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Parmi les études consultées, il est possible d’identifier des limites communes à plusieurs d’entre elles. En effet, la première limite importante est qu’aucune étude recensée ne comporte un devis longitudinal. En ce sens, les publications scientifiques actuelles ne permettent pas d’éclairer les questions entourant le possible rôle prédicteur de la désorganisation sociale du quartier sur la victimisation par les pairs et encore moins sur le possible lien de cause à effet entre ces variables. Il serait donc pertinent de combler cette limite en réalisant des études longitudinales afin d’augmenter les connaissances sur la présence et la directionnalité de l’association entre la désorganisation sociale et la victimisation, ce qui permettrait de mieux comprendre les relations entre ces variables.

Une seconde limite relevée est que dans seulement deux études les chercheurs ont utilisé des mesures spécifiques de la victimisation par les pairs, soit des mesures de la victimisation directe (Clark et Lab, 2000; Holt et al., 2014). Qui plus est, aucun chercheur n’a étudié la victimisation indirecte. En ce sens, actuellement, les études réalisées n’ont pas permis de vérifier si l’association entre la désorganisation sociale du quartier et la victimisation par les pairs diffère selon le type de victimisation. Ainsi, il serait pertinent de réaliser d’autres études effectuant des analyses pour chaque type de victimisation par les pairs (directe, indirecte), ce qui permettrait d’augmenter le niveau de connaissances quant à l’association entre la désorganisation sociale du

quartier et la victimisation. En effet, la victimisation par les pairs, étant un concept large regroupant deux types de victimisation référant chacun à des comportements plutôt différents, devrait être étudiée sous chacune de ses facettes afin d’obtenir une compréhension plus fine de cette problématique vécue par les adolescents (Esbensen et Carson, 2009). Ainsi, vérifier l’association entre la désorganisation sociale du quartier et chacun des types de victimisation par les pairs permettrait possiblement d’identifier pour quels types de victimisation la désorganisation sociale du quartier est un facteur de risque. Cela permettrait ainsi de proposer des cibles d’intervention plus spécifiques pour chaque type de victimisation par les pairs.

Une troisième limite identifiée concerne le répondant. En effet, dans les études recensées, seul le jeune est répondant. Or, bien que la perception du jeune soit très importante, puisque c’est lui qui subit les expériences de victimisation de la part de ses pairs, n’utiliser que sa perception comporte certains biais (Card et Hodges, 2008). En effet, certains jeunes pourraient ne pas rapporter la victimisation vécue se sentant honteux de vivre cela ou craignant que la situation s’aggrave (Card et Hodges, 2008). De plus, certains jeunes pourraient rapporter vivre plus de victimisation qu’en réalité en raison d’une mauvaise interprétation des comportements d’autrui par l’attribution erronée d’intentions hostiles (Card et Hodges, 2008). En ce sens, il serait pertinent d’utiliser une approche multirépondants, c’est-à-dire solliciter le jeune pour répondre aux questionnaires, mais également d’autres personnes en contact fréquent avec ce jeune telles que les enseignants (Card et Hodges, 2008). En effet, chaque répondant, jeune ou adulte près du jeune, est susceptible d’apporter de nouvelles informations et une perspective différente de la situation, ce qui permet possiblement d’obtenir un portait plus complet de la situation de victimisation vécue

(Card et Hodges, 2008). Ainsi, pour combler cette limite identifiée dans la littérature, les chercheurs devraient tenter pour les prochaines études d’utiliser une approche multirépondants pour mesurer la victimisation par les pairs.

Une quatrième limite est liée au fait que dans une seule étude les chercheurs ont utilisé à la fois des mesures autorapportées et observationnelles pour mesurer la désorganisation sociale du quartier (Schumann et al., 2014). D’ailleurs, Skogan (2015) identifie également cette limite dans la littérature sur la désorganisation sociale, c’est-à-dire qu’il dénote que peu de chercheurs utilisent ces deux méthodes de collecte de données conjointement pour documenter la désorganisation sociale du quartier. Pourtant, l’utilisation de ces deux types de méthode de collecte de données au sein d’une même étude permettrait de voir si l’association entre la désorganisation sociale du quartier et la victimisation par les pairs diffère selon la mesure utilisée. En ce sens, afin de combler cette limite de la littérature, les prochaines études devraient comprendre les deux types de mesure (perceptuel et observationnel) afin de mieux comprendre l’association entre la désorganisation sociale du quartier et la victimisation par les pairs.

Enfin, une dernière limite concerne le peu de chercheurs qui ont tenté de comprendre le rôle des problèmes de conduites dans l’association entre la désorganisation sociale du quartier et la victimisation par les pairs. En effet, dans seulement deux études les chercheurs ont inclus dans leurs analyses sur la victimisation par les pairs des variables prédictives associées aux problèmes de conduites telles que l’autocontrôle (Holt et al., 2014), la délinquance et l’affiliation à des pairs déviants (Cho, 2017). Pourtant, les résultats de l’étude de Cho (2017), décrits précédemment, indiquent la possibilité d’une médiation puisque l’association entre la désorganisation sociale et la

victimisation par les pairs devient non significative lorsque ces variables associées aux problèmes de conduites sont considérées dans le modèle hiérarchique linéaire (Baron et Kenny, 1986). De plus, le niveau de connaissances actuel sur les relations entre ces trois variables, présenté dans la problématique et appuyé par les résultats présentés dans cette recension, permet de postuler cette médiation. En ce sens, il serait pertinent dans les études futures d’étudier le rôle médiateur des problèmes de conduites dans l’association entre la désorganisation sociale du quartier et la victimisation par les pairs puisqu’ils sont fortement associés à ces deux variables.