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lettre de motivation pour la participation au programme PEERS

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problématique. Notre expérience indonésienne nous a également appris qu’il y a toujours quelque chose à creuser autour de la problématique de la langue10. En effet, la langue touche à l’identité, à l’intime tout en étant utilisée par tous dans la vie quotidienne. Toute personne a donc un avis sur cette question. Cette préparation a été très utile pour structurer dans notre esprit un axe de recherche. Ainsi, une fois sur place, nous avons été en mesure de percevoir la société malgache à travers les « lunettes » de la langue. Nous avons donc pu optimiser le court temps de recherche de terrain. Enfin, les lectures préliminaires ont eu pour résultat d’accroître notre désir de voyage tout en me permettant d’acquérir des clés de lecture de la société et de l’environnement malgache. Nous pensons donc que cette étape de préparation est indispensable (et plaisante) afin de gérer de manière optimale la masse d’informations qui s’offre aux yeux et aux oreilles de l’étudiant une fois sur le terrain.

5.2. Récolte des données sur le terrain

L’étude de terrain se caractérise par un temps très court (6 jours - sans les voyages et visites) mais intense du fait du nombre de personnes rencontrées, de la variété des expériences vécues et de la nouveauté de l’environnement. Il est facile de se sentir désorienté face à toute cette nouveauté et de ne plus savoir tirer et trier l’information nécessaire pour répondre à la question de recherche prédéfinie. De plus, la question de recherche, les informations récoltées et les représentations construites lors de la première étape sont confrontées à la réalité du terrain. Il est donc probable que la problématique doive être remaniée voire entièrement changée, ce qui peut être très déstabilisant. C’est le cas si la problématique prédéfinie ne « pose pas problème » une fois sur place ou si les contraintes du terrain (accès aux acteurs, temps à disposition) font qu’elle ne peut être traitée. Pour notre part, notre intuition concernant la question des langues et du français en particulier s’est révélée pertinente car c’est là une véritable question de société à Madagascar. Notre axe principal de recherche est donc resté relativement stable tout au long des étapes de création du présent mémoire. Néanmoins, au travers des nouvelles observations sur le terrain, certaines de nos hypothèses ont été remises en question et ont dû être modifiées. Ce fut le cas notamment pour la question de la représentation du français comme langue coloniale qui s’est révélée ne pas être une question primordiale au sein de la population, alors qu’elle était au centre de nos questionnements préalables11. Cette démarche que l’on peut qualifier d’inductive part donc

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L’Indonésie, archipel dans lequel j’ai vécu deux ans, compte 700 langues mais une seule langue officielle de communication (La Bahasa Indonesia). Dans ce contexte, la question de la langue revient dans toutes les discussions, vu que tout Indonésien est au minimum bilingue.

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des observations de terrain pour mener à des hypothèses. Il s’agit d’un processus de généralisation à partir de l’observation d’un certain nombre de cas particuliers.

Cette démarche inductive est intéressante car elle place le chercheur en position d’écoute et de réception vis-à-vis de l’autre, ce qui est très enrichissant, mais présente certains défis dont il faut avoir conscience :

Le temps à disposition - un chercheur a besoin de temps, d’empathie et de communication afin de pouvoir se décentrer face à son sujet d’observation, c’est-à-dire s’éloigner des préconceptions eurocentrées ou basées sur les lectures préalables. De plus, il faut du temps pour pouvoir saisir la complexité et la subtilité du fonctionnement des institutions et de la société malgache. Il va sans dire que la semaine passée sur le terrain n’est pas suffisante pour atteindre ces objectifs. Il est important d’avoir conscience de ces limites.

La construction de la problématique en parallèle avec les choix méthodologiques - la méconnaissance du terrain fait qu’il est impossible d’organiser une manière d’acquérir les données (types de questions, manière d’enregistrer les entretiens, acteurs à interroger) et de les exploiter avant de se trouver sur place. Les adaptations méthodologiques se font au fur et à mesure des entretiens en fonction des essais et des erreurs. Il est donc impossible d’obtenir un corpus de données « standardisé ». Ces adaptations et ces choix méthodologiques sont directement liés aux obstacles et aux opportunités inhérentes à la recherche de terrain, comme l’impossibilité d’avoir accès à un type d’acteur ou d’informations ou au contraire l’accès à une nouvelle source d’informations utiles mais non prévue au sein de la problématique. Finalement, la problématique et la méthodologie sont en adaptation constante durant cette seconde période. Mais, une fois de retour en Europe, les choix effectués dans l’urgence sont difficilement modifiables, car l’accès direct aux données du terrain n’est plus possible.

