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B. Approche mécanique

2. Limites

Les résultats sur une échelle de 12 patients montraient une erreur moyenne de 19,3 ms pour la prédiction de la durée des QRS, plus importante que celle des modèles présentés par SEEGERER et KAYVANPOUR. Plusieurs hypothèses peuvent expliquer l’imperfection de notre modélisation électrique.

a) Absence d’IRM

L’inclusion de modèles électriques sans connaissance des zones de fibrose du fait de l’absence de données IRM pouvait mener à des erreurs dans la prédiction du front d’onde de dépolarisation par la théorie des graphes et donc de l’ECG 12 dérivations virtuel. Cette hypothèse est corroborée par le traitement des résultats en sous- groupe puisque le coefficient kappa des patients disposant d’une IRM est de 0,64 pour la prédiction du sens de variation des QRS contre -0,27 pour le groupe sans IRM.

b) Modèle anatomique échographique ou IRM

La constitution du modèle anatomique était réalisée prioritairement à partir des données IRM ou à défaut à partir des acquisitions échographiques tridimensionnelles. L’IRM myocardique restant le gold standard pour l’appréciation des volumes VG et de la fraction d’éjection, l’hypothèse que les modèles anatomiques basés sur l’échographie sont sources d’erreur pour la cartographie électrique peut être posée. Dans notre population, les modèles IRM bénéficiaient systématiquement de la localisation des zones de fibrose contrairement aux modèles échographiques choisis par défaut, rendant impossible la comparaison directe des deux types de modélisation. Il pourrait être intéressant de créer un deuxième modèle échographique avec les zones de fibroses pour les patients ayant déjà un modèle IRM afin de comparer les deux techniques.

61

c) Modélisation du torse

L’obtention d’un ECG 12 dérivations virtuel s’appuyait sur la modélisation d’un torse. Dans le cas des modèles IRM, les images scouts dans les 3 axes permettaient la création d’un torse virtuel aux proportions respectées avec un positionnement du cœur fiable. Pour les modèles échographiques, des proportions standards du torse étaient appliquées avec un positionnement du cœur à l’appréciation de l’ingénieur. La modélisation du torse, peu reproductible pour les modèles échographiques, était probablement à l’origine d’imprécisions pour l’ECG virtuel estimé.

d) Délimitation des zones de fibrose

Pour le cas numéro 13, patient porteur d’une cardiopathie ischémique avec une large séquelle akinétique à l’échographie, la modélisation s’appuyait sur les acquisitions échographiques. Les ingénieurs ont dans un premier temps considéré les segments akinétiques comme zone de nécrose sans conduction électrique intrinsèque. Les résultats étaient peu comparables aux valeurs observées. Après modification des paramètres électrique de la zone akinétique et l’application d’une conduction à basse vélocité, la cartographie électrique semblait plus fiable avec un ECG virtuel plus proche des valeurs observées. Cette séquelle akinétique semble donc n’être pas entièrement constituée d’une nécrose transmurale. Cet exemple illustre l’intérêt de l’IRM par la nécessité d’une connaissance précise du type et de la taille des zones séquellaires dans les cardiopathies ischémiques.

e) Complexes de fusion

Le modèle électrophysiologique prenait en compte la fusion possible des fronts d’ondes de dépolarisation initiés par les voies de conduction nodo-hissiennes et par les sondes de stimulation en fonction du DAV. Dans plusieurs cas, il a été observé une meilleure prédiction électrique en désactivant complètement le front d’onde provenant des voies nodo-hissiennes. Une meilleure compréhension du mécanisme de la fusion électrique semble nécessaire à l’évolution de la technique de modélisation.

B.

Approche mécanique

1. Revue de littérature

Il n’existe pas d’étude comparable prédisant par un modèle personnalisé basé sur des données non-invasives la réponse mécanique à la stimulation par une CRT. En 2012 l’équipe de SERMESANT 31 a décrit un modèle personnalisé basé sur des données invasives (IRM associée à une cartographie électrophysiologique endocavitaire et à une mesure des pressions intracardiaques par cathétérisme) permettant d’évaluer la prédiction de la réponse mécanique à la stimulation par CRT. Pour les deux patients testés, les modèles

62 reproduisaient avec précision (erreur moyenne de 47,5mmHg/s) la fonction systolique observée par cathétérisme et estimée par la dP/dt.

