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9.4 Mesure du bruit de grenaille

9.4.1 Limite forte tension

Nous allons nous intéresser, dans un premier temps, au cas où la ten- sion est très supérieure à la température. La bande passante choisie pour intégrer le signal est de 4kHz, centrée autour de 6kHz : cela nous permet d’éviter le bruit basse fréquence des appareils de mesure, et le bruit acous- tique, beaucoup plus important en-dessous de 2kHz. Le temps d’acquisition est de 1500s, soit 3000 moyennages.

Résonance parfaite

Nous avons d’abord effectué une série de mesures sur la résonance par- faite de la figure 9.6. Les résistances différentielles ont été choisies égales à 0.29e2/h, 0.26e2/h et 0.22e2/h(la valeur du plateau Hall est de 0.33e2/h), correspondant aux chemins A, B et C.

La figure 9.10 représente le bruit en courant en fonction du courant de rétrodiffusion, pour une résistance différentielle de 0.29e2/h, et à une tempé-

7D’autres auteurs ont observé la loi en V2

ds pour le tunneling dans un liquide de Lüt-

rature de 25mK. La valeur du bruit à courant nul (5.32·10−28A2/Hz) est due aux bruits en courant des amplificateurs et au bruit en tension de la source de tension. Les barres d’erreurs correspondent à l’incertitude attendue compte tenu du nombre d’acquisitions et du calcul de la corrélation. La tension de polarisation varie de 40µV à 78µV , tandis que la tension de grille change de −170.5mV à −178.5mV pour garder la résistance différentielle constante. On voit que le bruit varie quasi-linéairement avec le courant : on mesure donc bien du bruit de grenaille (c’est le seul bruit qui a une variation linéaire en courant). La droite en tirets représente le bruit attendu pour des quasipar- ticules de Laughlin, SIB = 2e

I

B : l’accord entre les points expérimentaux et la droite est excellent. À titre de comparaison, la droite en pointillés indique la variation de bruit attendue pour du tunneling d’électrons, SIB = 2eIB.

Lorsqu’on augmente la tension de polarisation, le taux de rétrodiffu- sion, R = IB/ (eVds/3h), augmente de façon quasi-linéaire depuis 4% jusqu’à environ 30%. L’hypothèse de bruit poissonien devient de moins en moins valable, et des déviations sont effectivement observées à la droite théorique. Comme nous l’avons vu dans le paragraphe précédent, il n’est pas possible de calculer analytiquement un facteur de réduction aussi simple que pour des fermions. Cependant, on peut supposer que la réduction du bruit est aussi due à un principe d’exclusion, et il peut sembler raisonnable que la première correction au bruit poissonien soit en (1 − R), du moins tant que le tunneling d’électrons est négligeable. Nous avons donc reporté les mêmes points expé- rimentaux, mais cette fois en fonction de IB(1− R). Ce sont les triangles sur la figure 9.10 : compte tenu des incertitudes expérimentales, on voit que ce simple facteur (1 − R) rend bien compte des déviations au bruit poissonien. Encore une fois, il n’y a pas de calcul théorique qui puisse rendre compte de ce facteur, et il n’est pas sûr qu’il reste pertinent pour des taux de réflexion encore plus forts.

Nous avons refait la même mesure en faisant varier la résistance diffé- rentielle. La figure 9.11 représente le bruit en courant en fonction du cou- rant de rétrodiffusion, pour deux autres valeurs de la résistance différen- tielle, Gdif f = 0.22e2/h et Gdif f = 0.26e2/h, correspondant aux chemins B et C sur la figure 9.6. On trouve encore que le bruit mesuré correspond à un bruit de quasiparticules de Laughlin (droites en tirets), et non à un bruit d’électrons (droites en pointillés). De même, le simple facteur (1 − R) rend bien compte des déviations observées lorsque le taux de réflexion augmente. Il semble donc établi que le bruit en régime d’effet Hall quantique fraction- naire est bien dû au tunneling de quasiparticules de charge e/3. Nous avons ensuite vérifié que ce résultat est indépendant de la configuration précise du tunneling, et de la température, toujours dans la limite poissonienne.