La position face aux acteurs - cette étude étant basée sur des entretiens avec des Malgaches, la question des représentations des interlocuteurs est importante. Notre présence en tant que vazaha12 posant des questions risque de biaiser les réponses. Premièrement, nous ne partageons pas la même langue maternelle. Pour la plupart des entretiens, Harinaivo a fait office de traducteur, partiellement ou entièrement. La traduction, qui ne peut jamais être littérale, fait office de premier filtre. Deuxièmement, nous ne partageons pas forcément les mêmes schémas de pensée. Certaines questions abstraites ou certaines problématiques, telles que la « fonction de la langue française à Madagascar » ne représentent rien pour eux et ne

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suscitent donc aucune réponse. Troisièmement, certaines réponses peuvent être biaisées par l’envie de faire plaisir au vazaha en lui donnant les informations que celui-ci veut entendre13

. Certains interlocuteurs répondent ainsi systématiquement par des réponses affirmatives. Notre propre position face aux acteurs contribue également à altérer la qualité des données récoltées. Certains acteurs sont plus facilement interrogeables que d’autres. Par exemple, le proviseur adjoint du lycée parle un excellent français, il comprend l’objet de notre recherche, il est donc conscient du type d’informations dont nous avons besoin. Il sait en outre répondre aux questions abstraites ou nécessitant des connaissances historiques et contextuelles. Les entretiens avec cet acteur risquent donc d’avoir plus de poids dans notre travail que ceux effectués avec Misariaka14, mère d’élève illettrée rencontrée pendant trois minutes dans la cour de récréation. Enfin, au-delà des questions de méthodologie, notre position de « demandeur » a suscité chez moi quelques interrogations. En effet, pour les besoins de cette étude, nous avons été amené à me rendre dans de zones très défavorisées, telles que le « village solidarité » d’Antsirabe, où les habitants ont des conditions de vie très difficiles. Ceux-ci nous ont accueilli à bras ouverts et ont pris le temps de répondre à nos questions tout en dévoilant des pans de leur vie privée. Au fur et à mesure des entretiens, nous avons pris conscience de leur situation précaire15 et par là même de la futilité de nos questions sur la langue française… Nous ne pouvons donc nous départir de cette question : « En venant leur poser des questions pour notre mémoire HEP, qu’est-ce que nous leur apportons… ? ».

La méthode durant les entretiens - ne connaissant pas le terrain auparavant, il n’a pas été possible d’élaborer une méthode d’entretien. En effet, il convient tout d’abord d’observer quelles sont les habitudes locales d’interaction et de s’y adapter. C’est pourquoi il nous a paru plus logique d’effectuer les entretiens sur la base de discussions plutôt que sur une liste de questions. Ainsi chaque entretien est différent et les questions s’adaptent à la discussion. D’autre part, il est arrivé plusieurs fois qu’Harinaivo ou moi-même complétions les réponses des personnes interrogées afin de faciliter cette discussion. Les questions ne sont donc pas systématiques entre les entretiens et celles-ci s’adaptent à l’acteur. Ainsi nous avons posé des questions abstraites aux acteurs possédant un niveau d’éducation élevé et des questions plus factuelles ou concrètes aux autres. Enfin, les outils ont varié selon les entretiens entre

13 ou qu’ils pensent que celui-ci veut entendre…

14 A part les membres de l’équipe PEERS, tous les noms d’acteurs de cette étude ont été modifiés afin de garantir leur anonymat.

15 Une de nos interlocutrices nous annonça par exemple qu’étant veuve, elle ne pouvait compter que sur ce qu’apportaient les aînés de ses enfants. Lorsque ceux-ci trouvaient un travail journalier la famille mangeait, les autres pas.

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l’enregistrement vocal sur IPhone et la prise de note sur un journal de bord. Nous estimons que le fait de privilégier l’interaction humaine sur la rigueur scientifique était, dans ce contexte, nécessaire afin de ne pas s’enfermer dans un corset de questions prédéfinies qui aurait rendu plus difficile la décentration. Ce choix a eu un néanmoins un impact important sur le traitement des données car celles-ci n’étaient pas homogènes.

