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Les lieux de repas les jours de travail : un indicateur des sphères polarisant

Annexe II-4 Planches cartographiques

Chapitre 3 – Quelle durabilité « sociale » révèlent les pratiques de sociabilité et les

2. Les pratiques de sociabilités

2.2 Les lieux de repas les jours de travail : un indicateur des sphères polarisant

Cet indicateur est particulièrement intéressant dans ce qu’il révèle du quotidien et de l’importance accordée respectivement à la résidence et à la famille (manger en famille) et aux sphères professionnelles et amicales (manger avec des collègues ou des amis). Nous opposerons ainsi la sphère domestique reliée à la famille et à la résidence, à la sphère professionnelle et publique reliée aux collègues et aux amis.

Nous serons ici particulièrement attentif à l’effet Île-de-France tant les conditions de transports et la configuration spatiale de la région, avec un pôle centrale regroupant une dizaine de millions de personnes et un périurbain particulièrement dense et ancien, peuvent influer sur le quotidien des habitants.

Manger en famille : une pratique populaire et rurale

Tableau 14 – Fréquence des repas en famille les jours de travail en métropole

Repas en famille les jours de travail

Métropole

Pôles urbains Périurbain

Aires d’emploi

rurales Rural

effectif % effectif % effectif % effectif %

Oui 2923733 21 1280353 26 444151 37 893761 36

Non 10772385 79 3576842 74 756471 63 1575534 64

Champ : individus âgés de quinze ans et plus vivant en ménages ordinaires

Source : Insee, EPCV empilées 1996-2004

Tableau 15 – Fréquence des repas en famille les jours de travail en Île-de-France

Repas en famille les jours de travail

Île-de-France Pôle urbain Périurbain effectif % effectif %

Oui 353352 9 85322 16

Non 3785042 91 444611 84

Champ : individus âgés de quinze ans et plus vivant en ménages ordinaires

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Tableau 16 – Fréquence des repas en famille les jours de travail en province

Repas en famille les jours de travail

Hors Île-de-France

Pôles urbains Périurbain

Aires d’emploi

rurales Rural

effectif % effectif % effectif % effectif %

Oui 2570381 27 1195031 28 444151 37 893761 36

Non 6987343 73 3132231 72 756471 63 1575534 64

Champ : individus âgés de quinze ans et plus vivant en ménages ordinaires

Source : Insee, EPCV empilées 1996-2004

En province, le fait de manger en famille est d’abord une pratique propre au milieu rural et particulièrement aux petites villes. Néanmoins, une véritable coupure sépare l’Île-de-France – où cette pratique est rarissime – de la province, où même les urbains et périurbains mangent beaucoup plus en famille, ce qui est conforme à ce que l’on pouvait attendre (distance-temps pour « rentrer » chez soi plus grande en Île-de-France, offre en restauration rapide plus importante, journée continue pour limiter le temps passé dans les transports). Notons également que le périurbain provincial se rapproche beaucoup plus des pôles urbains que des espaces ruraux, avec une plus faible propension à rentrer chez soi le midi, ce qui renvoie à la polarisation urbaine de l’emploi et aux navettes qui marquent ce milieu.

Globalement cette pratique est dépendante de trois facteurs sociodémographiques qui jouent dans le même sens en province et en Île-de-France, mais avec des intensités parfois différentes.

Tout d’abord le niveau de vie influe, en effet, fortement dans un sens assez logique. Les ménages les plus aisés mangent beaucoup moins en famille que les ménages les plus pauvres. Cette différence entre riches et pauvre varie cependant en amplitude selon les type d’espace (-20 points dans le rural ; -18 points dans le périurbain francilien ; -16 points dans le périurbain provincial ; - 13 points à Paris, les grandes et les petites villes de province étant les moins sensibles avec 5 points seulement d’écart). Cette pratique, impliquant potentiellement des déplacements supplémentaires (surtout pour le périurbain) et contribuant ainsi à un mode de vie fortement émetteurs en CO2 (donc qualifié de « non durable »), semble donc tenir en grande partie à des considérations économiques et aux inégalités sociales qui permettent à certains de déjeuner tous les jours aux restaurants (où à la cantine de l’entreprise ou de l’administration) pendant que les autres pour économiser sur ce plan sont contraints à d’autres coûts de transport souvent sous estimés.

La seconde famille de variable tient au rapport à l’emploi. Tout d’abord à l’investissement dans la sphère professionnelle : le niveau de diplôme (que l’on peut interpréter comme un indicateur du statut que l’on peu occuper dans l’emploi) limite fortement le fait de déjeuner en famille. Mais en province, de façon plus marqué qu’en Île-de-France, c’est aussi le fait d’être salarié, que l’on soit ouvrier ou cadre, qui limitent fortement cette pratique domestique par rapport aux catégories marquées par l’imbrication des sphères professionnelles et familiales (agriculteurs ; artisans, commerçants et chefs d’entreprises). Les premiers sont autour d’un petit quart à manger en famille tandis que chez les seconds, on observe cette

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pratique chez la moitié des enquêtés (56 % pour les agriculteurs, 46 % chez les artisans, commerçants, chefs d’entreprise).

