• Aucun résultat trouvé

Lien avec la cohomologie rationnelle

4.2 Cohomologie des bifoncteurs

4.2.3 Lien avec la cohomologie rationnelle

Dans ce paragraphe, nous établissons un lien entre la cohomologie des bifoncteurs et la cohomologie rationnelle du groupe linéaire. Nous renvoyons à l'annexe D pour plus de détails sur les groupes algébriques et la cohomologie rationnelle.

Soit B un bifoncteur polynomial sur un anneau A. Pour toute paire de A-modules projectifs de type ni V, W , le polynôme BV,W : End(V∨) × End(W ) → End(B(V, W ))

induit un morphisme de groupes algébriques GL(V∨) × GL(W ) → GL(B(V, W )).

Lorsque V = W , on le précompose par l'inclusion diagonale g 7→ (g−1, g) pour obtenir

une action rationnelle :

GL(V ) × B(V, V ) → B(V, V ), (g, x) 7→ BV,V(g−1, g)(x) .

Lemme 4.2.6. Soit A un anneau commutatif, et B un bifoncteur sur A. Le morphisme d'évaluation, naturel en B :

eB,n : HomPd d,A(Γ

dgl, B) → B(An, An)

f 7→ fAn(γdIdAn) est à valeurs dans B(An, An)GLn/A.

Lemme 4.2.7. Soit A un anneau commutatif, et B un bifoncteur homogène de bidegré (d, d) sur A. Si n ≥ d, le morphisme : eB,n : HomPd d,A(Γ dgl, B) → B(An, An) f 7→ fAn(γdIdAn) est injectif

Démonstration. Soit n un entier. Notons comp le morphisme de bifoncteurs déni par la composée Γd(HomA(−1, An)) ⊗ Γd(HomA(An, −2)) Ä _ ²² comp ++ V V V V V V V V V V V V V V V V V V V Γd(HomA(−1, An) ⊗ HomA(An, −2)) //Γdgl(−1, −2)

l'évaluation de la transformation naturelle comp sur la paire (An, An) envoie

(γdId

An)⊗2 ∈ Γd(HomA(An, An))⊗2 sur γdIdAn ∈ Γd(HomA(An, An)). On a donc un diagramme commutatif : HomPd d,A(P d,An d,An(−1, −2), B(−1, −2)) ≃ //B(An, An) HomPd d,A(Γ dHom A(−1, −2), B(−1, −2)) HomPd d,A(comp,B(−1,−2)) OO eB,n 33 h h h h h h h h h h h h h h h h h h h h h h h

dans lequel l'isomorphisme horizontal est donné par le lemme de Yoneda. D'après la proposition 1.3.1, si n ≥ d alors comp est un épimorphisme. Le morphisme HomPd

d,A(comp, B(−1, −2))est alors injectif, et eB,n également.

Pour 1 ≤ i ≤ p et 1 ≤ j ≤ q on note (i|j) ∈ S2((V⊕p⊕ V∨ ⊕q)) le polynôme

homogène de degré 2 déni par la formule (cf. annexe D, théorème D.2.6) : (i|j)(x1, . . . , xp, f1, . . . , fq) := fj(xi) .

Lemme 4.2.8. Soit A un anneau commutatif, d un entier et V un A-module libre de rang n. Le A-module

Sd(V∨ ⊕d⊕ V⊕d)GLn/A³Sd(V∨ ⊕d) ⊗ Sd(V⊕d)´GLn/A

est engendré par la famille des produits (i1|j1) . . . (id|jd), où les indices ik et jk sont des

entiers compris entre 1 et d.

Démonstration. C'est une conséquence directe du corollaire D.2.7. Lemme 4.2.9. Soit A un anneau commutatif. Le morphisme :

HomPd d,A(Γ

dgl, Sµ(−

1) ⊗ Sλ(−2)) → Sµ(An ∨) ⊗ Sλ(An)

f 7→ fAn(γdIdAn)

induit une surjection sur¡Sµ(An ∨) ⊗ Sλ(An)¢GLn/A. Démonstration. D'après l'isomorphisme de foncteurs

Sd(−∨ ⊕d1 ) ⊗ Sd(−⊕d2 ) ≃ M

λ,µuplets de poids d

Sµ(−∨1) ⊗ Sλ(−2) ,

il sut de montrer que le morphisme HomPd d,A(Γ dgl, Sd(−∨ ⊕d 1 ) ⊗ Sd(−⊕d2 )) → ¡ Sd(An ∨ ⊕d) ⊗ Sd(An ⊕d)¢GLn/A f 7→ fAn(γdIdAn)

est surjectif. Le lemme 4.2.8 nous donne une famille génératrice du A-module libre de droite. Nous allons montrer que le morphisme ci-dessus atteint tous ces générateurs.

