• Aucun résultat trouvé

Chapitre II : UbiJ (YigP) et UbiK (YqiC) sont deux nouveaux acteurs de biosynthèse

8- Localisation membranaire des protéines UbiJ et UbiK :

Nous avons ensuite étudié la localisation membranaire (membrane interne ou membrane externe) des protéines UbiJ et UbiK. Pour cela, les membranes des souches UbiJ-SPA et UbiK- SPA ont été séparées sur un gradient de sucrose de 6 couches (30% - 55% ; voir matériels et méthodes). Il est possible de séparer les deux membranes sur gradient de sucrose puisqu’elles ne possèdent pas le même contenu protéique. En effet, la membrane externe est plus riche en protéines, donc plus dense, et migre dans les couches de sucrose les plus concentrées.

Le contrôle utilisé est la protéine AtpB-SPA. AtpB fait partie de la sous-unité F0 de l’ATP synthase située dans la membrane interne. Comme attendu, AtpB-SPA est détectée uniquement dans la fraction membranaire (figure 38A).

Figure 38 : UbiK et UbiJ sont associées à la membrane interne : (A) Western blot de la protéine AtpB-SPA à

partir des fractions membranaires et solubles. Dépôt sur gel SDS-PAGE de 20 µg de protéines totales. Mb : fraction membranaire ; S : fraction soluble (B) Western blot des protéines AtpB-SPA, UbiJ-SPA et UbiK-SPA à partir des fractions membranaires internes et externes séparées par gradient de sucrose. Dépôt sur gel SDS-PAGE de 20 µg de protéines totales. Dans toutes les figures, la détection a été faité grâce à un anticorps dirigé contre la séquence flag. Mb INT : Membrane interne ; Mb EXT : Membrane externe.

Chapitre II

UbiJ et UbiK

108

Le signal détecté pour la protéine AtpB-SPA est prédominant dans la fraction contenant la membrane interne même si un signal est detecté dans la fraction de la membrane externe (figure 38B) ce qui reflète une contamination de la fraction membranaire externe par la fraction membranaire interne. De même, les signaux detectés pour les protéines UbiK et UbiJ sont prédominants dans la fraction membranaire interne (figure 38B). Ces résultats suggèrent que les protéines UbiJ et UbiK sont associées à la membrane interne. Toutefois, le protocole utilisé pour séparer les fractions membranaires internes et externes doit être optimisé afin de limiter la contamination de la membrane interne par la membrane externe.

Discussion

La biosynthèse de Q8 est étudiée depuis longtemps et après notre étude récente sur UbiI,

l’ensemble des protéines catalysant les différentes étapes de biosynthèse de Q8 sont désormais

connues. Dans ce chapitre, nous avons identifié ubiJ (yigP) et ubiK (yqiC) comme étant des nouveaux facteurs impliqués dans la biosynthèse aérobique de Q8 chez E. coli et S.

typhimurium. Les mutants ∆ubiJ et ∆ubiK accumulent le même intermédiaire de biosynthèse

(OPP) qui n’est pas caractéristique d’une étape déficiente dans la biosynthèse de Q8 (figure

28C). Ces résultats suggèrent que l’absence de ces gènes a un effet global sur la biosynthèse de Q8.

Une étude récente a montré que le gène ubiJ est essentiel pour la viabilité d’E. coli et code pour une séquence ARN (Chen et al. 2012a). Nos résultats ne sont pas en accord avec ces observations. En effet, un mutant ΔubiJ cultivé en aérobiose montre une déficience de croissance mais il est viable dans un milieu liquide (figure 28A). De plus, nous avons montré que la séquence d’ADN codant pour les 50 derniers acides aminés permet la biosynthèse de Q8

(figure 31) tandis que le changement de cadre de lecture d’un seul ou de deux nucléotides abolit cette biosynthèse (figure 33B). De plus, un plasmide contenant 30% de mutations de nucléotides du domaine C-terminal sans changement de la séquence peptidique est capable de complémenter la biosynthèse de Q8 dans ΔubiJ (figure 33C). L’ensemble de ces résultats

démontrent que l’activité biologique d’ubiJ repose sur la synthèse d’une protéine. Alors que l’importance de 50 derniers acides aminés a été démontrée chez les deux organismes, la suite de cette étude (changement du cadre de lecture et mutations silencieuses des nucléotides) doit être répétée chez la bactérie E. coli.

Chapitre II

UbiJ et UbiK

109

L’analyse de séquence d’UbiJ montre que le domaine C-terminal a 26% d’identité de séquence avec celui de LpxD et le domaine N-terminal a 16% d’identité de séquence avec celui de SCP2 (protéine liant les acides gras) de Yarrowia lipolytica. LpxD est une enzyme impliquée dans la biosynthèse du lipide A, capable d’interagir avec des composés lipidiques à travers le domaine C-terminal (Bartling et al. 2009). Notre hypothèse de travail est que la protéine UbiJ pourrait lier des intermédiaires de biosynthèse de Q8 et les présenter aux protéines Ubi via ses domaines

N- ou C-terminal. Toutefois, la capacité d’UbiJ à lier des lipides doit être testée in vitro avec des lipides. L’importance d’UbiJ pour la stabilité du complexe protéique regroupant plusieurs protéines Ubi sera évoquée dans le chapitre III.

