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Littérature et dictature – « ausgewählt, austariert, eingereicht,

2 Les commencements d’Oskar Pastior dans la Roumanie communiste.

2.3 Littérature et dictature – « ausgewählt, austariert, eingereicht,

En 1950, Oskar Pastior retourne en Roumanie où il fait son service militaire et où il passera son baccalauréat. Il commence ses études en 1955. En 1960, il travaille pour la radio de Bucarest. Parallèlement, il écrit des histoires pour enfants Fludribusch im

Pflanzenheim (1960) avec des illustrations de Roswith Capesius et Ralph in Bukarest

(1964), histoires qu’on ignore pratiquement aujourd’hui et auxquelles on ne prête que rarement attention.1 Deux ouvrages poétiques sont publiés : Offne Worte en 1960 et

Gedichte en 1965. Par les poèmes qui datent de cette période, on découvre un nouveau côté

du poète qui était encore très méconnu jusqu’à l’apparition du premier tome de la ‘Werkausgabe’ en 2006. Pastior avait déjà très tôt fait des essais de style et de nouvelles formes poétiques en Roumanie sans avoir connu la Poésie concrète et sans avoir été influencé par le Groupe de Vienne dont il fera la connaissance que bien plus tard.

Cependant beaucoup de poètes et d’écrivains étaient en rivalité avec le système et son règlement. À cette époque, la littérature était soumise à un règlement extérieur. Les expressions, les définitions, les mots étaient bien déterminés. Tout intervenait dans le déroulement de la publication.

Je ismenreicher und niederträchtiger das Klima im Land, desto prekärer der Begleitumstand, dass Texte sobald sie publiziert worden sind den Makel einer obrigkeitlichen Sanktionierung weghatten.2

C’est en 1950 que Pastior fait ses premières expériences avec une littérature dirigée par l’État et les censures propagandistes. La rédaction du quotidien allemand à Bucarest Neuer

Weg Nr.275 publie un document titré : « La confession d’un expatrié », une lettre et un

poème « qui nous a été envoyée par l’expatrié Oskar Pastior de Hermannstadt. »3 Paradoxalement, cette lettre correspondait trop bien aux attentes politiques pour croire

1

En début 2009, une exposition sur Oskar Pastior aux Institutions de la Transylvanie à Gundelsheim en Allemagne avait montré ces pièces appartenant à la bibliothèque que celle-ci venait tout juste d’acquérir. 2

WERK I, postface de l’auteur, p.355. 3

« Das Bekenntnis eines Heimkehrers […], das von dem Hermannstädter Heimkehrer Oskar Pastior an unsere Redaktion geschickt wurde. »

qu’elle puisse venir d’un homme qui a souffert pendant cinq ans dans un camp de travail. En voici un extrait1 :

Im Chaos stürzender Zeiten zogen wir vor fünf Jahren aus. Ein Chaos um und in uns.

In eine neue Ordnung und Sicherheit kehren wir nun, voller Erkenntnisse und Überzeugungen, in unsere Heimat zurück. Fünf Jahre Arbeit in der Sowjetunion! Wir lernten arbeiten. Aber wir fühlten uns zum ersten Mal stark und als Masse. […]

[…]

Deine sichere Nähe, Mensch, lässt schwerer wiegen alle Früchte, lässt näher rücken jedes Sein. Du und du und ich:

Wir Menschen!

Quand en 1949, Oskar Pastior rentre du Donbass avec d’autres déportés, il doit passer quelques jours en quarantaine en Roumanie. Des gens de la revue Neuer Weg ont apparemment parlé avec lui. À cette occasion, Oskar Pastior leur récite par cœur un poème qu’il le leur fait passer. En tout cas, environ un mois plus tard, la lettre est publiée par le journal allemand de Bucarest, une falsification puisqu’Oskar Pastior ne l’avait jamais écrite, donc ni envoyée. Le poème, lui, reste intact.2

Dans le volume Offne Worte (Paroles ouvertes), sous-titré : … sage, du habest es rauschen

gehört (… dis que tu l’aurais entendu grésiller), Pastior se permet de revendiquer :

Auf dem Bauplatz

Offne Worte soll der Dichter führen: Das Gedicht sei gastlich wie ein Haus. Durch der Bilder aufgesperrte Türen Geht der Leser sicher ein und aus. Offne Worte soll der Dichter führen.3

Les deux volumes Offne Worte (1964) et Gedichte (1965) étaient apparus à un moment où toute critique contre le système politique était devenue impossible. Oskar Pastior n’a ni dans ses interviews, ni dans ses poèmes mentionné les conditions en Roumanie. Dans ses

