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3.6 Lien potentiel entre l’exposition et les maladies chroniques

3.6.4 Lien entre l'exposition à l'As et les troubles thyroïdiens

Quant aux connaissances au sujet d’un effet toxique de l’As sur la fonction thyroïdienne, elles sont pour l’instant plutôt éparses.

Cependant, les propriétés in vitro et ex vivo que présente l’As permettent d’aller plus loin et de démontrer que l’As pouvait provoquer des effets similaires sur les récepteurs thyroïdiens à ce qui avait été démontré sur les récepteurs stéroïdiens (Mead, 2005; Davey et al., 2008). En d ’autres mots, des études expérimentales récentes ont démontré que l’As inhibe les enzymes impliquées dans la synthèse et la signalisation des hormones thyroïdiennes (Palazzolo et Jansen 2008; Davey et al. 2008).

Certains effets toxiques de l’As sur la glande thyroïde ont également été observés dans des études toxicologiques effectuées sur des animaux (Glattre et al., 1995). En effet, les niveaux de T3L et T4L semblaient significativement altérés par l’As dans ces études. De plus, une inspection de la glande thyroïde des rats à l’étude semblait montrer des altérations. Par ailleurs, une étude chez 32 femmes réparties aléatoirement en quatre groupes exposés à des diètes différentes semblait montrer qu’il y avait une

corrélation négative entre l’exposition à l’arsenic et la fonction thyroïdienne (Meltzer

et al., 2002). C’est-à-dire que plus l’exposition à l’As augmentait, plus les niveaux de

T3L et T4L diminuaient.

Une étude d’observation effectuée auprès d ’enfants vivant dans une région de Taiwan, où l’eau souterraine présentait de fortes teneurs en As, montre une prévalence plus élevée de goitres dans les secteurs où une forte concentration d ’As était retrouvée dans l’eau potable comparativement aux secteurs non-contaminés (3,44 % VS 2,08 % ; Chang et al., 1991). Cette association était également observée lorsqu’on restreignait les analyses aux filles. La T3L semblait également plus basse lorsqu’on était en secteur contaminé. Il faut cependant demeurer prudent devant de telles associations. Par exemple, aucune mesure de contrôle n’a été prise pour corrigée pour la présence ou l’absence en iode dans l’étude faite à Taïwan, bien qu’il s’agisse d ’un facteur important de la fonction thyroïdienne. De plus, les fonctions thyroïdiennes peuvent être altérées par un grand nombre de produits chimiques couramment retrouvés dans l’environnement et des échantillons de tissus humains ou animaux (Zoeller et al., 2002). Il reste également à cerner l’impact clinique de telles associations (Brucker- Davis 1998).

L’étude descriptive précitée qui a estimé la prévalence et l’incidence de l’hypothyroïdie à partir des données détenues par la RAMQ chez les personnes assurées par le Régime public d’assurance médicaments a également permis de faire une description géographique par territoire de CLSC des utilisateurs d’hormones thyroïdiennes (HT)

par sexe (Gagnon et al., 2006). Les cartes produites semblent montrer des regroupements géographiques. Une hypothèse pour expliquer ce constat pourrait être les facteurs environnementaux, d’autant plus que ce sont des territoires connus pour avoir des formation géologiques contenant une certaine teneur en As.

Pour venir appuyer l’hypothèse environnementale, l’hypothèse des disparités de pratique des médecins a d’abord été étudiée. En effet, les médecins pourraient ne pas traiter Thypothyroïdie de manière uniforme, certains traitant d’emblée les hypothyroïdies sub-cliniques tandis que d’autres seront moins interventionnistes. Une enquête transversale faite auprès de 630 médecins omnipraticiens sélectionnés dans trois régions différentes (l’une avec un taux d’incidence ajusté pour l’âge plus élevé, une autre avec un taux d’incidence comparable à celui du Québec et une dernière avec un taux d ’incidence plus bas qu’attendu), n’a cependant pas montré de disparité dans la pratique médicale pour la prise en charge des troubles thyroïdiens selon le lieu de pratique (Gagnon et al., 2008).

En attendant d’avoir plus d’information sur les liens entre l’As et les troubles endocriniens, l’ensemble des études effectuées sur ces associations trouvent leur justification dans le fardeau que représentent le diabète et l’hypothyroïdie.

En résumé, les études exploratoires de la contamination des puits en As en Abitibi- Témiscamingue montrent que la population de l’Abitibi-Témiscamingue semble exposée à l’As via l’eau de leur puits. La question de recherche à ce sujet est

d’identifier, à l’aide de mesures biologiques, le niveau d’exposition à l’As de la population de l’Abitibi-Témiscamingue qui s’approvisionne en eau de consommation à partir de puits privés. L’hypothèse est que le niveau d ’exposition identifié dans l’étude exploratoire faite à ce sujet en 1995-96 est représentatif du niveau retrouvé dans la population.

Les études identifiées ci-dessus indiquent également une bonne relation entre les doses externes et les doses internes pour l’exposition à l’As. La question de recherche à ce sujet est de préciser si ces relations peuvent être observées en fonction des différents niveaux de contamination des puits observés en A-T et des autres sources potentielles d’As (notamment la diète). L’hypothèse à ce sujet est qu’une association peut être observée entre la dose externe et la dose interne même à de faibles niveaux d’exposition.

Ensuite, des études ont identifié des associations entre de fortes expositions à l’As et le diabète. La question de recherche est donc : Est-ce que cette relation entre les marqueurs d’exposition (niveaux de contamination des puits, dose externe, dose interne d’As) et la prévalence du diabète est observée aux niveaux d’expositions observés en Abitibi-Témiscamingue. Notre hypothèse à ce sujet est qu’une telle association peut être observée.

Finalement, peu de connaissances existent au sujet de l’association entre l’exposition à l’As et les troubles thyroïdiens. Notre question de recherche est donc d ’évaluer s’il

existe une relation entre les marqueurs d’exposition (niveaux de contamination des puits, dose externe, dose interne d’As) et les indicateurs de fonction thyroïdienne. Nous croyons qu’une telle relation existe.