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Le cœur du réacteur accidenté de Three Mile Island (représenté par l’acronyme de TMI dans la suite) a été très gravement endommagé, comme le montre la figure 1.3. Plusieurs années après l’accident, lorsqu’il a été possible d’examiner l’intérieur de la cuve, il a été constaté que plus de la moitié des assemblages combustibles avaient fondu, laissant une cavité en partie haute. En dessous de cette cavité se trouvait une croûte de matériaux re-solidifiés, ainsi qu’un lit de débris constitué de fragments de pastilles combustibles et d’éléments de gainage oxydés. En outre, le corium tombé en fond de cuve y avait formé un second lit de débris.

L’étude de ces lits de débris constitue aujourd’hui un domaine à part entière de la recherche en sûreté nucléaire. Ce travail de thèse s’inscrit dans un programme de recherche dédié à l’étude de leur refroidissement par injection d’eau.

1.4.1 Formation d’un lit de débris

Un lit de débris peut être formé à différents stades de l’accident, selon deux pro- cédés distincts (voir figure 1.4).

A haute température, à partir de 1000 °C environ, le zirconium est oxydé de façon importante par la vapeur d’eau. Ce phénomène entraîne la formation de zircone, un matériau fragile, à la surface des gaines. De plus, la réaction d’oxydation est fortement exothermique : elle libère plus de 1.3 MJ par kilogramme de zirconium [Coindreau 08]. Ainsi, lors de la montée en température des assemblages com- bustibles dénoyés, les caractéristiques mécaniques des matériaux de gainage sont progressivement dégradées. Une sollicitation mécanique importante, telle qu’un choc thermique consécutif à un renoyage, peut alors les amener à rompre et à libé- rer le combustible qu’elles mantenaient en place. Ce combustible, sous la forme de fragments de pastilles de tailles millimétriques à centimétriques [Coindreau 08], se relocalise dans les parties inférieures du cœur et forme un lit de débris (figure 1.4a). Un deuxième type de lit de débris peut être formé dans un second temps, après fusion du cœur (figures 1.4b et 1.4c), lorsque les matériaux fondus chutent dans l’eau résiduelle en fond de cuve, et s’y re-solidifient en fines particules. De façon similaire, un lit de débris peut se former suite au percement de la cuve et à la chute des matériaux fondus dans l’eau contenue dans le puits de cuve.

1.4 Les lits de débris

Crayons effondrés

Renoyage par le bas

(a) Dans la partie essemblages

Renoyage par le haut

Coulées de matériaux

fondus

(b) En fond de cuve

Renoyage par le haut

Bain fondu

(c) Sur le radier inférieur

Figure 1.4 – Formation d’un lit de débris à différents stades de l’accident

1.4.2 Granulométrie et porosité des lits de débris

Les lits de débris présentent des caractéristiques différentes selon qu’ils se forment par effondrement des assemblages ou par re-solidification d’un jet de corium. Une revue exhaustive de la littérature concernant la granulométrie des lits de débris a été faite par Chikhi et al. [Chikhi 14b].

Les pastilles combustibles se fragmentent naturellement durant l’exploitation du réacteur[Olander 90]. En effet, leur faible conductivité thermique, rapportée à la puissance massique générée, entraîne un gradient de température interne très im- portant, donc de fortes contraintes mécaniques. Le nombre, la taille et la forme des fragments dépendent du taux de combustion, mais ils peuvent être considé- rés en première approximation comme étant de forme globalement prismatique [Oguma 83]. La figure 1.5 illustre la forme générale de ces fragments.

Coindreau et al. [Coindreau 08, Coindreau 13, Oguma 83] estiment que leur taille se situe entre 2.4 mm et 3.2 mm pour des taux de combustion inférieurs à 40 GWj/t, et que de fines particules, dont la taille est de l’ordre de 30 µm, apparaissent à fort

taux de combustion. Ces estimations semblent en accord avec les observations du cœur accidenté de TMI, où des débris mesurant entre 300 µm et 4 mm (pour une taille moyenne de 2 mm) ont été retrouvés [Akers 86], ainsi qu’avec les résultats des programmes LOFT [Hobbins 90] et PBF [Petti 89], en partie dédiés à l’étude de la fragmentation du combustible.

Les lits de débris formés suite à la re-solidification de jets de corium ont été étudiés lors de programmes de recherche dédiés à l’explosion vapeur. Si la taille moyenne des particules, qui peut varier entre 1 mm [Huhtiniemi 97] et 5 mm [Huhtiniemi 99], est comparable à celle des fragments de pastilles, la dispersion de leurs tailles est plus importante. Par exemple, lors des essais FARO [Magallon 01], des tailles comprises entre 0.25 mm et plus de 10 mm ont été observées.

