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Limites et considérations méthodologiques

Discussion générale

3. Limites et considérations méthodologiques

Un certain nombre de limites doivent être considérées dans le cadre de l’interprétation des données présentées dans ce manuscrit. Une limite majeure concerne l’extrapolation d’une partie de la longueur des faisceaux musculaires liée à l’utilisation d’une sonde à court champ de vision (5,5 cm) sur un muscle relativement long comme le VL (Ando et al., 2014). En effet, le pourcentage d’erreur d’estimation associé à l’extrapolation linéaire des faisceaux et des

aponévroses est ~2-7% pour le GM (Finni et al., 2003 ; Ishikawa et al., 2003) et ~20% pour le VL (Brennan et al., 2017) ce qui questionne la validité des estimations de longueur du VL notamment. Au cours de nos travaux, nous nous sommes attachés à minimiser ce biais, d’abord en positionnant la sonde au milieu du muscle afin d’éviter d’inclure les parties curvilinéaires des aponévroses à proximité des insertions myo-tendineuses (Bénard et al., 2009 ; Blazevich et al., 2006). De plus, nous avons écarté des analyses les essais nécessitant des extrapolations trop conséquentes (i.e. résultant en des valeurs non physiologiques). Enfin, nous avons systématiquement normalisé les longueurs et vitesses des faisceaux du GM et du VL dans les études n°2 et n°3 relativement à une longueur de faisceau obtenue en position repos debout (Lai et al., 2018). Dans une analyse pilote, nous avons comparé les mesures obtenues avec une sonde à celles issues de deux sondes couplées en série, pour estimer les amplitudes d’allongement des faisceaux du VL lors d’une réception uni- et bilatérale depuis une hauteur de 0,50 m. Nous avons observé que les patterns de variations de longueur des faisceaux musculaires du VL étaient similaires entre ces deux méthodes, mais que la normalisation permettait de réduire l’extrapolation des longueurs de 14-20% à 3-4% en comparaison à la méthode à deux sondes. Dès lors, la comparaison des variations de longueurs de faisceaux du VL entre conditions lors d’une même session est possible à partir d’une seule sonde et de la normalisation de la longueur des faisceaux (Brennan et al., 2017).

Une autre limite de nos travaux concerne l’estimation de la longueur des tissus tendineux à partir de modèles anthropométriques (Grieve et al., 1978 ; Visser et al., 1990), d’angles articulaires et d’estimation de la longueur des faisceaux musculaires (Fukunaga et al., 2001 ; Kurokawa et al., 2003 ; Farris et al., 2016 ; Werkhausen et al., 2017). Ces modèles ne permettent pas de prendre en compte la variabilité interindividuelle des sujets. De plus, le comportement du tendon n’est pas tout à fait le même que celui des autres tissus tendineux (i.e. aponévroses, tissus conjonctifs) en raison notamment de leurs différences de propriétés mécaniques (pour revue, Roberts, 2016). D’autres techniques permettent d’estimer de manière directe les variations de longueur du tendon, notamment en suivant la jonction myo-tendineuse avec des repères dans l’espace (Lichtwark & Wilson, 2006 ; Zelik & Franz, 2017 ; Werkhausen et al., 2017) ou en analysant le suivi de la tavelure des tissus superficiels et profonds du tendon (Zelik & Franz, 2017 ; Clark & Franz, 2018).

Une autre limite associée à l’utilisation de ces modèles et de l’échographie 2D concerne les effets de phénomènes dynamiques de variations de longueurs, de géométrie et de forme du muscle et des tissus tendineux au cours de la contraction sur les mesures de longueurs obtenues

(e.g. Dick & Wakeling, 2018). Ces phénomènes se produisent dans les trois dimensions de l’espace et l’échographie 2D ne permet pas de mesurer précisément ces variations complexes du SMT, notamment les déformations transversales des muscles (Azizi et al., 2008 ; Randhawa & Wakeling, 2018), des tendons (Obst et al., 2014) et des aponévroses (Azizi et al., 2009) lors de contractions dynamiques. Le développement récent de nouvelles techniques d’imagerie (e.g. Diffusion Tensor Imaging ; e.g. Bolsterlee et al., 2015) et la mise au point de méthodes de suivi de la géométrie du muscle en 3D (Randhawa & Wakeling, 2018), devraient permettre de mieux appréhender cette dynamique complexe du SMT dans les années à venir.