La troisième variable concerne le type de ménages. Nous ne prenons cependant en compte que les ménages actifs et les familles monoparentales, étant donnée la question posée. On observe alors un effet en partie contre-intuitif. On aurait pu penser que le fait d’avoir des enfants prédispose à rentrer chez soi pour étendre le temps passé en famille. Il n’en est rien. En effet, c’est lorsque l’un des deux conjoints ne travaille pas que l’autre rentre le plus déjeuner en famille, surtout quand on n’a pas d’enfants. Ce retour chez soi peut être une pratique enracinée dans la division sexuelle des tâches (la femme au foyer préparant le repas) associé à une gestion économe des dépenses. Mais elle peut aussi relever d’une solidarité de couple (rentrer pour tenir compagnie à celui ou celle qui reste à la maison). Ainsi les couples monoactifs sans enfants sont ceux où la part de ceux qui rentrent déjeuner « à la maison » est la plus importante que l’on soit en ville (49 % en province ; 24 % à Paris), dans le périurbain (51 % en province, 39 % en Île-de-France) ou plus encore en milieu rural (60 % dans les aires d’emploi, 66 % dans le rural). La biactivité affaiblit cette pratique que l’on ait ou non des enfants. Ainsi les contraintes de temps liées aux enfants et les doubles agendas professionnels de la biactivité favoriseraient la journée en continue pour limiter le temps pris pour la pause méridienne et rentrer plus tôt chez soi.

Cependant la périurbanité et l’urbanité ont des effets différents entre l’Île-de-France et la province si on distingue les actifs selon les catégories socioprofessionnelles. En Île-de- France, on mange davantage chez soi quand on est périurbain que lorsqu’on est urbain. Alors qu’en province, la relation est inverse. On peut penser qu’en Île-de-France le desserrement des emplois « rapproche » les périurbains de leur emploi et facilite le retour méridien alors que la plus forte polarisation des emplois et la structure monopolaire des pôles provinciaux désavantage des périurbains, qui doivent donc aller travailler dans le centre en allongeant leur distance entre leur domicile et leur emploi.

Les déjeuners avec des amis ou des collègues : une pratique urbaine et socialement distinctive

Tableau 17 – Fréquence des repas avec les amis ou les collègues les jours de travail en

métropole

Repas avec les amis ou les collègues les jours de travail

Métropole

Pôles urbains Périurbain

Aires d’emploi

rurales Rural

effectif % effectif % effectif % effectif %

Oui 6230600 45 1940264 40 343167 29 711199 29

Non 7465518 55 2916931 60 857455 71 1758096 71

Champ : individus âgés de quinze ans et plus vivant en ménages ordinaires

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Figure 3 – Fréquence des repas avec les amis ou les collègues les jours de travail en province

Repas avec les amis ou les collègues les jours de travail

Hors Île-de-France

Pôles urbains Périurbain Aires d’emploi rurales Rural effectif % effectif % effectif % effectif %

Oui 3791360 40 1667064 39 343167 29 711199 29

Non 5766364 60 2660198 61 857455 71 1758096 71

Champ : individus âgés de quinze ans et plus vivant en ménages ordinaires

Source : Insee, EPCV empilées 1996-2004

Tableau 18 – Fréquence des repas avec les amis ou les collègues les jours de travail en Île-

de-France

Repas avec les amis ou les collègues les jours de travail

Île-de-France

Pôle urbain Périurbain effectif % effectif %

Oui 2439240 59 273200 52

Non 1699154 41 256733 48

Champ : individus âgés de quinze ans et plus vivant en ménages ordinaires

Source : Insee, EPCV empilées 1996-2004

La polarisation du quotidien par la sphère professionnelle et « publique » est une marque francilienne, d’une part, et urbaine et périurbaine, d’autre part. Là encore, l’Île-de-France se distingue avec une très forte propension à déjeuner en dehors de chez soi (+ 19 points entre Paris et les pôles de province ; et + 13 points au niveau périurbain).

Cette pratique est dépendante des mêmes variables que la précédente mais dans un sens inverse, ce qui est somme toute logique : on ne peut à la fois manger en famille et avec les collègues ou amis.

Le fait d’avoir un haut niveau de vie ou de niveau de diplôme favorise les déjeuners à l’extérieur du foyer. Le « déjeuner en ville » est la marque distinctive de ceux qui peuvent ainsi varier les lieux du quotidien en entretenant leur réseau de sociabilité sans être obligé de « compter » (effet niveau de vie). Le « déjeuner professionnel » est une variante pratiquée par ceux (haut diplômés) pour qui la sphère du travail est un lieu d’investissement et de récompense (symbolique, financière) important qu’il convient d’entretenir au quotidien. Le repas peut donc être un moment important pour l’échange d’information ou la socialisation professionnelle.

A cet égard, les cadres et professions intellectuelles supérieures sont les plus portés sur le repas entre amis ou avec les collègues. On observe néanmoins une particularité des cadres résidents dans les aires d’emploi rurale, avec une propension bien moindre pour ce genre de pratique (37 % ici et au minimum 43 % ailleurs).

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