Soit (ai)1≤i≤n une base de An, (ai♯)1≤i≤nsa base duale et (a♯♯i )1≤i≤nsa base biduale.

L'isomorphisme canonique An≃ An ∨∨ envoie donc (a

i)1≤i≤n sur (a♯♯i )1≤i≤n. Si k est un

entier compris entre 1 et d et v ∈ An, on note vk le vecteur (0, . . . , 0, v, 0, . . . , 0) ∈ An ⊕d

où v est en k-ème position.

Soient k et l deux entiers. Calculons une expression maniable du polynôme (k|l) ∈ S1(An∨ ⊕d) ⊗ S1(An ⊕d). Soit (x1, . . . , xk, φ1, . . . , φk) = (x, φ) un vecteur de An ⊕d ⊕ An ∨ ⊕d. On a : (k|l)(x, φ) = φk(xl) = n X i=1 φ(aki)a♯i   n X j=1 a♯ lj (x)aj   = n X i=1 φ(aki)a♯ lj (x) . Ainsi, on a l'égalité (k|l) =Pn i=1a ♯ l j ⊗ a ♯♯ k i .Si (k1, . . . , kd) et (l1, . . . , ld) sont deux d-

uplets d'entiers, le polynôme (k1|l1)(k2|l2) . . . (kd|ld) ∈ Sd(An∨ ⊕d) ⊗ Sd(An ⊕d) est donc

donné par la formule :

(k1|l1)(k2|l2) . . . (kd|ld) = X (i1,...,id)∈Nn a♯ l1 i1 a ♯ l2 i2 . . . a ♯ ld id ⊗ a ♯♯ k1 i1 a ♯♯ k2 i2 . . . a ♯♯ kd id .

Il ne nous reste plus qu'à produire un morphisme f : Γd(−

1 ⊗ −2) → Sd(−∨ ⊕d1 ) ⊗

Sd(−⊕d2 )dont l'évaluation sur

γdIdAn = Ã n X i=1 a♯i⊗ ai !⊗d ∈ Γd(An ∨⊗ An) est égale à (k1|l1)(k2|l2) . . . (kd|ld). Mais le morphisme

ik1,...,kd,l1,...,ld : (V

⊗ W )⊗d ¡V∨ ⊕d¢⊗d¡W⊕d¢⊗d

⊗di=1(vi⊗ wi) 7→ (⊗di=1viki) ⊗ (⊗di=1wili)

envoie γdId

Ansur (⊗di=1a♯ ki i) ⊗ (⊗di=1alii). Si on dénit fk1,...,k

d,l1,...,ld comme la composée Γd(−∨1 ⊗ −2) ⊂ (−∨1 ⊗ −2)⊗d ik1,...,kd,l1,...,ld −−−−−−−−−→³−∨ ⊕d1 ´⊗d⊗³−⊕d2 ´⊗d m −→ Sd(−∨ ⊕d1 ) ⊗ Sd(−⊕d2 ) , alors l'évaluation du morphisme fk1,...,kd,l1,...,ld sur γ

dId

An est égale au polynôme (k1|l1)(k2|l2) . . . (kd|ld).

Proposition 4.2.10. Soit A un anneau commutatif. Le morphisme, naturel en B : HomPd

d,A(Γ

dgl, B) → B(An, An)GLn/A f 7→ fAn(γdIdAn) est un isomorphisme si n ≥ d.

Démonstration. Le morphisme est à valeurs dans B(An, An)GLn/A d'après le lemme 4.2.6. D'après les lemmes 4.2.7 et 4.2.9, La proposition est vraie dans le cas où B est un bifoncteur injectif de la forme Sµ(−

1) ⊗ Sλ(−2). D'après la proposition 4.1.13, tout

bifoncteur B homogène de bidegré (d, d) admet une résolution par des sommes directes de tel bifoncteurs injectifs. Comme les foncteurs

B Ã HomPd d,A(Γ

dgl, B) et B Ã B(An, An)GLn/A

sont exacts à gauche et additifs, le résultat est valable pour un bifoncteur B quelconque. Théorème 4.2.11. Soit A un anneau commutatif, B un bifoncteur homogène de bidegré (d, d) sur A et n ≥ d. Il existe un isomorphisme naturel :

Démonstration. Les foncteurs B Ã H∗

P,A(B), B Ã Hrat∗ (GLn/A, B(An, An)) sont des

δ-foncteurs : ils transforment toute suite exacte courte admissible en suite exacte longue, et tout morphisme de suites exactes courtes en morphisme de suites exactes longues. De plus, ils sont tous les deux nuls en degré strictement positif sur les injectifs de PA(1, 1).

