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1.4 Génération de peignes par modulation électro-optique

1.4.3 Limites et contournements

Jusqu’à présent, nous avons abordé en majorité les avantages des montages basés sur la modulation électro-optique d’un laser continu. Toutefois, ceux-ci possèdent également des désavantages comparés à des montages plus traditionnels comme ceux à base de lasers femtosecondes. Dans cette partie, nous allons mettre en évidence certaines limites des montages basés sur des MEOs et les moyens possibles pour les contourner.

1.4.3.1 Longueur d’onde de travail

De nos jours, les MEOs sont majoritairement basés sur du niobate de lithium LiNbO3 qui possède une bande de transparence du visible jusqu’à environ 5 µm. Cependant, pour obtenir une modulation électro-optique efficace, les MEOs doivent être optimisés dans leur designs (guides, etc.), ce qui restreint la gamme spectrale dans laquelle ils peuvent opérer. Bien qu’un MEO pourrait opérer en dehors de la région qui lui est assignée, celui-ci ne sera alors pas optimisé et son efficacité risque de décroître : un voltage Vπ plus élevé sera nécessaire, le taux d’extinction sera plus faible, etc. Ces désavantages indiquent que pour générer un peigne à une longueur d’onde donnée, le MEO doit être choisi en accord. Les MEOs disponibles ne possèdent cependant pas une gamme continue d’opération. Ceux-ci ayant été utilisé en premier lieu pour les télécommunications, les plages spectrales disponibles sont indexées sur les bandes des télécommunications et il est donc possible de trouver des MEOs dans la première bande des télécoms autour de 900 nm, dans la bande O alentour à 1300 nm, dans la bande C+L alentour à 1550 nm et aux alentours de 2000 nm.

Bien qu’il serait possible de concevoir un MEO optimisé à toute longueur d’onde, l’effet électro-optique décroît en fonction de la longueur d’onde. Ainsi, il est donc complexe d’obtenir un MEO efficace dans le moyen infrarouge. Cependant, des études ont montré qu’il est possible d’obtenir de tels MEOs si les matériaux sont modifiés, comme en utilisant du Si-on-LiNbO3 [104], ou du phosphore noir [105]. En parallèle, il est possible d’accéder à certaines longueurs d’onde par conversion non-linéaire du peigne après sa création. Par exemple, des cristaux ou des guides peuvent être utilisés pour générer des harmoniques ce qui donne des peignes dans le domaine visible [106–109]. D’autre part, des phénomènes de mélanges d’ondes peuvent être utilisés ce qui permet d’atteindre le moyen infrarouge [110–112].

De plus, convertir un peigne peut être plus intéressant que de l’élargir, notamment pour des décalages en fréquences élevés mais aussi car un élargissement spectral peut poser des problèmes comme nous le verrons dans la partie suivante. Différentes études ont été réalisées sur la conversion de peignes par effet non-linéaire et ceux-ci sont schématisés à la Figure 1.19. Étant donné que deux études différentes seront effectuées sur ces phénomènes de conversion, nous les introduisons ici.

νccc I ν χ(2) et/ou χ(3) (a) 2ν 3ν νs νi νp I ν χ(2) (b) νp− νi νs νp νi I ν χ(3) (c) 2νp− νi

Figure 1.19 – Schéma montrant différents phénomènes non-linéaires utilisables pour convertir un peigne. (a) Géné-ration d’harmoniques, (b) généGéné-ration par différence de fréquences et (c) mélange à quatre ondes dégénéré.

Génération d’harmonique Une première approche pour convertir un peigne est d’utiliser la génération d’harmonique dans un cristal, ce qui permet d’atteindre de plus hautes fréquences et donc typiquement le domaine visible. Par exemple, la génération de seconde harmonique que nous avons déjà abordée peut être réalisée en utilisant un cristal de beta-barium borate [108], des cristaux en LiNbO3 polarisés périodiquement (PPLN) [106,107], ou encore des guides d’onde [109]. Dans le second cas, uniquement un quasi accord de phase est disponible et l’intensité de seconde harmonique augmente linéairement avec la longeur du cristal. Si une puissance suffisante est disponible et si le cristal est correctement taillé, de plus hautes harmoniques peuvent être générées en utilisant des effets non-linéaires du troisième ou du quatrième ordre [106]. Notons que pour la n-ième harmonique générée, le peigne aura une largeur n fois supérieure à celle du peigne initial.

