoire intense (activité locomotrice, arrêt ou immobilité, redressements et toilettage), puis son activité diminue au cours du temps (Eilam et Golani, 1989).

Le LC serait activement impliqué dans le traitement des informations relatives au stress de nouveauté. En effet, la destruction des neurones coeruléens induit en particulier une diminution des comportements locomoteur et exploratoire chez les rats exposés à une condition nouvelle, résultant apparemment d’une modification de la gestion du stress (Velley et al., 1988 ; Oknina, 1991). Il est probable que l’influence du LC se fasse par l’intermédiaire des efférences noradrénergiques du LC innervant l’hippocampe, qui est mis en jeu dans la détection de la nouveauté. Par ailleurs, il a récemment été mis en évidence qu’un stress de nouveauté provoque une augmentation des taux de noradrénaline non seulement au niveau du LC, mais également au niveau du cortex préfrontal (Pudovkina et al., 2001). L’augmentation de noradrénaline observée au niveau cortical proviendrait d’une libération par les prolongements des neurones du LC et pourrait participer à renforcer l’état de vigilance des rats.

III-3.5. Régulation de l’activité des neurones du LC par les autorécepteurs

Les neurones du LC possèdent des récepteurs α2 adrénergiques à la surface de leurs membranes somato-dendritiques. L’activation de ces derniers par la noradrénaline induit une disparition de l’activité électrique spontanée des neurones coeruléens (Cedarbaum et Aghajanian, 1977), consécutive à une hyperpolarisation des membranes somato-dendritiques. La noradrénaline libérée par les périkarya, les collatérales d’axones et potentiellement par les dendrites du LC aurait donc la capacité de stimuler ces autorécepteurs α2, opérant ainsi un rétrocontrôle inhibiteur sur l’activité des neurones du LC. Ce phénomène représente l’inhibition post-activation des neurones du LC.

Des autorécepteurs adrénergiques de type α1 sont également présents dans le LC et interagiraient avec les récepteurs α2. A partir des travaux de Nakamura et coll. (1988) notamment, une hypothèse quant à cette interaction a été proposée : à faible activité des neurones du LC, la noradrénaline est libérée en faible quantité dans l’espace coeruléen et active principalement les récepteurs α1, dont l’affinité pour la noradrénaline est supérieure à celle des récepteurs α2, induisant une augmentation de l’activité de décharge des neurones du LC ; à activité électrique intense des neurones du LC, une grande quantité de noradrénaline est libérée dans l’espace coeruléen et active à la fois les récepteurs α1 et α2, induisant une sommation de composantes activatrices et inhibitrices qui, lorsqu’elle bascule en faveur de l’inhibition, induit une diminution du taux de décharge des neurones du LC.

III-3.6. Pathologies liées au dysfonctionnement du système coeruléen

L’anxiété, la dépression, l’agressivité, la schizophrénie et la chorée de Huntington sont des troubles psychiatriques associés notamment à des altérations de l’expression de certaines protéines clés du métabolisme de la noradrénaline, la TH et le transporteur de la noradrénaline (NET), au niveau du LC (voir pour revues Iversen, 2000 ; Berridge et Waterhouse, 2003). Par ailleurs, une diminution du nombre de cellules noradrénergiques du LC pourrait être directement liée à la susceptibilité au suicide chez l’Homme. Toutefois, chez les individus victimes de suicide, l’expression de la TH est augmentée dans les neurones coeruléens restant (voir pour revues Arango et al., 1997 ; Ordway, 1997). La prédisposition au suicide pourrait ainsi être en partie la conséquence d’une altération (augmentation ou diminution) de la libération de noradrénaline dans différentes aires de terminaison des neurones du LC. Dans certaines pathologies neuro-dégénératives telles que les maladies de Parkinson et d’Alzheimer, une diminution du nombre de cellules est observée au niveau du LC. Toutefois, le lien qui pourrait exister entre les troubles décrits dans ces pathologies et l’altération des neurones du LC reste encore obscure.

III-4. Le noyau du faisceau solitaire : premier relais central de l’arc