Pour la cohomologie des bifoncteurs, cela résulte de la dénition 4.2.1 en termes d'ex- tensions, et pour la cohomologie rationnelle, c'est une conséquence du corollaire D.2.5. L'isomorphisme naturel H0

P,A(B) ≃ Hrat0 (GLn/A, B(An, An))donné par la proposition

4.2.10 se prolonge donc de manière unique en un isomorphisme entre les δ-foncteurs B Ã H∗

P,A(B)et B Ã Hrat∗ (GLn/A, B(An, An))d'après [8, prop III.5.2]. Cette proposi-

tion est énoncée dans le cadre des catégories abéliennes, mais on obtient sa démonstration dans le cas d'une catégorie exacte en remplaçant les suites exactes courtes par des suites exactes courtes admissibles.

Nous dressons maintenant une liste de corollaires du théorème 4.2.11. En appliquant le théorème à des bifoncteurs séparables, on obtient tout d'abord une généralisation de [18, cor. 3.13] à un anneau A quelconque.

Corollaire 4.2.12. Soient A un anneau commutatif, F, G ∈ Pd,A deux foncteur poly-

nomiaux homogène de degré d et n ≥ d un entier. On a un isomorphisme, naturel en F, G :

Ext∗Pd,A(F, G) ≃ Ext∗GLn/A(F (An), G(An)) .

Corollaire 4.2.13. Si B ∈ PC(1, 1) est un bifoncteur déni sur C alors HP,Ci (B) = 0

pour i > 0.

Démonstration. Le groupe algébrique GLn/C est linéairement réductif [23, p. 125],[45,

p. 97], [29, Ÿ6.2]. Par conséquent, le foncteur des points xes sous l'action de GLn/C est

exact. La cohomologie rationnelle de GLn/C est donc nulle en degré strictement positif.

D'après le théorème 4.2.11, il en va de même pour la cohomologie des bifoncteurs sur C.

Corollaire 4.2.14. Soit K un corps. Pour tout bifoncteur B sur K, il existe un entier nB tel que HP,Kn (B) = 0 pour n > nB.

Remarque 4.2.15. Comme la cohomologie d'un bifoncteur B sur un corps K s'annule à partir d'un certain degré et que les espaces vectoriels Hi

P,K(B)sont de dimension nie,

la caractéristique d'Euler-Poincaré χ de cette cohomologie a un sens : χHP,K(B) =X

i≥0

(−1)idim HP,i K(B) .

Corollaire 4.2.16. Soient A un anneau commutatif, B un bifoncteur homogène de bidegré (d, d) et n ≥ d un entier. Notons p : An+1→ An et i : An→ An+1 la surjection

et l'injection du facteur direct Andans An+1et j : GL

n/A ֒→ GLn+1/A, M 7→ [ M0 01 ], l'inclusion correspondante. On a un isomorphisme :

Hrat∗ (GLn+1/A, B(An+1, An+1)) H∗

rat(j,B(i,p)) −−−−−−−−→

≃ H

Démonstration. Notons p : An+1 → An et i : An → An+1 la surjection et l'injection du

facteur direct An dans An+1. On a un triangle commutatif

HomPd d,A(Γ dgl, B) eB,n+1 // eB,n ** U U U U U U U U U U U U U U U U B(An+1, An+1) B(i,p) ²² B(An, An)

Le morphisme A-linéaire B(i, p) est compatible aux actions de GLn+1/A et GLn/A :

pour toute A-algèbre A′ tout g ∈ GL

n(A′)et tout x ∈ B(An+1, An+1) ⊗ A′ on a :

¡

B(i, p) ⊗ A′¢(j(g).x) = g.¡B(i, p) ⊗ A′¢(x) .

Le morphisme B(i, p) induit donc un morphisme B(An+1, An+1)GLn+1/A B(An, An)GLn/A. D'après la commutativité du triangle et la proposition 4.2.10 le mor- phisme B(i, p) induit donc un isomorphisme naturel en B :

Hrat0 (GLn+1/A, B(An+1, An+1))−→ H≃ rat0 (GLn/A, B(An, An)) .

Les foncteurs

B Ã Hrat∗ (GLn+1/A, B(An+1, An+1)) et B Ã Hrat∗ (GLn/A, B(An, An)

sont des δ-foncteurs, nuls en degré strictement positif sur les injectifs de Pd

d. D'après

[8, prop III.5.2], cet isomorphisme en degré 0 se prolonge de manière unique en un isomorphisme de δ-foncteurs.