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4. Vieillesse et axes de réflexions

4.1 Les liens sociaux

Nous ne pouvons développer la question des liens sociaux sans évoquer Durkheim. L’idée de morale se plaçait pour lui au-dessus du reste. Pour ne faire qu’un avec l’autre, il faudrait faire des efforts sur soi (individuel) pour le bien du tout (collectif). Pour lui : « La solidarité vient du dedans et non du dehors.» (2010, p.212) . Cette base correspond bien à nos « personnes âgées » même tranche de vie, même attentes de la vie, mêmes craintes…. C’est encore plus vrai lorsqu’elles sont placées en institution et vivent en communauté avec d’autres personnes dites âgées. Je pense aux efforts du maintien du lien lorsque Claude, 86 ans, m’explique : « Ils viennent ici, ma fille, avec mon gendre, je vais passer huit jours chez l’un,

huit jours chez l’autre. Mes petites filles quand elles passent, elles viennent me voir. Je suis suffisamment entouré, il faut un juste milieu, faut pas exiger des gens plus qu’ils ne peuvent donner. J’aimerai d’avantage mais ils ont leur vie à faire. Faut pas non plus en faire de trop pour pas lasser les gens, quand je vais chez ma fille, j’y reste pas plus de huit jours. Je ne les vois pas assez, bien sûr, mais faut pas les monopoliser ! ». De mon côté, je me souviens que

c’était parfois un peu la corvée pour certains enfants d’aller voir leurs ainés « C’est mon tour,

c’est embêtant parce qu’aujourd’hui j’avais des choses à faire, mais j’y vais quand même, je ne veux pas qu’elle soit triste et seule »34

. Ce lien peut aussi être brisé et isoler en partie (ou complètement) une personne âgée. Anne, 89 ans : « […] j’ai quand même eu une dispute. Ça

allait à peu près et puis elle me faisait beaucoup de remarques et un soir on jouait ensemble

avec un autre monsieur, elle s’était plaint de ce monsieur. Moi, il m’allait très bien tant qu’il était correct. Et puis un autre soir, alors qu’on cuisinait, elle m’a attrapée et m’a dit ‘toi tu sais, tu cherches les hommes quand même, tu t’assoies toujours à côté d’Alfred.’ Je n’ai pas répondu, et à la fin, elle me dit ‘Et Clarence m’a dit des choses sur toi’. Ça m’a fait vraiment mal, car le reste je m’en fichais car ça ne la regardait pas et j’avais ma conscience… […] Le lendemain, je ne suis pas descendue ni rien, elle a vu que je faisais la tête, j’étais pas venue faire de gâteaux et ça s’était arrêté là. Mais elle est revenue me voir et je lui ai dit que notre amitié était finie, car je l’ai mal pris, ça m’a fait mal. Je me suis un peu isolée, retirée de la vie commune depuis. »

Les liens sont multiples et divers dans la vie des « personnes âgées ». Elles ont leurs contacts avec la famille proche et moins proche. Le contact physique est de loin le plus important. Le téléphone est utilisé par commodité et à défaut d’autres moyens. D’autres contacts sont fréquents avec le personnel qui les aide, chaque jour pour certains, plusieurs fois par semaine pour d’autres, mais aussi avec les « personnes âgées » de leur entourage direct (même quartier, même fréquentations de lieux, ou vie en communauté) et leurs amis (comme pour la famille, plus ou moins proches, physiquement ou par des moyens de communications divers) Granovetter (1973). Soulignons que les personnes que nous avons rencontrées parlent d’une vraie solidarité entre elles, de par le fait qu’elles coexistent dans un même espace et sont amenées sinon vivement incitées à se côtoyer et à créer des liens les unes avec les autres. Sophie, 22 ans nous en parle : « Pour moi, vivre dans un foyer logement favorise absolument

les rencontres. Ceux-ci, très souvent, offrent à leurs pensionnaires une sorte de cantine, ou de self, qui leur permet de se rencontrer le midi. Dans le foyer dans lequel je me rends tous les jours, ils proposent aussi beaucoup d’animations qui les font se retrouver et partager un moment agréable. J’observe tous les jours des groupes qui partent aux courses ensemble, jouent aux jeux de société ou discutent en bandes. » C’est à mon sens encore plus fort et plus

vrai dans les MARPA (car beaucoup se connaissent depuis de nombreuses années) et plusieurs parmi les résidents ont parlé de « famille », de « frères », d’ « unité ». Les animations (lorsqu’elles existent en institutions et lorsque les personnes âgées vivant chez elles peuvent participer à des activités comme des clubs du troisièmes âge) contribuent également à la création de ces liens (J. Chapeleau et R. Vercauteren, 1995, p.34) : « …

l’animation pourrait se traduire par la notion de ‘dynamique du quotidien’. Rythmer le temps, l’organiser, pour qu’il devienne du temps à vivre, et ainsi lutter contre l’institutionnalisme, s’inscrivent comme une animation qui désigne un indicateur de la qualité de la vie incontournable. On comprendra ainsi que l’animation correspond à maintenir le désir, désir de vivre de façon globale, mais aussi de plaire de partager, de participer… ».

Ces liens peuvent se croiser et différés selon les binômes, se rompre, ayant pour cause directe d’isoler la « personne âgée » à différents degrés. Cette forme d’exclusion d’un groupe de jeux, d’un groupe de sortie, du groupe de vie en communauté, ou encore du cercle familial accentue fortement l’isolement. Ces exclusions peuvent trouver leur origine de manière ponctuelle du fait de certaines faiblesses (ne pouvant pas participer physiquement ou cognitivement à certaines activités), ou encore de manière définitive (exclue d’un groupe pour des idées, un statut social…). Dans les MARPA, malgré la difficulté pour certains participants à répondre

aux questions visuelles du fait de problèmes de vue importants, une entraide s’est créée afin que tous puissent apporter des réponses, nous en reparlerons dans notre étude de cas. Dans tous les cas, ces exclusions ont pour effet d’accentuer la tristesse, la fatigue, la dépression, ou encore l’isolement…35

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