L’organisation du séjour - faisant partie de la première volée d’étudiants à s’envoler vers Madagascar dans le cadre du PEERS, le programme d’activités sur place n’était pas construit au préalable. Nous avons donc dû nous même rechercher les acteurs les plus à même de répondre à notre question de recherche. Notre recherche impliquant d’avoir un panel d’acteurs aussi varié que possible, l’étude du centre de formation primaire Zazakely s’est rapidement révélée insuffisante. C’est pourquoi nous avons mobilisé notre réseau afin de pouvoir frapper au plus grand nombre de portes possible. Ainsi, le directeur de Zazakely nous a ouvert la porte du « village solidarité », Célestin Razafimbelo, celui du Lycée André Resampa et le frère d’Harinaivo celui de l’INFP16

. En outre, nous sommes allés opportunément frapper à la porte de l’Alliance Française d’Antsirabe et sommes même entrés par hasard dans les locaux de l’ONG CITE. Le choix des entretiens, qui sont l’essence même de notre travail, relève donc plus d’opportunités que d’un plan prédéfini. Néanmoins, grâce à cette méthode et dans l’espace d’une petite semaine, nous avons réussi à interroger pas moins de 40 personnes et visité neuf structures différentes, ce qui est loin d’être négligeable. Il va sans dire que nos collègues malgaches, notamment Célestin Razafimbelo et Harinaivo, ont joué un rôle très important de facilitateur. De plus, leur présence a permis de combler nombre de lacunes liées à la méconnaissance du terrain. En effet, nos collègues malgaches ont su apporter les informations contextuelles nécessaires à la compréhension des informations « brutes » tirées des observations et des entretiens. La bonne entente sur le plan humain et la bonne coordination sur le plan professionnel au sein de l’équipe PEERS ont été des facteurs déterminants dans la réussite de l’étude.

Pour résumer, le principal défi de cette courte période de recherche de terrain a été de rassembler de manière cohérente des informations utiles à un mémoire structuré dans un contexte qui ne le facilite pas. En d’autres termes, il a fallu réussir à générer de l’ordre et de la structure à partir du flou et de la nouveauté. Cette période de recherche de terrain constitue l’étape clé de cette étude car elle a non seulement permis de rassembler une masse importante

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d’informations en un court laps de temps mais elle a surtout constitué une expérience exceptionnelle sur le plan humain.

5.3. Traitement des données

De retour en Suisse, la seconde étape du travail consiste à exploiter les données brutes recueillies durant le séjour à Madagascar, c’est-à-dire de les mettre en forme, de sorte qu’elles soient visibles et qu’elles soient comparables donc analysables. L’enjeu de cette étape a dès lors été de réussir à mettre de l’ordre et générer de la cohérence à partir de la masse considérable et disparate des données recueillies.

Un calepin rempli de notes, près de quatre heures d’enregistrement audio et une tête emplie de souvenirs sont la matière brute sur laquelle s’est construite cette étude. Nous avons donc mis en place une méthode systématique afin de traiter cette information de la manière la plus rationnelle possible. Premièrement, nous avons retranscrit le discours de chaque acteur, littéralement lorsque celui-ci provenait d’un enregistrement audio et de manière plus concise lorsqu’il provenait de notes écrites. A partir de ces retranscriptions, nous avons pu déceler des thématiques récurrentes liées non seulement aux questions posées mais aussi aux réponses convergentes des acteurs. Ces thématiques ont été enrichies par des lectures annexes et participent à la structuration du présent mémoire.

Par la suite, nous avons créé un tableau reprenant par ligne chaque acteur interrogé et par colonne les informations personnelles sur ces acteurs ainsi que les différentes thématiques retenues. Un extrait de ce large tableau est visible ci-dessous :

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Les extraits en rouge ont été directement retranscrits des enregistrements audio et peuvent donc être utilisés comme citations lors de la rédaction du mémoire. Pour certains acteurs qui ont été longuement interrogés, la retranscription s’est faite sur fiche annexe. Hormis la structuration par thématique, le but de ce classement est de rassembler toutes les informations de manière structurée sur un même document. Ainsi, les nombreuses informations récoltées sont rendues plus lisibles et peuvent être comparées les unes aux autres dans la phase d’analyse. Le défi principal de cette étape a été la diversité des informations recueillies. Même si certaines thématiques récurrentes sont ressorties, il n’a pas été évident de classer toutes les interventions dans l’une ou l’autre des colonnes. De plus, le risque de cette méthode est de « saucissonner » l’information. En découpant une discussion en extraits à classer en catégories thématiques, on perd la vision globale de l’entretien. On peut donc passer à côté d’un message lié à l’analyse globale du discours d’un acteur. Néanmoins, nous avons pris le parti de privilégier la comparaison des données entre acteurs qui, selon nous, apporte plus de sens.

Un autre défi est lié aux méthodes de récolte de données. Les retranscriptions d’enregistrements vocaux sont bien plus précises et fidèles au discours des acteurs que les retranscriptions issues de notes écrites. Néanmoins, certaines retranscriptions se sont révélées difficiles à cause de bruits parasites ou de difficultés de compréhension de la personne. Quant aux notes écrites, qui sont bien plus lacunaires, une certaine dose d’interprétation s’est révélée nécessaire pour reconstruire le discours entendu lors de l’entretien. La retranscription déforme donc forcément le discours original. Les résultats de la comparaison de deux sources d’information aussi différentes sont donc à prendre avec la prudence nécessaire.

