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II. 2.6.3.3 Onychose

II.3 Les thérapies ciblées disponibles à l’officine

Les premières thérapies ciblées sont apparues sur le marché dans les années 2000. Elles visent spécifiquement les mécanismes de cancérogenèse et de dissémination des cellules cancéreuses. Les progrès dans la connaissance de ces mécanismes ont en effet permis d’identifier des cibles d’inhibition pertinentes (INCa 2016b). Elles doivent réaliser l’inhibition des mécanismes de l’oncogenèse avec une spécificité pour les cellules cancéreuses ou leur environnement (Labrosse et al. 2007).

Les thérapies ciblées se différencient des chimiothérapies conventionnelles par une prise au long cours, les patients pouvant être sous traitement pendant plusieurs années. Elles sont arrêtées seulement si la maladie progresse ou si le patient est intolérant à la thérapie. De plus, contrairement aux chimiothérapies conventionnelles, les thérapies ciblées sont majoritairement administrées par voie orale, 33 thérapies sur 43 sont per os (INCa 2016b).

Les tyrosine kinases sont des enzymes qui transfèrent un groupement phosphate de l’ATP vers une protéine effectrice. Deux types de kinases sont répartis selon leur localisation cellulaire : des récepteurs ou protéines transmembranaires et des protéines intra­cytoplasmiques. Ces kinases jouent un rôle important dans les processus de transduction des signaux intracellulaires. Elles participent à la prolifération, la survie, la migration et la différenciation cellulaire. Elles sont aussi bien impliquées dans la prolifération cellulaire normale que maligne. Il a été mis en évidence une augmentation de l’activité tyrosine kinase dans les cellules cancéreuses. En effet, 51 des 90 tyrosine kinases de l’organisme ont été mises en cause dans un processus de cancérisation. Soit par un mécanisme de mutation, par une sous ou une surexpression de la tyrosine kinase. Le dysfonctionnement de certaines tyrosine kinases peut servir de marqueur pronostique chez les patients atteints de cancer, en indiquant l’aspect agressif du cancer mais aussi de marqueur prédictif d’une réponse à la thérapie (Hantraye et al. 2015).

La Figure 10 présente les différents mécanismes d’action des thérapies ciblées. Les anticorps monoclonaux sont uniquement administrés en intraveineux à l’hôpital. Ils visent une cible précise à la surface de la cellule. Les thérapies ciblées disponibles à l’officine peuvent être réparties en trois familles. Premièrement, les inhibiteurs de tyrosine kinases qui vont soit inhiber les récepteurs tyrosine kinases, soit inhiber les tyrosine kinases cytoplasmiques. Deuxièmement, les anti­angiogéniques qui ne vont pas directement agir sur la cellule cancéreuse mais sur son environnement en bloquant l’angiogenèse tumorale. Puis, les inhibiteurs de la voie Hedgehog qui sont uniquement représentés par le vismodégib, seul commercialisé (Divanon 2018).

Dix­huit localisations tumorales sont concernées par les thérapies ciblées dont les localisations les plus répandues sont le cancer du poumon non à petites cellules, le cancer du rein, les hémopathies malignes, les mélanomes et le cancer du sein. La majorité des thérapies ciblées concerne un seul type de cancer mais certaines molécules sont actives dans plusieurs types de cancers. Ceci s’explique par le fait qu’une molécule peut inhiber des mécanismes d’oncogenèse qui sont communs à différents cancers ou qu’une molécule peut agir sur différents mécanismes d’oncogenèse (INCa 2016b).

Figure 10 : Mécanisme d'action des thérapies ciblées (Divanon 2018)

La majorité des thérapies ciblées sont employées en monothérapie (62%). Dans la stratégie thérapeutique, plus de la moitié sont utilisées en première ligne chez les patients atteints d’hémopathie ou d’une tumeur solide localement avancée ou métastatique. Dans certaines atteintes comme la leucémie myéloïde chronique et le cancer du rein la stratégie thérapeutique repose essentiellement sur les thérapies ciblées (INCa 2016d).

En cas d’échec thérapeutique, plusieurs stratégies peuvent être proposées : poursuite de la même thérapie ciblée en association à une chimiothérapie cytotoxique, association de plusieurs thérapies ciblées agissant sur la même voie de signalisation mais appartenant à des classes différentes, recours à une thérapie ciblée de nouvelle génération. Afin d’éviter les résistances, deux thérapies ciblées qui agissent sur des voies de signalisation complémentaires peuvent être associées d’emblée (INCa 2016b).

La prescription d’une thérapie ciblée est conditionnée par la présence d’une altération moléculaire au sein de la tumeur du patient. L’utilisation de biomarqueurs prédictifs de la réponse permet d’identifier des populations de patients qui répondront à la thérapie et donc de se rapprocher d’une médecine personnalisée. Plus de la moitié des thérapies ciblées possèdent un biomarqueur conditionnant leur prescription. Un test négatif à un marqueur

prédictif permet de prédire une absence de réponse chez les patients mais un test positif ne garantit pas avec certitude une réponse au traitement (Labrosse et al. 2007). Mais étant donné le grand nombre de voies de signalisation altérées dans les tumeurs, il existe un nombre important de cibles potentielles à inhiber pour un même type de tumeur (Bouyer et al. 2010).