Génération par différence de fréquences Un autre effet disponible est la génération par différence de fréquences (GDF) qui est un phénomène non-linéaire du second ordre. Ici, un laser continu de fréquence νpjoue le rôle de pompe, un peigne de fréquence centrale νi joue le rôle d’idler et par différence de fréquences, un signal de fréquence νspeut être généré suivant la relation νp− νi= νs. La GDF peut être faite en utilisant un cristal, mais une certaine flexibilité peut être acquise en utilisant des PPLNs. Dans ce cas, des signaux peuvent être générés jusqu’à 5 µm (la limite de transparence du LiNbO3), mais le plus grand désavantage est l’utilisation d’un laser continu d’une grande puissance qui peut être coûteux. La GDF est en général utilisée pour atteindre le moyen-infrarouge [110–112], et nous reviendrons sur ce phénomène auchapitre 4dans ce même but.

Mélange à quatre ondes Pour finir, un autre phénomène utilisable pour convertir des peignes est le mélange à quatre ondes qui est un phénomène non-linéaire du troisième ordre. Celui-ci est en général obtenu dans une fibre optique et est alors assimilable à un phénomène d’instabilité de modulation que nous aborderons dans la partie suivante. Ici, le mélange à quatre ondes est dégénéré et le peigne à la fréquence νpjoue le rôle de pompe, un laser continu à la fréquence νi joue le rôle d’idler et un signal à la fréquence νs peut être généré suivant la relation 2νp− νi = νs. Dans ce cas et contrairement au phénomène de GDF, le peigne possédera une largeur double. Notons que l’idler n’est pas nécessairement un laser continu mais peut aussi être un peigne. Sous ces conditions, il est possible que le phénomène se cascade et donc que le peigne converti joue par la suite le rôle de pompe, l’ancienne pompe le rôle d’idler, et donc qu’il y ait création d’un quatrième peigne à 3νp−2νi[113,114]. Notons également que ce phénomène est aussi possible dans des guides d’onde [115]. Ce phénomène sera décrit plus en détails dans lechapitre 3 puisque nous l’utiliserons dans une expérience afin de convertir des peignes aux alentours de 2 µm.

1.4.3.2 Accumulation du bruit de phase

Dans tout système physique, différentes sources de bruit peuvent être gênantes pour la stabilité d’un système mais aussi pour réaliser certaines applications. Ceci est en particulier vrai pour la génération de peignes de fréquences qui requiert un bruit de phase relativement faible. En effet, sachant qu’un peigne est le résultat de l’interférence entre un ensemble d’impulsions, si celles-ci présentent individuellement une fluctuation aléatoire de la phase trop importante (c’est à dire un bruit de phase élevé), alors le spectre ne pourra révéler une structure en forme de peigne. Pour être plus précis, toute source de bruit va restreindre un peigne à acquérir sa forme idéale qui est un ensemble de Diracs. Plus le bruit est important, et plus les dents du peigne se retrouveront élargies [116,117].

Pour mettre en évidence ce phénomène, reprenons l’équation (1.1) où nous avions considéré un train d’im-pulsions idéal sans sources de bruit. La forme du train peut être adaptée pour prendre en compte plusieurs sources de bruit telles qu’un bruit en amplitude ∆A0, un bruit de phase ψ, ou encore un bruit associé à la période de répétition ∆T (aussi appelé jitter temporel). En effectuant ces changements dans l’équation (1.1), la forme du train d’impulsions devient alors :

f (t) =

X

n=−∞

((A0+ ∆A0(t))a(t) cos(ωpt− nϕ)) ∗ δ(t + nT + ∆T (t)))eiψ(t) (1.57) où a est l’enveloppe normalisée de l’impulsion définie sans bruit d’amplitude et dans ce cas, telle que A(t) = A0a(t). Pour les lasers à modes bloqués conventionnels, toutes ces sources de bruit doivent être prises en compte [116,117]. Dans le cas de la génération de peignes avec des MEOs, le bruit de phase est la contribution la plus importante, même si d’autres études telles que sur le jitter temporel ont été rapportées [118,119].

