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2 ANALYSE DU CADRE LÉGAL

2.3 Analyse du cadre légal et de la doctrine

2.3.3 Limites du cadre législatif actuel

Bien que le cadre législatif actuel donne des pouvoirs et devoirs aux municipalités, ainsi qu’aux gouvernements fédéral et provinciaux, c’est bel et bien aux niveaux local et provincial que l’application de règles concernant les milieux humides est faite. Ce partage de compétences, notamment dans l’application de la PPRLPI, est parfois complexe et confondant pour les acteurs municipaux ainsi que pour les citoyens.

Nous l’avons noté à la sous-section 2.2.1, il y a une différence entre la façon de traiter une demande touchant un milieu humide isolé ou un milieu humide adjacent à un lac ou un cours d’eau. Cette nuance est très importante, car lorsqu’un milieu humide est en lien hydrologique avec un cours d’eau ou un lac et que la demande de travaux est faite pour une autre fin que celles analysées par le MDDELCC (fins municipales, commerciales, industrielles, publiques ou d’accès public), alors c’est à la municipalité locale d’appliquer sa règlementation (la PPRLPI intégrée au règlement de zonage). Les municipalités ne peuvent alors autoriser aucun projet touchant au littoral d’un cours d’eau ou d’un lac (sauf quelques exceptions prescrites dans la PPRLPI). De plus, elles n’ont pas les mêmes pouvoirs que le MDDELCC, et ne pourraient exiger des mesures de compensation.

Dans la MRC PDH, la cartographie détaillée des milieux humides inventorie majoritairement des milieux humides ayant un lien hydrologique avec un cours d’eau ou un

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lac. C’est la topographie accidentée du territoire qui expliquerait cet état de fait. Les tourbières minérotrophes représentant 21 % des milieux humides de la MRC PDH (CIC et MDDELCC, 2016) sont de parfaits exemples de milieux humides connectés (autrefois appelés « ouverts »).

En outre, pour délimiter la ligne des hautes eaux12, la PPRLPI propose quatre méthodes de délimitation, dont deux méthodes botaniques : la méthode botanique experte et la méthode simplifiée (MDDELCC, 2015a). Généralement, la méthode simplifiée est utilisée par les professionnels habiles à délimiter la ligne des hautes eaux. C’est une méthode simple et peu chère. Cependant, avec cette méthode, il est extrêmement difficile d’établir une ligne des hautes eaux d’un lac ou cours d’eau versus un milieu humide connecté à un de ces milieux hydriques. Où commencent et où finissent le littoral ou la rive? Et où commence et où finit le milieu humide? De plus, étant donné que la délimitation d’une ligne des hautes eaux n’est pas un acte réservé aux biologistes, tout professionnel plus ou moins compétent en botanique (géographe, urbaniste, arpenteur, etc.) peut effectuer ce travail.

L’ensemble de ces facteurs fait en sorte qu’en très grande majorité, les milieux humides connectés à un cours d’eau ou un lac sont considérés comme étant le prolongement du littoral de ces derniers. Aussi, pour toute demande faite à la municipalité pour des travaux dans un de ces milieux humides en lien hydrologique, la réponse devrait toujours être négative, si la finalité du projet est résidentielle ou privée (MDDELCC, 2015a). En effet, dans un tel cas, la PPRLPI interdit tous travaux (sauf quelques exceptions) dans le littoral d’un cours d’eau ou lac pour des fins privées. Néanmoins, lorsque le projet est à une des cinq fins prises en charge par le MDDELCC, alors la municipalité n’est plus concernée et le ministère pourrait, dans l’absolu, autoriser le projet. Il n’en reste pas moins que le MDDELCC demande très souvent une délimitation de la ligne des hautes eaux par une méthode botanique experte. Donc, un milieu humide connecté à un cours d’eau qui pouvait

12 Selon la PPRLPI « La ligne des hautes eaux se situe à la ligne naturelle des hautes eaux, c’est-à-dire à l'endroit où l'on passe d'une prédominance de plantes aquatiques à une prédominance de plantes terrestres ou, s'il n'y a pas de plantes aquatiques, à l'endroit où les plantes terrestres s'arrêtent en direction du plan d'eau » (MDDELCC, 2015a).

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être considéré comme le prolongement du littoral de ce dernier, si la méthode simplifiée avait été utilisée, pourrait devenir un milieu humide isolé. Alors le MDDELCC pourrait demander une compensation pour la perte du milieu humide. Le MDDELCC pourrait également demander une compensation pour le milieu hydrique qui serait touché par les travaux.

Avec l’adoption de la Loi concernant des mesures de compensation pour la réalisation de

projets affectant un milieu humide ou hydrique, le risque de perte nette de milieux humides

ou hydriques est amoindri. Cependant, il ne faut pas oublier que la LQE fonctionne selon le principe d’autorisation et non pas de permis. Une demande de certificat d’autorisation pourrait toujours être acceptée ayant pour conséquence la perte de milieux humides de grande richesse. La séquence d’atténuation « éviter-minimiser-compenser » est un principe louable, mais elle ne garantit pas le maintien d’une trame de milieux humides de forte valeur écologique, culturelle, économique ou récréative. Elle ne tient pas non plus compte des fonctions et des biens et services écologiques des milieux humides.

La jurisprudence, et plus particulièrement le jugement dit Nova Rosa (Cour d’appel du Québec, 2013) fait en sorte que désormais de nombreux projets auparavant potentiellement réalisables par le biais d’un certificat d’autorisation du MDDELCC, ne le sont plus, les municipalités ne pouvant pas les autoriser. Le risque de perte de milieux humides dans le cas d’un projet de développement domiciliaire (le cas le plus fréquent dans la MRC PDH) se situe donc davantage dans la caractérisation de la ligne des hautes eaux. Un milieu humide apparemment en lien hydrologique, mais qui, après application de la méthode botanique experte, ne l’est pas, est un milieu humide menacé par un développement domiciliaire. En effet, il n’est pas protégé en vertu du règlement de zonage, et bien que la finalité soit résidentielle, c’est un milieu humide isolé, donc traité par le MDDELCC. Ce dernier, bien que cela ne soit assurément pas leur premier choix, pourrait renoncer à protéger ce milieu humide.

Un plan de conservation des milieux humides répond très certainement à cette problématique (Joly et al., 2008). En évaluant la valeur de chaque milieu humide, il est plus aisé de voir quels sont ceux qu’il faut absolument conserver et ceux qui peuvent être

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sacrifiés. L’adoption de règlements municipaux concernant les milieux humides isolés peut aussi être une solution. Elle peut, par contre, être contreproductive pour les municipalités. En effet, en voulant protéger ces milieux humides isolés, le risque est d’appliquer une solution drastique à tout le territoire sans prendre en compte la valeur des milieux humides les uns par rapport aux autres. C’est une solution provisoire, difficilement applicable à long terme, compte tenu des possibles aléas et changements de « cap » politiques dans les municipalités locales.

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