Un mutant ΔubiK ne montre pas une déficience de croissance en milieu LB probablement car son contenu résiduel en Q8 (environ 20%) est suffisant pour assurer une croissance similaire à

une souche sauvage (figure 28B). Cette quantité résiduelle de Q8 pourrait suggérer la présence

d’une autre protéine jouant le même rôle qu’UbiK ou d’une fonction non-essentielle d’UbiK pour la biosynthèse de Q (comme le cas d’UbiX et d’UbiD). Récemment, la protéine SdhE a été caractérisée chez Serratia (McNeil et al. 2012). SdhE joue un rôle dans la flavinylation de la protéine SdhA, une protéine faisant partie du complexe succinate déshydrogénase (McNeil

et al. 2012). UbiK montre 18% d’identité de séquence avec SdhE et nous suggérons qu’UbiK

peut accomplir une fonction similaire à SdhE par incorporation de la flavine dans les protéines Ubi. Cette hypothèse est possible vu la présence de plusieurs Ubi à cofacteur à flavine (UbiX, UbiD, UbiI, UbiH et UbiF) et peut être testée par la mesure du taux de flavine incorporée dans ces protéines dans une souche ∆ubiK. Alternativement, UbiK pourrait jouer un rôle dans la stabilité du complexe protéique Ubi. Cette hypothèse a été testée et les résultats sont présentés dans le chapitre III.

L’étude de fractionnement cellulaire suivie de la séparation des membranes sur un gradient de sucrose (figure 38) montre que les protéines UbiJ et UbiK sont associées à la membrane plasmique d’E. coli. La localisation d’UbiJ dans la fraction membranaire et la fraction soluble (figure 36) suggère que cette protéine pourrait exister sous deux formes : membranaire et soluble. Alternativement, le tampon que nous utilisons pourrait déstabiliser l’association d’UbiJ à la membrane. Cette hypothèse est possible aussi pour UbiK que nous détectons uniquement dans la fraction membranaire. En effet, Carrica et al. (Carrica et al. 2011) utilisaient un autre tampon de lyse pour évaluer la localisation d’UbiK et montraient qu’UbiK est en partie soluble. De plus, nos analyses protéomiques (chapitre III) montrent également la présence d’UbiK dans la fraction soluble.

Chapitre II

UbiJ et UbiK

110

Nos collaborateurs à Marseille ont pu montrer une relation entre biosynthèse de Q8 et virulence

de S. typhimurium (Aussel, Loiseau, et al. 2014). En effet, une mutation d’ubiJ chez Salmonella la rend incapable de proliférer dans les macrophages des souris, tandis que le mutant ΔubiJ cultivés en anaérobie (et donc contenant du Q8)avant l’infection desmacrophages retrouve une

capacité modérée à proliférer à l’intérieur des macrophages (Aussel, Loiseau, et al. 2014). Ces résultats établissent l’importance de Q8 pour la prolifération bactérienne dans les macrophages

et suggère une possible relation entre la biosynthèse de Q8 et la virulence de Salmonella.

En conditions anaérobies, UbiK et UbiJ ne semblent pas avoir un rôle pour la biosynthèse de Q8 puisque des mutants ΔubiJ et ΔubiK ont la capacité de biosynthétiser un taux élevé de Q8 en

anaérobiose (figure 29). Les seuls mutants de biosynthèse de Q8 connus à ce jour, qui sont

capables de produire un taux normal de Q8 en anaérobiose sont ceux des monooxygénase (UbiF,

UbiH et UbiI). Il est important de noter que dans l’étude d’Aexander et Young en 1978 (Alexander and Young 1978a), le mutant ubiB- est capable de fomer du Q8 en anaérobiose en

désaccord avec notre observation (données non montrées). Ceci suggère que le mutant ubiB- utilisé par ces auteurs pourrait être un mutant ubiJ- dont le phénotype est compatible avec leur observation. A ce stade, UbiJ et UbiK ne sont pas considérés comme des monooxygénases mais nous suggérons que ces protéines peuvent aider les monooxygénases aérobies pour leur recrutement au sein du complexe protéique comme démontré en partie dans le chapitre III. En conclusion, nous avons demontré l’importance de 2 protéines UbiJ et UbiK pour la biosynthèse aérobique de Q8 mais leur rôle ne semble pas être catalytique. Nous avons avancé

sur leur rôle par l’analyse de la stabilité du complexe protéique de biosynthèse de Q8 en absence