Si uniquement le bruit de phase est pris en compte, l’équation précédente peut être simplifiée et nous avons alors :

f (t) =

X

n=−∞

Dans ce cas, tel que démontré à la référence [116], la densité spectrale de puissance S peut être obtenue et nous avons : S(ω) = | ˜A(ω− ωp)|2 T2 X n=−∞ 2∆ωl (ω− ωn)2+ ∆ωl (1.59) où ∆ωlest la largeur d’une dent du peigne dépendante de ψ et ωn= nωr+ ω0comme défini précédemment. En conséquence, le peigne prend une forme qui dévie de la forme idéale d’un ensemble de Diracs, celle-ci devenant un ensemble de raies lorentziennes. Cette caractéristique d’élargissement des dents peut être très néfaste et ce, en particulier lorsqu’un élargissement spectral du peigne est requis car les nouvelles dents générées voient leur largeur augmenter avec leur indice n [120]. Si l’élargissement des dents devient trop important, c’est à dire si trop de bruit de phase s’accumule sur les nouvelles dents générées, le peigne perd alors sa structure car la cohérence se dégrade en n2 [121, 122].

Ce problème d’accumulation du bruit de phase a été mis en évidence par Ishizawa et al. de manière théorique, et des mesures ont permis d’observer le phénomène [123]. Dans le cas d’un montage utilisant un MI, il est possible de mettre en évidence ce phénomène et d’observer ses conséquences. La Figure 1.20montre l’exemple d’un élargissement spectral dans une fibre optique où un peigne de fréquences initialement généré avec un générateur RF possédant soit un haut ou un bas bruit RF. Le choix d’un haut bruit RF est fait en dégradant intentionnellement la partie électrique du montage, notamment en choisissant des paramètres non adaptés pour le générateur de tension sinusoïdale. Dans ce cas, nous pouvons observer que le peigne possède une structure qui n’est pas uniforme sur toute sa largeur spectrale (Figure 1.20a et Figure 1.20c), tandis que dans le cas où le générateur délivre un bas bruit RF, les dents du peigne peuvent être observées uniformément sur toute sa largeur (Figure 1.20betFigure 1.20d).

(a) −200 −100 0 100 200 −50 −40 −30 −20 −10 0 Décalage en fréquence (GHz) Puissance (dB) Sortie Entrée (b) −200 −100 0 100 200 −50 −40 −30 −20 −10 0 Décalage en fréquence (GHz) Puissance (dB) −80 −70 −60 −50 −40 −26 −24 −22 −20 −18 −16 −14 (c) Décalage en fréquence (GHz) Puissance (dB) −80 −70 −60 −50 −40 −40 −30 −20 −10 (d) Décalage en fréquence (GHz) Puissance (dB)

Figure 1.20 – Spectre optique enregistré avec une résolution de 5 MHz montrant l’élargissement spectral d’un peigne généré avec un modulateur d’intensité piloté par un générateur RF possédant un (a) haut et (b) bas bruit de phase. (c) et (d) sont des zooms respectifs de (a) et (b) montrant la structure du peigne de sortie et ses limitations.

De ces simples expériences et observations, il est clair que le bruit de phase joue un rôle important dans l’élargissement d’un peigne de fréquences. En conséquence, il convient de contrôler ce bruit et plusieurs solutions

ont été étudiées, notamment à base de rétro-contrôles sur la génération du peigne [121,122,124,125]. Cependant, ces techniques sont relativement coûteuses en matériel (utilisation de cavités Pérot-Fabry par exemple) et complexes à mettre en place. Dans notre cas, pour des raisons de simplicité, nous ne mettrons pas en place de moyens particuliers pour éviter l’accumulation du bruit de phase, mais nous ferons attention à ce que celui-ci ne deviennent pas gênant pour les expériences que nous devons effectuer.