• Aucun résultat trouvé

Les systèmes CRIPSR-Cas

Dans le document FACULTE DE MEDECINE DE TOURS (Page 33-38)

C. Génétique des populations bactériennes

4. Les systèmes CRIPSR-Cas

Les systèmes CRISPR-Cas sont constitués d’un locus CRISPR (Clustered Regularly Interspaced

Short Palindromic Repeats) et d’un ensemble de gènes cas (CRISPR associated), codant

respectivement des ARN interférents et des protéines Cas ; l’ensemble forme un système de

dégradation ciblant les EGM, et en particulier les acides nucléiques phagiques après leur

entrée dans la cellule. Ils sont actuellement retrouvés chez 83 % des Archaea et 45 % des

bactéries et ont la particularité de leur conférer une immunité adaptative (Grissa et al.,

2007). Celle-ci est acquise par l’intégration de courts fragments d’ADN d’origine exogène au

sein d’un locus CRISPR. Sa structure se compose de séquences répétées de 23 à 47 paires de

bases (pb), partiellement palindromiques et hautement conservées au sein d’un locus

CRISPR appelées « Direct Repeats » (DR) séparés par des séquences uniques de taille

relativement bien conservée au sein d’un locus donné (de 21 à 72 pb) appelées « Spacers »

et correspondant aux fragments capturés et intégrés entre 2 DR de façon polarisée du côté

de la séquence « Leader ». A proximité de ce locus, on retrouve l’ensemble des gènes cas

organisé en opéron et codant un ensemble variable de protéines de fonction hétérogène

mais essentielles au fonctionnement du système CRISPR-Cas (Figure 9).

Figure 9 : Représentation schématique de la structure génétique d’un système CRISPR-Cas. Les gènes cas organisés en opéron, codent chacun une protéine Cas essentielle au fonctionnement du système. A proximité se trouve le locus CRISPR constitué de séquences répétées, ou DR, conservées au sein d’un même locus (représentées en bleu), séparées de séquences variables ou « spacers » (de couleur variable). Le locus débute et se termine par un DR. Le DR terminal désigné ici par la lettre « T » présente souvent un caractère dégénéré ou tronqué par rapport à la séquence du DR consensus ((Barrangou et al., 2007). La séquence « Leader », précédant directement le premier DR, contient le promoteur de transcription du locus.

En raison de l’évolution dynamique et rapide de ces systèmes en réponse à la pression

sélective et évolutive exercée par les EGM et de la complexité de l’architecture génomique

qui en résulte, il existe une très grande variabilité dans l’organisation de ces systèmes pour

lesquels une classification a été proposée par Makarova (Makarova et al., 2011). Cette

dernière repose sur la composition en gènes cas et considère les gènes cas1 et cas2 comme

le « core » du système, gènes universels présents dans tous les systèmes CRISPR-Cas

potentiellement fonctionnels. Les types et sous-types sont alors définis par un gène cas

spécifique. La Figure 10 représente la composition des opérons cas au sein de chaque type et

sous-type.

Figure 10 : Représentation et relations phylogénétiques entre les 3 types et dix sous-types d’opérons cas selon la classification définie par Makarova (Makarova et al., 2011). Seule l’architecture typique d’opéron pour chacun des types et sous-types de système CRISPR-Cas est représentée. Les gènes cas sont représentés par des

Malgré cette évidente variabilité génique, tous les systèmes CRISPR-Cas possèdent un

mécanisme d’action analogue en trois étapes :

1. L’immunisation ou adaptation

2. L’expression de l’immunité

3. L’interférence

L’immunisation ou adaptation aboutit à l’intégration d’un nouveau couple DR/spacer à

l’extrémité du locus CRISPR contigu à la séquence « Leader ». Dans les 3 types de systèmes

CRISPR-Cas, cette étape est sous la dépendance des protéines Cas1 et Cas2. La séquence

proto-spacer correspond à la séquence d'ADN phagique cible du système CRISPR-Cas. Le

choix de cette séquence au niveau de l’EGM d’origine exogène semble être sous la

dépendance d’une séquence adjacente spécifique appelée « Proto-spacer Adjacent Motif »

(PAM) pour les systèmes CRISPR-Cas de type I et II. Le proto-spacer est alors intégré dans le

locus CRISPR sous forme de spacer.