Au cours des études n°2 et n°3, nous avons relevé le challenge technique de réaliser les expérimentations en conditions extérieures avec deux échographes et en déplaçant l’ensemble du matériel sur chacune des trois surfaces pour chaque sujet. La durée d’un protocole, la chaleur, la sueur des participants ou encore l’intensité des mouvements étudiés sont autant de facteurs qui ont contribué à la perte d’un certain nombre de données nous obligeant à exclure des participants de nos populations. Également, au cours des études n°2 et n°3, nous n’avons pas eu accès aux données de force de réaction au sol et de dynamique inverse, qui nous auraient permis de mieux contextualiser les différences entre les surfaces. Cela est évidemment dû à la complexité d'insérer des plateformes de force sous les trois surfaces ainsi qu’à l’utilisation du système Vicon en condition extérieure. L’utilisation de la caméra à haute fréquence d’image, lors des études n°2 et n°3, a possiblement réduit la précision de mesure des positions de marqueurs réfléchissants en comparaison au système Vicon utilisé lors de l’étude n°1, ce qui a pu diminuer la précision des modèles SMT. Toutefois, Hickox et al., (2016) ont récemment montré lors de sauts que les différences au niveau de la cinématique et cinétique articulaire sur le plan sagittal étaient faibles entre les deux méthodes. Aussi, la méthode 2D apparaît comme une solution pratique lors d’expérimentations complexes en extérieur.

Lors de nos travaux, nous avons fait le choix de standardiser le port des chaussures afin de se concentrer sur l’interaction entre l’homme et la surface. Toutefois, il est bien reconnu que la chaussure a une influence importante sur la performance motrice (Kelly et al., 2016 ; Hoogkamer et al., 2018 ; Honert & Zelik, 2019) et le risque de blessure (Wannop et al., 2013 ; Livesay et al., 2006). Néanmoins, pour les surfaces engazonnées, la chaussure joue un rôle majeur lors de changements de direction plutôt que lors de mouvements verticaux comme ceux réalisés dans nos travaux. Nos résultats sont également à mettre en regard de la contribution des muscles du pied (Ker et al., 1987 ; Farris et al., 2019 ; Kelly et al., 2019) et des tissus mous à

l’absorption, la dissipation et la restitution d’énergie mécanique pendant le saut et la réception (Zelik & Kuo, 2012 ; Riddick & Kuo, 2016).

Enfin, nous avons constaté une variabilité interindividuelle notable des stratégies de réalisation des mouvements et notamment de la réception. En effet, la consigne était d’éviter les réceptions trop extrêmes, i.e. une position de genou trop tendue ou trop fléchie à l’impact. Aussi, chaque participant pouvait choisir sa propre stratégie de réception. Des résultats récents suggèrent que chaque individu est capable d’estimer subjectivement la quantité de travail mécanique qu’il va produire au moment de la réception (Skinner et al., 2015). Ces auteurs ont montré qu’un individu choisissait systématiquement de produire un travail négatif supplémentaire en comparaison au travail mécanique minimum possible (i.e. réception jambe tendue sans rotation articulaires). De plus, lorsque la compliance de la surface augmentait, les individus décidaient de produire encore moins de travail négatif. Cette variabilité interindividuelle a inévitablement influencé celle des interactions muscle-tendon, notamment pour la réception bilatérale lors de l’étude n°2, où 7 sujets avaient adopté une technique de réception plutôt "raide" (< 55° flexion de genou) et 5 sujets une technique de réception plutôt "souple" (> 60° flexion de genou). Toutefois, lors des réceptions unilatérales, la restriction de l’amplitude de flexion du genou induit par le mouvement a réduit la variabilité et a permis de souligner les différences entre les surfaces. Ce résultat apparaît cohérent dans la mesure où, lorsque les contraintes biomécaniques inhérentes à la tâche sont accrues, le nombre de solutions possibles à disposition de l’individu pour réaliser le mouvement se réduit (Kutch & Valero-Cuevas, 2011). Ces stratégies interindividuelles dépendent également des variations des propriétés morphologiques et architecturales intrinsèques aux muscles et influencent la distribution d’activation musculaire et de force entre muscles synergistes (Avrillon et al., 2018 ; Crouzier et al., 2018) ce qui peut in fine affecter l’efficience motrice et les interactions muscle-tendon.