1

Cité d’après : WERK I, postface de l’éditeur Ernest Wichner, pp.358,359. 2

Ibidem. 3

œuvres et ses traductions, Oskar Pastior n’aborde jamais ce sujet. On n’y trouve pratiquement que des informations littéraires.1 On retrouvera le même genre de renseignements littéraires dans le deuxième livre Gedichte apparu en Roumanie. Dans le poème portant le titre Kreuzworträtsel im Abend, on tombe sur des impératifs horizontaux et verticaux qui ne sont qu’en principe rien d’autre que de strictes directives ; des règles, d’après lesquelles on doit composer un texte :

Kreuzworträtsel im Abend

Jeden Abend steh ich da, angelehnt an Zaun und Spaten. Mond und Berge sind so nah. Dann beginnt mein großes Raten.

Waagerecht soll der Horizont sich in Zaun und Hecken fügen. Senkrecht muß dem ganzen Mond meines Werkzeugs Strich genügen.

Und wo beide Ewigkeiten streng im Kreuz sich binden, müsste ich, von beiden Seiten, etwas wie mich selber finden.

Jeden Abend steh ich da, Mond und Berge halten Lesung. Bin dem Wort bald fern, bald nah. Und es gibt nur eine Lösung.2

Un troisième volume aurait dû apparaître, « faisant une fois de plus partie du début de ma carrière […]. Depuis longtemps sélectionné, pesé, rendu, examiné et accepté, terminé et apparemment même déjà en impression. »3 Mais, Oskar Pastior quittera la Roumanie avant la publication de l’ouvrage. Ce volume aurait dû porter le titre namenaufgeben (abandon

1

Cf. SIENERTH, Stefan, « Interview mit Oskar Pastior: ‘Meine Bockigkeit, mich skrupulös als Sprache zu verhalten’ » dans : ‘Dass ich in diesen Raum hineingeboren wurde’ Gespräche mit deutschen Schriftstellern

aus Südosteuropa, 1997, pp.199-216. Ici : p.213.

2

GE, p.37. 3

« wieder ein Debütband […]. Längst ausgewählt, austariert, eingereicht, geprüft und akzeptiert, gesetzt und wohl auch schon im Druck. »

de nom). Peut-être que le titre de ce livre suggérait une intuition ; « mon nom a été

immédiatement annulé et a été ainsi officiellement rayé de la scène littéraire roumaine. »1

En 1999, Pastior retourne à Bucarest et à Hermannstadt. L’université lui attribut le titre de docteur honoris causa ; en automne 2007, il aurait dû être nommé citoyen d’honneur.2

Beaucoup d’amis ne s’attendaient pas à la fuite d’Oskar Pastior. Au début des années soixante, la poésie innovatrice et courageuse de Pastior était très critiquée, vu les circonstances. Quatre à cinq ans plus tard, quand certaines mesures prises commençaient à s’assouplir pendant la deuxième période de libéralisation, Oskar Pastior était très apprécié et est devenu populaire. À la question de Stefan Sienerth pourquoi est-ce que Pastior a tout de même quitté le pays, le poète y a répondu de la façon suivante :

Daß wir uns in der "liberalen Phase" befanden, war uns älteren, denen die Rußlandjahre, der Kanal, die untergründigen Prozesslawinen, die offenkundigen und die schleichenden Überwachungsmechanismen durch Staat, Partei, Securitate, Kaderbüros – das war ja alles ein Gemisch – noch in den Knochen steckten (den eigenen, oder denen von Frauen, oder den Knochen im Kopf), gar nicht so recht gegenwärtig. Man lebte in den Tag hinein und versuchte, die Diskrepanz zwischen ein bissel mehr Annehmlichkeit und der alten Angst möglichst zu übersehen. Über Nacht, das wußte man, konnten neue "Richtlinien" doch alles wieder ändern. Misstrauen und Argwohn, das waren die schlafenden Hunde – die einen, indem man sie sich vom Leibe halten wollte, schon infiziert hatten. So sehe ich die Zeit unmittelbar vor meinem Weggehn: höchste Zeit.3

1

Cf. « mein Name hingegen – wie der Buchtitel es angeboten, ja suggeriert hatte – wurde fristlos namenlos und offiziell aus der rumäniendeutschen Literatur getilgt. »

Idem. p.357. 2

Cf. LL, p.8. 3

SIENERTH, Stefan, « Interview mit Oskar Pastior: ‘Meine Bockigkeit, mich skrupulös als Sprache zu verhalten’ » dans : ‘Dass ich in diesen Raum hineingeboren wurde’ Gespräche mit deutschen

2.4 Les débuts d’Oskar Pastior. « Mein Debüt – ja