II.3.1 Les inhibiteurs des récepteurs tyrosine kinase

Les récepteurs à activité tyrosine kinase sont des récepteurs membranaires constitués de trois domaines : un domaine extracellulaire qui permet la liaison avec le ligand, un domaine transmembranaire et une région intracellulaire qui porte l’activité tyrosine kinase. Ces récepteurs sont impliqués dans la transduction intracytoplasmique du signal provenant du niveau extracellulaire. Ces récepteurs présentent de nombreuses altérations oncogénétiques. Elles peuvent être de deux types, soit des mutations activatrices au niveau du domaine tyrosine kinase soit des surexpressions de gènes. Les inhibiteurs des récepteurs tyrosine kinases sont des molécules de petites tailles qui ont la faculté de diffuser à travers la membrane plasmatique. Ils vont se fixer de façon compétitive sur le site de liaison de l’ATP et ainsi bloquer la fonction tyrosine kinase et interrompre la transmission du signal (Merlin 2008).

II.3.1.1 Les inhibiteurs de l’EGFR

Le récepteur à l’EGF (Epidermal Growth Factor) ou EGFR est un récepteur à activité tyrosine kinase. La fixation de son ligand entraîne l’autophosphorylation de résidus tyrosine kinases qui permet l’activation de plusieurs voies de transduction du signal de prolifération et de survie cellulaire. Il est souvent surexprimé dans les tumeurs et responsable d’une prolifération et d’une survie accrue des cellules tumorales. Les altérations oncogénétiques sont rencontrées dans plusieurs cancers : surexpression de l’EGFR dans le cancer du côlon, du sein, des voies aérodigestives supérieures, des glioblastomes et mutation du domaine tyrosine kinase dans certains cancers du poumon non à petites cellules (J. Robert 2011).

Par exemple, environ 10% des patients atteints de cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) vont présenter la mutation activatrice du gène de l’EGFR. Les CBNPC représentent 80% des cancers pulmonaires. Cette mutation se retrouve le plus souvent chez les femmes, les non­fumeurs, les personnes d’origine asiatique ou chez les personnes atteintes

d’adénocarcinome. Une mutation du gène de l’EGFR sera recherchée avant de débuter un traitement par inhibiteur de l’EGFR (Cadranel et al. 2013).

Les inhibiteurs de l’EGFR inhibent sélectivement l’activité tyrosine kinase des récepteurs à l’EGF. Les voies de signalisation qui favorisent en aval la prolifération cellulaire tumorale sont alors inhibées (Hantraye et al. 2015). La place des thérapies anticancéreuses orales est majeure chez les patients atteint de cancer du poumon non à petite cellule avec une mutation de l’EGFR même si ces thérapies ne s’adressent qu’à une minorité de patients (INCa 2016d).

Le Tableau 9 présente les caractéristiques des différents inhibiteurs de l’EGFR disponibles à l’officine. L’erlotinib et le géfitinib sont des inhibiteurs de première génération. Ils ont permis d’améliorer l’évolution des cancers bronchiques non à petites cellules présentant une mutation activatrice de l’EGFR. La survie médiane est de 10 mois sous une thérapie ciblée au lieu de 6 mois pour les patients traités par cisplatine qui ne présentent pas de mutation activatrice. Cependant, des résistances ont émergé du fait de la pression de sélection exercée par ces deux molécules. Les clones résistants au gefitinib et à l’erlotinib sont caractérisés par une mutation supplémentaire de l’EGFR qui transforme le site de liaison à l’ATP empêchant l’inhibiteur de fonctionner. D’autres molécules de seconde génération ont alors été développées afin de pallier ces résistances (Robert 2015; Hantraye et al. 2015).

Tableau 9 : Inhibiteurs de l'EGFR (OMEDIT Haute Normandie 2016c)

Molécules Indications Mode d’administration

Erlotinib TARCEVA®

Cancer bronchique non à petites cellules

Cancer du pancréas

Une prise par jour à jeun le matin. Il est possible de disperser les comprimés dans un peu d’eau.

Gefitinib IRESSA ®

Cancer bronchique non à petites cellules

Au cours ou en dehors des repas à heure fixe. Il est possible de disperser les comprimés dans un peu d’eau.

Afatinib GIOTRIF ®

Cancer bronchique non à petites cellules

Une prise par jour à heure fixe à

distance de l’alimentation. Il est possible de disperser les comprimés dans 100 ml d’eau.

Lapatinib TYVERB ®

Cancer du sein Une prise par jour à heure fixe à distance de l’alimentation.

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