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3.1) Le phénomène physique

Les franges orientales des océans Pacifique et Atlantique sont caractérisées par l’existence de courants de surface froids et riches en nutriments dirigés vers l’équateur. Il s’agit des courants de Humbolt, de Californie, du Benguela et des Canaries. L’écoulement des masses d’eau superficielles vers l’équateur répond au stress exercé par les vents côtiers de la basse atmosphère, les Alizés, sur la surface de l’océan. En plus d’un transport méridional des eaux de surface, le stress éolien est responsable du déplacement vers le large de la couche la plus superficielle de la mer (les 50 premiers mètres, figure 7). Ce transport d’Ekman est compensé par l’émergence à la côte d’un courant émanant soit des eaux de fond soit de l’intérieur géostrophique (Bertrand et al., 2000). On estime généralement que la tranche d’eau affectée par l’upwelling se situe entre des profondeurs de 50 et 200 m sous la surface, et jusqu’à 300 m en cas d’upwelling prolongé et intense (Shannon, 1985). Des vitesses de vent de l’ordre de 5 à 10 m.s-1 sont requises pour initier un upwelling (Gargett, 1991). De telles vitesses sont typiquement observées au niveau du système d’upwellings sud africain (Giraudeau et Bailey, 1995, Giraudeau et al., 2000). Les eaux résurgentes sont poussées à leur tour vers le large à une vitesse de l’ordre de 5 cm.s-1 selon les observations de Barton (1977) sur la côte Mauritanienne. La topographie du plateau ainsi que l’orientation des vents et la position de l’axe de stress éolien maximum par rapport à la côte sont des paramètres qui déterminent le taux d’upwelling et la position du centre de l’émergence (Summerhayes, 1995). A l’occasion de vents forts et donc de stress éolien important, une deuxième “cellule” d’upwelling peut se mettre en place à l’aplomb de la rupture de pente. Nous reviendrons sur ces derniers processus dans le chapitre dédié plus particulièrement au système d’upwellings sud africain.

Une zone de front sépare les eaux eutrophes, c’est à dire les eaux riches en nutriments advectées par l’upwelling, et les eaux plus oligotrophes du large. En condition de vent fort, des filaments et eddies provenant de l’upwelling traversent le front et alimentent la production primaire bien au delà de la limite virtuelle de l’upwelling (Lutjeharms et Meeuwis, 1987; Lutjeharms et Stockton, 1987; Freudenthal et al., 2002). Des filaments de plusieurs centaines de kilomètres ont été observés au large de la Namibie et du Maroc. Néanmoins, l’échappement de ces plumes productives vers le large est très dilué dans les eaux pauvres de l’océan ouvert et ne constitue généralement qu’un phénomène intermittent.

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L’upwelling côtier de Somalie-Oman-Soccotra dans l’océan Indien représente une exception puisqu’il n’est pas lié à un courant côtier longeant la bordure ouest du continent. Son fonctionnement physique est néanmoins comparable à celui des quatre autres systèmes. Plus à l’ouest dans l’océan Indien, un autre upwelling se développe loin de la côte. L’affleurement de la thermocline n’est pas lié dans ce cas à la conjonction d’un courant océanique côtier et de vents parallèles, mais à l’existence d’un maximum de stress éolien exercé au large par les vents de mousson du sud-ouest (Brock, 1991). De même, les upwellings équatoriaux et antarctique se mettent en place en océan ouvert à la faveur des alizés soufflant de part et d’autre de la zone de convergence intertropicale (ITCZ), pour les premiers, et sous l’influence des vents d’ouest le long du front polaire, pour le second .

3.2) Implications bio-géo-chimiques

La figure 8 permet de visualiser les zones de formation et les principales caractéristiques des upwellings côtiers mondiaux.

Les eaux de surface sont en contact avec l’atmosphère, un équilibre physique tend donc à s’établir entre les deux compartiments. Dioxyde de carbone, oxygène, azote sont échangés sous forme gazeuse jusqu’à saturation des eaux superficielles (dans un cas idéal sans processus biologique). Le vent provoque l’agitation et le mélange d’une tranche d’eau plus ou moins épaisse (dizaines de cm à m), ce qui permet la diffusion en profondeur des gaz reçus de l’atmosphère et l’échappement vers l’atmosphère des gaz retenus sous la surface. Ainsi, la concentration en oxygène des eaux de surface est quasiment toujours maintenue à saturation, entre 200 et 350µm/L selon la température de l’eau (Broecker et Peng, 1984). L’upwelling amène en surface les eaux de subsurface qui, à travers des échanges gazeux tendent à leur tour à gagner un équilibre avec l’atmosphère. Souvent plus riches en CO2 que les eaux de surface, les eaux résurgentes sont une source de dioxyde de carbone pour l’atmosphère.

De manière générale, les températures de l’océan de surface et de l’atmosphère tendent à s’équilibrer mutuellement : elles augmentent des régions polaires vers l’équateur (l’anomalie positive de température liée à la dérive Nord Atlantique en mer de Norvège est bien visible sur le panneau A). Les upwellings pompent les eaux intermédiaires et les injectent en surface près de la côte. Les eaux intermédiaires sont en général issues d’eaux superficielles ayant plongé au niveau des fronts subtropicaux ou subpolaires, régions où les nutriments sont incomplètement utilisés. Depuis leur formation, elles se sont progressivement enrichies en nutriments libérés lors de la décomposition des particules chutant dans la colonne d’eau. Elles

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sont par conséquent plus froides et riches en nitrates, phosphates et silicates. C’est la raison pour laquelle les températures froides mesurées sur les bordures est des océans intertropicaux Atlantique et Pacifique coïncident étroitement avec des concentrations élevées en nitrates (panneaux A et B). Les nutriments ainsi apportés en condition de lumière permettent aux organismes phytoplanctoniques, puis zooplanctoniques de proliférer. Une part de la biomasse synthétisée est exportée vers le fond des océans, où la fraction non dégradée formera une proportion parfois importante du sédiment.

Le panneau C montre que la concentration en carbone total à 100m est particulièrement importante dans les zones d’upwelling. La majeure partie de ce carbone total est constituée de matière organique et de carbonates marins particulaires en cours d’exportation ou de C reminéralisé/dissous dans la colonne d’eau. A cette même profondeur, des concentrations minimales en oxygène dissout sont observées (panneau D). L’épuisement de l’oxygène est principalement imputable à la respiration de la matière organique par les bactéries hétérotrophes dans la tranche d’eau. L’existence de gyres océaniques à proximité des zones d’upwelling est par ailleurs responsable de la formation de courants de subsurface dirigés vers les pôles et appauvris en oxygène, comme en Angola (Shannon, 1987) ou en Californie (Kienast et al., 2002), par exemple. La zone d’oxygène minimum (OMZ) au large de la Namibie se situe bien au nord de Lüderitz, région où la production de matière organique est pourtant la plus importante (Lutjeharms et Meeuwis, 1987; Carr, 2002). Ceci montre que la dégradation de la matière organique exportée n’est pas seule responsable de l’existence d’une OMZ. La circulation océanique en sub-surface est également à considérer. Nous reviendrons sur ce point dans la deuxième partie de cet ouvrage.

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Chapitre 4. La matière organique marine : de la production primaire à l’enfouissement

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