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Effets des pucerons sur la plante 

Nous n’avons étudié l’interaction que dans un sens, l’effet de la plante sur la

performance des pucerons ; mais nous n’avons pas évalué les possibles effets des pucerons sur la croissance et la physiologie de la plante hôte.

L’objectif principal de notre étude était de déterminer si les effets de l’eau et de l’azote

sur la performance des pucerons sont médiés par une modulation de la croissance végétative de la plante hôte. Par conséquent, nous avons mis l’accent sur la caractérisation de la croissance végétative de nos arbres pour la mettre en relation avec les abondances de pucerons. Cependant

la limite de ce raisonnement est qu’il considère comme négligeable l’impact des pucerons sur

la croissance végétative. De fait, l’absence d’arbres non infestés nous prive de la possibilité

Figure 7-3: Croissance de rameau d'un an de pêcher en fonction de l'intensité de taille d'hiver: LP Low Pruning intensity, MP Moderate Pruning intensity, HP High Pruning intensity. (A) 2005 sans puceron, (B) 2006 sans puceron ; (C) 2005 avec pucerons ; (D) 2006 avec pucerons (Figure extraite de (Grechi et al. 2008))

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d’évaluer l’impact des pucerons sur la plante. La croissance végétative que nous avons mesurée

est la résultante de la vigueur initiale moins l’impact des pucerons. Or l’étude de Grechi et al.

(2008) sur pêcher-M. persicae a montré que l’infestation par les pucerons réduisait les différences de croissance entre les pêchers subissant différentes modalités de taille hivernale (Figure 7-3). L’infestation cause une réduction moyenne de l’élongation de 18 et 35% en 2005 et 2006 respectivement (Grechi et al. 2008). Sur le système pommier -D. plantaginea un impact négatif des pucerons sur la surface foliaire a été démontré (De Berardinis et al. 1994). Des réductions de croissance liées aux populations de pucerons ont également été mises en évidence sur des systèmes herbacés : Vigna unguiculata - Aphis craccivora (Agele et al. 2006) et

Medicago sativa - Acyrthosiphon pisum (Girousse et al. 2003). Zvereva et al. (2010) dans leur

méta-analyse tendent à confirmer la généricité de ce résultat, puisqu’ils mettent en évidence

que les insectes suçeurs de sève diminuent en moyenne la croissance de 29%, et provoquent peu de croissance compensatoire, ce qu’ils relient à l’effet négatif de ces phytophages sur la

photosynthèse (-27%). Cette conclusion a été confirmée par Simpson et al. (2012) sur choux. Pour ces auteurs la présence de Myzus persicae réduit la photosynthèse, les teneurs en chlorophylle et augmente le potentiel osmotique. En conséquence la croissance des plantes infestées est plus faible que celle des témoins. De même Cabrera et al. (1995) montrent que le potentiel hydrique et la résistance stomatique de plantules d’orge sont modifiés par le stress

hydrique, mais également par l’infestation du puceron Schizaphis graminum. De plus,

l’infestation avec un nombre important de pucerons provoque une augmentation de la

concentration en proline et des diminutions de la concentration en chlorophylle (-55%), des

concentrations en carbohydrates solubles et des taux d’assimilation du CO2 (-26%) (Cabrera et

al. 1995).

Le fait que les pucerons aient un impact fort sur le statut hydrique des plantes (Cabrera et al. 1995; Simpson et al. 2012) explique peut-être la difficulté de mise en relation des mesures physiologiques du statut hydrique des arbres avec le traitement hydrique dans notre étude. Par

ailleurs l’impact des pucerons sur la croissance diminue probablement les écarts de croissance

entre traitements (Figure 7-3). Thigmomorphogénèse 

Ce dispositif expérimental interroge sur la pertinence de mesures répétées sur les arbres,

ce qui est par ailleurs le cas dans nombre d’études expérimentales. Cette manipulation répétitive

non destructive des plantes peut en effet provoquer des réponses face aux stimuli mécaniques,

qu’on regroupe sous le terme thigmomorphogénèse. Ainsi la stimulation mécanique a été

montrée comme augmentant la ramification chez le rosier, ce qui provoque un port plus compact (Morel et al. 2012). Un essai sur les 3 menés dans le cadre d’une étude sur poivron a

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montré une diminution de l’élongation de la tige et une augmentation de la concentration en

azote (Kläring 1999). Une autre étude a montré que les mesures répétées pouvaient réduire

jusqu’à 50% la biomasse des plantes observées et que l’effet était variable selon les espèces

(De Boeck et al. 2008). L’étude de Markovic et al. (2014) a montré qu’un stimulus mécanique

(passage d’un pinceau sur les feuilles) de 1 minute par jour pendant 6 jours réduit

significativement l’acceptabilité de plants de maïs et de haricot pour les pucerons,

Rhopalosiphum padi et Aphis fabae respectivement. Le stimulus mécanique modifie non

seulement la croissance de la plante hôte, mais également d’autres aspects, puisque les pucerons

sont moins attirés par les composés volatils des plantes ayant subi les stimuli (Markovic et al. 2014). Ainsi afin de limiter les interférences avec les processus étudiés, il serait sans doute judicieux d’espacer davantage dans le temps certaines mesures qui impliquent une manipulation forte des plants expérimentaux. Pour exemple, les mesures de croissance pourraient être réalisées toutes les 2 semaines au lieu de toutes les semaines.

Impacts  des  contraintes  abiotiques  sur  le  troisième niveau trophique 

Nous n’avons considéré que deux niveaux

trophiques : la plante et l’insecte phytophage grâce à la

réalisation de l’essai sous tunnel insect-proof (Figure

7-4). Or les contraintes abiotiques subies par la plante hôte peuvent également altérer la performance des espèces des niveaux trophiques supérieurs. Sur coton par exemple, la restriction des apports en eau et des apports non optimum en azote (en excès ou en restriction) altèrent l’attraction du parasitoïde de

Spodoptera exigua (Lepidoptera),Microplitis croceipes

via une réduction de l’émission de composés volatils

attractifs (Hymenoptera, Braconidae) (Olson et al. 2009). Low et al. (2014) ont montré que la disponibilité en nutriments augmentait la qualité nutritionnelle et

l’émission d’huiles essentielles volatiles d’Eucalyptus

Figure 7-4: Système étudié dans le cadre de cette thèse

Chapitre 7: Discussion générale

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tereticonis. Parmi ces huiles, le 1,8-cinéol augmente la prédation, ce qui peut réduire voir

annuler l’effet bénéfique de l’amélioration de la qualité nutritionnelle de l’hôte sur la

dynamique de population de lépidoptères (Low et al. 2014). La vigueur de la plante hôte Typha

latifolia est positivement corrélée à la taille des parasitoïdes de différentes chenilles

phytophages : Nonagria typhae et Archanara sparganii (Teder and Tammaru 2002). Dans un contexte de contrôle de ravageurs en verger, un impact sur la performance des ennemis naturels

peut être décisif sur l’efficacité du contrôle.