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Limites et perspectives

4. Discussion

4.2. Limites et perspectives

Si le projet d'écriture longue peut être jugé comme globalement positif, en termes d'implication et d'autonomie des élèves, de production d'écrits, de réflexion sur la pratique enseignante et de formation liée à la situation de co-animation très riche, certaines limites cependant être notées, ainsi que des pistes d'approfondissement pour l'avenir.

Le temps accordé à l'écriture semble avoir été trop contraint, du fait de la volonté de l'inscrire dans le cadre de l'AP. Il serait plus intéressant de consacrer par exemple une semaine entière au projet, avec des séances d'écriture (incluant planification et révision) de deux heures, puis d'enseigner en cours classique, avant de reprendre le projet un peu plus tard. Il est frappant de noter que ce rythme a été spontanément proposé, en fin de projet, par Djibril, pour qui l'écriture a été l'objet d'efforts importants. On pourrait aussi envisager de concentrer le projet sur le dernier trimestre, en l’intégrant dans un thème de séquence, et en utilisant les outils vus auparavant en cours d’année en classe.

Il serait par ailleurs utile de mettre en place un journal de bord du projet, qui pourrait être tenu par les élèves et procurerait un espace réflexif supplémentaire sur leurs savoirs et leurs pratiques.

Si un tel projet est conçu dès la rentrée de septembre, avec plus de temps donc, il serait intéressant de travailler aussi l'écrit à partir de transcriptions de l'oral, comme j'ai pu le faire dans d'autres projets. Les élèves peuvent ainsi mimer une scène puis l'enregistrer lorsqu'elle est prête, un scribe se chargeant ensuite de transcrire l'enregistrement. Ils peuvent aussi dessiner un paysage puis le décrire à l'oral et enregistrer cette description, par exemple. Cette procédure permettrait de valoriser les compétences orales, surtout pour des élèves faibles.

Je pense par exemple à une histoire que j'ai menée en travaillant avec des élèves de CLIS. Je prenais note de leurs idées exprimées à l'oral, avec une phase de planification 'épaissie' par des dessins collectifs au tableau, une discussion sur les idées émises, un travail oral sur les mots. L'histoire conçue a été extrêmement riche et poétique, beaucoup plus émouvante et créative que les quatre autres histoires élaborées en parallèle dans les quatre autres classes de l'école participant au projet. La richesse provient-elle de la plus grande facilité à s'exprimer à l'oral ? De la barrière plus mince instaurée par des élèves handicapés entre leur imaginaire et leur expression devant les autres ?

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Je pense aussi à la manière frappante dont les hiérarchies scolaires se voient bouleversées lors d'un atelier d'écriture, où l'intervenante ne peut facilement distinguer 'bons' et 'mauvais' élèves - effets là encore de l'oral, de l'imaginaire, de l'adhésion au projet, de la barrière plus ou moins forte que constitue la volonté de se conformer aux attentes scolaires ?

La place de l'imaginaire semble être une piste très intéressante à suivre, notamment pour approfondir les liens et les obstacles entre une richesse d'images intérieures et le choix de mots précis pour les exprimer.

Il serait important de plus travailler sur l'imaginaire, par exemple en donnant des lectures cursives aux élèves sur le thème choisi, en offrant des lectures, des images ou des extraits de films en classe, et en donnant plus de place aux séances collectives d'imaginaire, comme cela est possible de le faire en atelier d'écriture. Il faudrait alors réfléchir au protocole expérimental à mettre en place pour observer de tels liens.

Serait-il utile d'évoquer sa propre activité d'auteur, afin de décaler les élèves du cadre scolaire et de favoriser leur propre posture d'auteur ? Est-il intéressant d'écrire soi-même lors des séances d'écriture en classe ? Ou cela risque-t-il de 'bloquer' les élèves en focalisant leur attention sur la publication des productions écrites ? La question reste ouverte.

Au-delà du contenu de l'écriture, construire ensemble un projet est un très fort levier de motivation chez les élèves. Ils se sont engagés, enthousiastes ; nous éprouvons même depuis des difficultés à nous impliquer dans les cours « classiques », qui par contraste, et même si j'essaie de les préparer au mieux, nous paraissent beaucoup plus « fades ».