5.4. Rédaction

La rédaction du mémoire se base bien entendu sur l’analyse des données classées dans le tableau et les feuilles annexes. La comparaison des différents acteurs pour chaque thématique permet d’établir des concordances qui sont exposées dans le mémoire. Certains extraits de discours qui illustrent ces concordances ou qui méritent d’être analysés pour eux-mêmes sont en outre cités tels quels.

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Par ailleurs, nous tenons compte d’autres types d’informations pour construire l’analyse:

 Les observations personnelles faites lors de la recherche de terrain mais qui n’ont pas été transcrites sur un support

 L’analyse des photographies prises sur place

 L’analyse de documents récoltés sur place (essentiellement des journaux)

 Les ressources bibliographiques

 Les informations apportées par nos collègues malgaches de l’équipe PEERS

De fait, il est impossible de tenir compte du discours retranscrit de chaque acteur. Il est nécessaire de faire des choix d’extraits qui nous paraissent représentatifs ou intéressants à analyser. L’un des défis de ce travail est de ne pas privilégier un acteur au détriment des autres. En effet, avec certains acteurs, nous avons pu effectuer de longs entretiens sur des questions abstraites et ainsi parler en profondeur de la thématique de recherche. Les extraits de ces entretiens ont plus de chance d’être cités et analysés dans le mémoire mais ne sont pourtant pas toujours représentatifs de l’entier des acteurs interrogés. Nous avons été particulièrement attentifs à ne pas surreprésenter les discours d’Harinaivo, notre collègue malgache, avec lequel nous avons collaboré tout au long de cette étude. Nous avons en effet beaucoup discuté et nous avons souvent analysé ensemble les observations faites lors de nos visites. De plus, il a une grande connaissance de notre problématique de recherche. Son opinion est donc importante mais elle ne doit pas « écraser » celle des autres acteurs, grâce auxquels nous devons construire une vision nuancée et équilibrée de la question du français à Madagascar. Harinaivo, en tant qu’intermédiaire principal, est donc régulièrement cité au sein de ce mémoire mais ne l’est pas systématiquement. De plus, nous nous sommes efforcés, une fois en Suisse, de ne pas demander de compléments d’informations à nos collègues malgaches. Les données exploitées proviennent donc essentiellement des observations faites directement sur le terrain.

Enfin, il faut tenir compte du laps de temps entre la période d’observation et la période de rédaction. Pour ce second mémoire, ce laps de temps équivaut à une année, ce qui est très important. Les observations directes et contextuelles qui enrichissent l’analyse s’estompent de la mémoire et se déforment peu à peu. C’est pourquoi il est important de noter sur papier le plus d’informations possible lors de la phase de terrain et lors de la phase de retranscription afin que le maximum de données soit mobilisable lors de la phase de rédaction. Le fait d’avoir mis en place un système rigoureux de traitement d’un savoir acquis de manière parfois

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disparate lors de la période de terrain a eu l’avantage de donner une structure forte et cohérente à l’ensemble du travail. En outre, cela nous a permis d’avoir une vision claire du résultat de ce mémoire tout au long du processus d’élaboration, ce qui nous a évité les périodes de « blocage » qui sont souvent inhérentes à ce type de travail. Enfin, cette rigueur nous a donné l’opportunité d’effectuer l’ensemble de la recherche en deux parties distinctes, étalée sur deux années académiques. En effet, les données acquises et classifiées sont mobilisables pour les deux thématiques de cette étude: la question des usages et la question des représentations de la langue française à Madagascar.

6. Les représentations du français

Parmi les personnes interrogées, 25 se sont prononcées sur le rôle ou l’utilité de la langue française. L’analyse de leurs réponses permet de différencier trois grandes fonctions de cette langue.

 Le français comme langue de communication avec le reste du monde

 Le français comme langue d’opportunités dans le monde professionnel

 Le français comme moyen d’accès à l’information

Il est évident qu’avec un échantillon de personnes aussi restreint la significativité de ces réponses n’est pas suffisante pour effectuer une généralisation à toute la population malgache mais il est intéressant de constater qu’aucune personne interrogée n’a donné de réponse sortant de ces trois thématiques. Nous pouvons donc supposer que ces trois fonctions couvrent bien les représentations de la population malgache concernant la langue française. En outre, près de la moitié des personnes interrogées sur le rôle de cette langue affirment son utilité

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