L’expression de l’immunité correspond à la transcription du locus CRISPR sous forme d’un

long transcrit pré-crRNA qui subit une maturation en petits ARN interférents ou crRNA. Les

crRNA matures sont associés à des protéines Cas au sein du complexe crRNP

(CRISPR-ribonucléoprotéine) qui permet la surveillance immunitaire et la reconnaissance d’acides

nucléiques exogènes.

Lors de la phase d’interférence, ceux-ci permettent le ciblage par complémentarité d’acides

nucléiques exogènes aboutissant à leur clivage par des nucléases spécifiques (Figure 11).

Figure 11 : Représentation du mécanisme d’action du système CRISPR-Cas (Sorek et al., 2013). Une fraction de l’ADN phagique injecté va être reconnue comme étrangère et intégrée sous forme de spacer au locus CRISPR. Cette étape, dite d’immunisation, d’adaptation ou d’acquisition, fait intervenir les protéines universelles Cas1 et Cas2 ainsi que la séquence PAM permettant la reconnaissance de la séquence proto-spacer. Au cours de l’étape d’expression le locus CRISPR dans son ensemble est transcrit en long pré-crRNA qui subit une maturation en petits crRNA interférents. Ceux-ci vont reconnaître, par complémentarité de séquence, les acides nucléiques exogènes et guider les protéines Cas, en particulier des nucléases qui assureront la dégradation de ce matériel génétique exogène.

Les deuxième et troisième étapes font intervenir des mécanismes variables en fonction du

type de système CRISPR-Cas (Figure 12).

Figure 12 : Mécanismes de l’expression et de l’interférence dans les 3 types de systèmes CRISPR-Cas (Barrangou and Marraffini, 2014). Les pointes de flèche noires indiquent les sites de clivage du pré-crRNA, Les pointes de flèche blanches indiquent les sites de maturation complémentaires éventuels pour obtenir un crRNA mature (mat-crRNA) à partir d’un crRNA intermédiaire (int-crRNA). A. Dans les systèmes CRISPR-Cas de type I, la maturation du pré-crRNA en crRNA est réalisée par la protéine Cas6 (ou Cas5 dans le sous-type I-C) au sein du complexe crRNP dit Cascade (CRISPR-associated complex for antiviral defense). Le complexe Cascade recrute la nucléase Cas3 pour cliver le brin d’ADN complémentaire du proto-spacer immédiatement en aval de la zone d’interaction avec le crRNA. B. Dans les systèmes de type II, l’hybridation d’un tracrRNA, complémentaire de la région DR du pré-crRNA, est nécessaire pour permettre le clivage de l’ARN double brin par la RNase III, ribonucléase bactérienne n’appartenant pas au système CRISPR-Cas. La protéine Cas9 est un cofacteur essentiel à cette étape. Le crRNA subit ensuite un clivage secondaire. C. Dans les systèmes de type III, Cas6 clive le pré-crRNA générant des crRNA intégrés à un complexe équivalent au complexe Cascade (Csm/Cas10 pour le sous-type III-A ou Cmr/Cas10 pour le sous-type III-B).

En plus de la défense contre les bactériophages, des études fonctionnelles ont attribué

d’autres rôles aux systèmes CRISPR-Cas notamment la régulation de la lysogénie et de façon

plus large, la régulation et la préservation d’une diversité du mobilome chez S. agalactiae

(Lopez-Sanchez et al., 2012; Marraffini and Sontheimer, 2008).

Qu’il s’agisse des VNTR impliqués dans des mécanismes de « phase variation » et « antigenic

variation » permettant une certaine plasticité face à des modifications environnementales

brutales, des spacers intégrés au sein des systèmes CRISPR-Cas assurant une immunité

adaptative vis-à-vis des agressions de bactériophages, ou du contenu prophagique du

génome permettant à la bactérie un gain de « fitness » par l’acquisition de nouveaux gènes,

la modification d’expression de certains facteurs préexistants ou le développement d’une

résistance à l’infection phagique ; tous ces marqueurs moléculaires constituent des témoins

de l’histoire évolutive d’une lignée et une carte d’identité pour chaque souche. Ces

marqueurs constituent ainsi des cibles idéales pour le développement de méthodes de

typages avec un pouvoir discriminant potentiellement excellent.

Dans le document FACULTE DE MEDECINE DE TOURS (Page 33-38)

Documents relatifs