La richesse d'un projet d'écriture longue permettrait de mettre en place, dès sa conception, des outils d'observation plus variés sans doute, peut-être par une coopération entre stagiaires et enseignants plongés dans l'organisation et la mise en œuvre au quotidien de tels projets.

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Conclusion

Mener un projet d'écriture longue en classe met en jeu une multitude d'éléments qu'il faut combiner, accorder, transformer, auquel il faut s'adapter, et c'est la complexité même de ce fonctionnement qui se révèle passionnante. Elle est le reflet de la propre complexité de l'écriture, qui plonge ses racines dans les processus rédactionnels, dans la richesse du sujet scripteur et dans les différentes postures adoptées tour à tour par les enseignants.

La difficulté de mener un tel projet à bien, la charge supplémentaire indéniable de travail qu'il génère, expliquent sans doute en partie la réticence éprouvée par un certain nombre d'enseignants pour se lancer dans l'écriture longue en collège.

Les modèles explicatifs développés par les chercheurs en psychologie cognitive, en linguistique, en didactique, offrent des pistes intéressantes afin d'accompagner nos élèves dans ce processus, et leur permettre de développer au mieux leurs compétences.

Parmi ces pistes, la posture de l'enseignant nous paraît extrêmement importante. Loin du contrôle, elle se doit d'encourager, de rassurer, mais aussi de créer un espace qui se situe bien dans ce cadre scolaire, mais qui soit un espace de liberté et d'expression des sujets scripteurs en tant qu'auteurs.

Cette « bulle » hors du temps et des contraintes est bien celle que cherche à créer un auteur professionnel lorsqu'il écrit. Elle est aussi celle que l'on met en place lors d'un atelier d'écriture, certes d'autant plus facilement que l'on est extérieur à la structure institutionnelle, que l'on ne connaît rien des élèves et que les hiérarchies scolaires se trouvent bousculées. Écrire dans le cadre scolaire semble donc devoir s'attacher à la recréer le plus possible, tout en utilisant les outils disponibles dans le cadre scolaire - évaluation, consignes, devoirs maison, fiches pour la langue,... - afin que le projet soit pleinement intégré au développement des compétences des élèves. Cette réflexion semble aussi utile pour des travaux d'écriture plus ponctuels.

Poursuivre cette recherche d’un équilibre délicat tissant posture d'auteure, posture d'animatrice extérieure et posture d'enseignante, c'est ce que je m'attacherai à faire, dès l'année prochaine, auprès d'élèves que je ne connais pas encore mais que je sais déjà auteurs...

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Bibliographie

Ouvrages :

Barré-De Miniac C. (2000). Le rapport à l'écriture, aspects théoriques et didactiques. Villeneuve d'Ascq : Presses Universitaires du Septentrion.

Bucheton, D. (2014). Refonder l'enseignement de l'écriture, vers des gestes

professionnels plus adaptés du primaire au lycée. Paris : Editions Retz.

Chartier A.-M., Clesse C., Hébrard J. (1998). Lire, écrire, 2. Produire des textes. Paris : Editions Hatier.

Fabre-Cols C. (2002). Réécrire à l'école et au collège, de l'analyse des brouillons à

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Articles :

Bishop M.-F. (2007). L'élève sujet dans les textes prescripteurs de l'école primaire, Le

français aujourd'hui, 157, 19-29.

Bucheton D. (2006). Les postures d’écriture et de lecture : la diversité des modes de penser-parler-apprendre, Langage et pratiques, 37, 29-38.

Delcambre I. (2007). Du sujet scripteur au sujet didactique, Le français aujourd'hui,

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Garcia-Debanc C., Fayol M. (2002). Apports et limites des modèles du processus rédactionnel pour la didactique de la production écrite. Dialogue entre psycholinguistes et didacticiens, Pratiques, 115, 37-50.

Tauveron C. (2007). Le texte singulier de l'élève ou la question du sujet scripteur, Le

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Annexes

Annexe 1 - Tableau de l'intrigue et principaux personnages……….. 2

Annexe 2 - Questionnaire sur l'écriture……….. 3

Annexe 3 - Ecrit en groupe : Kamo, Léandre et Razi - début du chapitre 3………….. 3

Annexe 4 - Le parcours de Flora……… 4

Annexe 5 - Le parcours d'Anya……….. 5

Annexe 6 - La rédaction test de Mia………... 7

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Annexe 1 - Tableau de l'intrigue et principaux personnages

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