Variation de la configuration de tunneling

En utilisant le contrôle indépendant des deux grilles du point-contact, on peut faire varier le chemin de tunneling des quasiparticules en déplaçant latéralement la constriction.

La figure 9.12 représente la résistance différentielle en fonction de la ten- sion de grille, à 25mK, après que l’on a désaccordé la résonance. Celle-ci n’est plus parfaite : la conductance ne remonte plus jusqu’à e2/3h, et le contraste est beaucoup moins bon. Nous avons mesuré le bruit en courant dans cette configuration, en suivant le chemin indiqué par une droite en tirets. Le fait que l’on ne retrouve plus du tout la même trace en fonction de la tension de grille indique que la configuration de tunneling des quasiparticules a changé : en effet, la forme précise des résonances dépend des interférences entre les différents chemins de tunneling.

La figure 9.13 représente le bruit mesuré en fonction du courant de rétro- diffusion, pour cette résonance désaccordée, à une valeur de la résistance dif- férentielle Gdif f = 0.24e2/h. La tension appliquée varie entre 78µV et 175µV , tandis que la tension de grille se déplace de −161mV à −177mV . On retrouve encore un excellent accord avec le bruit attendu pour des quasiparticules (droite en tirets), tandis que le bruit que produiraient des électrons est bien supérieur (droite en pointillés).

Cette mesure indique clairement que le bruit, dans la limite poissonienne, ne dépend pas de la configuration précise de tunneling, et en particulier que le facteur 1/3, qui correspond à la charge des quasiparticules de Laughlin, n’est pas dû à un processus de réduction du bruit de grenaille d’électrons. Variation de la température

Nous avons vu que l’on s’attend à un cross-over entre le bruit thermique et le bruit de grenaille. Ici, nous allons nous intéresser à la partie asymptotique de la courbe, c’est à dire Vds À θ. Pour cela, nous avons fait une mesure de bruit en chauffant l’échantillon.

La figure 9.14 représente une mesure du bruit en fonction du courant, pour une résistance différentielle Gdif f = 0.24e2/h, et à une tempéra- ture θ = 150mK. Dans toute cette mesure, on a Vds À θ : on ne s’intéresse donc qu’à la partie asymptotique du bruit de grenaille. Le bruit varie bien linéairement avec le courant, et sa dépendance suit la droite SIB = 2e∗IB. Le

taux de réflexion R = IB/ (e2Vds/3h) augmente lorsque le courant augmente, et vaut 0.28, 0.44 et 0.48 respectivement pour les trois derniers points, ce qui explique les déviations observées à la loi linéaire. Les triangles représentent les mêmes points expérimentaux, mais en fonction de IB(1− R) : on retrouve

alors un accord excellent avec la droite attendue pour les quasiparticules (droite en tirets).

Nous avons montré que le bruit de grenaille en régime d’effet Hall quan- tique fractionnaire est dû à des quasiparticules de Laughlin de charge e/3 : ce sont donc elles qui transportent le courant dans ce sytème [140]. Dans la limite poissonienne, on mesure un bruit : SIB = 2e∗IB. Ce résultat est

indépendant de la configuration particulière de tunneling, et de la tempéra- ture. Lorsque le taux de réflexion R = IB/ (e2Vds/3h) augmente, on trouve des déviations à ce simple bruit poissonien ; expérimentalement, on peut en tenir compte en traçant les points expérimentaux en fonction de IB(1− R). Ce facteur est celui que l’on connait pour des fermions ; cependant, son em- ploi dans le cadre d’un liquide de Lüttinger n’a pas de justification théorique précise.

9.4.2

Transition entre le bruit thermique et le bruit de