2. Limites

Dans notre étude, la variation prédite du VES et de la FEVG était peu corrélée aux valeurs observées. La corrélation entre variation de dP/dt prédite et mesurée sur les modèles électriquement concordants était correcte à 0,75. Plusieurs mécanismes pouvaient expliquer ces résultats.

a) Imperfection du modèle électrique

La première cause à évoquer afin d’expliquer les prédictions non corrélées du modèle mécanique est l’imperfection du modèle électrique. La construction du modèle mécanique s’appuyant sur la cartographie électrique, son imprécision aura pour conséquence des erreurs dans la prédiction de la cinématique. Les progrès du modèle électrique devraient être à l’avenir associés aux progrès du modèle mécanique.

b) Evaluation de la fonction systolique échographique

Les variations instantanées attendues de la fonction systolique étant minimes, une bonne précision de la technique d’évaluation de la fonction systolique est indispensable. Cette évaluation était associée aux limites des techniques échographiques pour la mesure des volumes. Le volume d’éjection systolique devait malgré tout être évalué par échographie 3D, ITV sous-aortique et débit couleur 3D selon la réalisabilité. Les valeurs étaient ensuite moyennées. La faible variation des VES mesurée (0,6 ml, 6,0 ml et 5,0 ml respectivement pour la stimulation VD, VG et BiV) confirme le risque lié à l’imprécision de la technique échographique.

Cette hypothèse était corroborée par les prédictions correctes de la dP/dt, technique d’évaluation plus précise que la mesure du VES ou de la FEVG.

c) Mesure tensionnelle au brassard pour les paramètres hémodynamiques

La prédiction des paramètres hémodynamiques s’appuyait sur une mesure au brassard de la tension artérielle du fait du choix d’une approche non invasive. Des imprécisions liées à la technique 42 et à la variabilité des tensions au cours de l’examen peuvent être évoquées.

Pour les modèles échographiques, les paramètres hémodynamiques pourraient être évalués par Doppler pour plus de précision.

d) Position des sondes

La prédiction de la réponse à la CRT dépendait enfin de la position des sondes VD et VG. Le recueil du positionnement se faisait à partir du compte-rendu de l’intervention et de la relecture des radiographies de thorax par un rythmologue confirmé. Il donnait le positionnement sur la segmentation AHA de la sonde VG et le

63 positionnement septal, apical ou au niveau du plancher de la sonde VD. Des imprécisions pouvaient exister du fait de la difficulté à distinguer ces zones à partir des seules images de scopie et de radiographie de thorax.

e) Variabilité temporelle des conditions de charge

Le volume d’éjection systolique peut varier dans le temps à la faveur des modifications de la fréquence cardiaque ou de tension artérielle. L’IRM cardiaque et les acquisitions échographiques n’étant pas réalisées de manière contemporaine, les volumes de base IRM et échographiques pouvaient être différents entrainant des imprécisions pour les corrélations quantitatives volumiques.

C.

Interdépendance des paramètres modélisés

La modélisation nous permettait de rechercher une interdépendance entre les paramètres électriques et mécaniques. Il semblait exister une association entre l’affinement du QRS obtenu par la stimulation et la progression de la valeur de la dP/dt. Il n’y a pas d’étude, à notre connaissance, ayant testé l’interdépendance de ces paramètres en post-implantation précoce.

Cette association semble logique puisque l’affinement des QRS traduit la diminution de l’asynchronisme ventriculaire, lui-même partiellement responsable de la dysfonction systolique.

La mise en évidence de cette tendance illustre l’apport de la modélisation cardiaque pour l’étude « virtuelle » et la compréhension des mécanismes physiopathologiques.

D.

Evolution de la technique de modélisation

Les optimisations à appliquer à la technique de modélisation seraient donc les suivants : - Réalisation systématique d’une IRM pour l’obtention des zones de fibrose,

- Personnalisation de l’orientation des fibres myocardiques par l’IRM sur les modèles anatomiques,

- Choix d’un modèle IRM, ou si choix d’un modèle échographique, application des zones de fibrose et travail sur la modélisation du torse,

- Meilleure connaissance des célérités myocardiques et dans les zones de fibrose, - Paramètres hémodynamiques basés sur le Doppler,

- Multiplication des paramètres d’évaluation de la fonction systolique en favorisant la dP/dt comme critère de jugement principal.

La prochaine étape est l’amélioration de la technique de modélisation électrique indispensable à l’obtention de résultats mécaniques cohérents.

L’inclusion dans notre centre de l’ensemble des patients bénéficiant de l’implantation d’une CRT et possédant une IRM myocardique pourrait permettre à l’avenir de poursuivre l’amélioration de la technique de modélisation. L’inclusion et l’étude de cardiopathies

64 ischémiques pourraient permettre de mieux préciser les célérités et le comportement des zones de fibrose.

La dernière étape de la progression de la modélisation cardiaque pour la CRT sera la prédiction de la réponse à long terme avec la prise en compte du remodelage lié la stimulation permanente. Outre la connaissance de la réponse cardiaque à la CRT, les progrès dans la technique de modélisation permettront à l’avenir une meilleure compréhension physiopathologique des mécanismes du remodelage ventriculaire dans l’insuffisance cardiaque, encore incertains.

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