Une autre caractéristique importante du lit de débris est sa porosité, c’est-à-dire la part du volume total du lit de débris occupée par l’espace poral. La porosité du lit de débris de TMI a été mesurée entre 35 % et 55 % selon les endroits [Akers 86]. Dans le cas des lits de particules re-solidifées, la porosité est plus élevée, entre 50 % et 70 % [Chikhi 14b], mais Ma et Dinh [Ma 10] ont souligné que ces particules présentent une porosité interne importante, qui ne doit pas être considérée dans des études d’écoulement en milieu poreux. Nous retiendrons par conséquent comme valeurs de référence les porosités mesurées sur les lits de débris de TMI.

En conclusion, les lits de débris peuvent être caractérisés comme des lits de parti- cules mesurant entre quelques centaines de microns et une dizaine de millimètres, pour une taille moyenne de 2 mm à 4 mm, et présentant une porosité variant de 35 % à 55 %.

Figure 1.5 – Fragmentations axiale et radiale des pastilles (sources : [Lemaignan 03, Coindreau 08])

1.4 Les lits de débris

1.4.3 Problèmatiques de sûreté liées aux lits de débris

Du point de vue de la sûreté nucléaire, un cœur à l’état de lit de débris est plus facile à refroidir qu’un bain de corium fondu. En effet, le refroidissement d’un bain fondu est problématique car les échanges thermiques ne peuvent avoir lieu qu’à sa surface, qui est très réduite, alors qu’un lit de particules développe une surface spécifique importante et donc est a priori plus facile à refroidir, même si la pénétration de l’eau dans le lit est limitée. Néanmoins, si la puissance résiduelle ne peut être extraite du lit de débris, celui-ci finit inévitablement par fondre, et devient par conséquent encore plus difficile à refroidir. Il est donc important d’évaluer la cinétique de refroidissement d’un lit de débris pour déterminer dans quelles conditions il sera possible d’éviter une fusion partielle ou totale du cœur. En termes de conduite du réacteur en situation accidentelle, la principale action des opérateurs pour éviter la fusion du cœur sera la décision d’un renoyage. Tou- tefois, l’arrivée d’eau liquide sur le lit de débris peut paradoxalement avoir des conséquences négatives sur la sûreté de l’installation [Chikhi 12c] :

— Une vaporisation massive et brutale de l’eau au contact des débris surchauf- fés peut entraîner un pic de pression dans la cuve, qui peut endommager le circuit primaire.

— Un refroidissement brutal des parties périphériques du cœur, généralement moins endommagées, peut provoquer un choc thermique et l’effondrement d’autres assemblages.

— L’apport de vapeur dans le cœur peut relancer la réaction d’oxydation du zirconium. La chaleur libérée produit alors une montée en température des assemblages dégradés.

— L’hydrogène généré par la réaction zirconium-vapeur peut provoquer une explosion dans l’enceinte de confinement. De violentes explosions d’hydro- gène ont ainsi eu lieu lors des accidents de Tchernobyl et de Fukushima. Les conséquences potentielles de ces phénomènes dépendent de l’état du cœur, de sa température, de la pression au sein du circuit primaire, ou encore du débit d’injection [Chikhi 12c]. Lorsque l’on cherche à optimiser les chances de succès d’un renoyage, il convient d’évaluer leurs contributions respectives, et de vérifier le bilan dénergie suivant :

La puissance d’oxydation est directement reliée à la quantité d’hydrogène pro- duite. Son évaluation a été étudiée lors de nombreux programmes de recherche sur la dégradation des grappes en situation accidentelle, notamment lors des es- sais LOFT [Modro 91], CORA [Hofmann 97] et QUENCH [Steinbrück 10]. Un pic de production intense d’hydrogène a été observé au moment de l’entrée en contact de l’eau de renoyage avec les débris [Chikhi 12c], mais plusieurs études [Steinbrück 10, Chikhi 12a] ont montré qu’un débit d’injection supérieur ou égal à 1 g par seconde et par crayon permet de réduire ce pic, et par conséquent de diminuer le risque hydrogène.

L’évaluation de la puissance évacuée par l’eau nécessite de répondre à deux ques- tions majeures :

— Quelle quantité d’eau pénètre effectivement dans le lit de débris, et en combien de temps ?

— Quels sont les coefficients d’échange thermique entre les débris et l’eau ? De ces questions découlent des besoins en modélisation pour les transferts ther- miques entre les débris et l’eau, et pour les pertes de pression en milieu poreux : la quantité d’eau qui pénètre le lit dépend du champ de pression, lui-même régi par la vitesse de la vapeur produite par l’ébullition de l’eau au contact des débris.

1.5 Programmes de recherche sur la refroidissabilité

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