• Aucun résultat trouvé

Contexte de l’application et implication pour la modélisation

3 Les stratégies de maîtrise des contaminations des eaux

En France, la prise en compte des problèmes de contaminations des eaux par les produits phytosanitaires agricoles d’origine diffuse a principalement commencé dans les années 90, avec la mise en place de plusieurs outils de diagnostic.

Un des outils, développé au sein de la Cellule d’Orientation pour la Protection des Eaux contre les Pesticides2 (CORPEP) et repris sous une forme similaire par le Comité d’Orientation pour la Réduction de la Pollution des Eaux par les Nitrates, les phosphates et les produits phytosanitaires provenant des activités agricoles3 (CORPEN), est la mise en œuvre d’un diagnostic permettant d’encourager l’agriculteur à raisonner ses pratiques de désherbage à la parcelle vis à vis d’un risque de transfert des produits phytosanitaires vers les cours d’eau. Cette méthode applicable sur le terrain utilise des critères simples et facilement observables par le conseiller ou par l’agriculteur. Ce diagnostic repose sur un niveau de risque parcellaire (Aurousseau et al., 1998a ; tableau 2.2) calculé à partir de la méthode SIRIS4. Il est complété par différentes préconisations tels que le choix des produits ou la mise en place de zones de protection du cours d’eau.

Tableau 2.2 : Table de détermination des rangs SIRIS pour le risque parcellaire.

2 La CORPEP est une cellule technique de concertation entre tous les acteurs concernés par la pollution des eaux par les produits phytosanitaires sous l’égide de la préfecture de région. Elle a pour missions d’élaborer, centraliser, orienter les projets d’étude et d’orienter les choix à prendre pour la lutte contre la pollution de l’eau par les pesticides.

3 Le CORPEN est une cellule technique de concertation au niveau national et créée à la suite de la directive cadre européenne sur l’eau de 1980.

4 La méthode SIRIS (Système d’Intégration des Risques par Interaction de Scores) proposée par Vaillant et al.

(1995) est une méthode hiérarchique qui ne nécessite pas la définition des gravités des facteurs mais seulement le classement hiérarchique des facteurs de risque du plus grave au moins grave. Elle met en fait en oeuvre des règles complémentaires de synergie entre facteurs (appelées auto-pénalisation par Vaillant) qui rendent le système déterminé (Aurousseau, 2004).

Le niveau de risque parcellaire est déterminé à partir de 5 critères par ordre hiérarchique :

• la longueur du chemin de l'eau de l’exutoire de la parcelle jusqu’au réseau hydrographique fonctionnel ;

• le gradient de pente moyenne de la parcelle le long du parcours de l’eau ;

• la présence d’un réseau de drainage ;

• la longueur de la parcelle dans le sens de la pente ;

• la présence de protection aval (bandes enherbées, dispositif haie-talus, …). Les deux premiers critères sont des facteurs intrinsèques à la parcelle. Par contre, les trois derniers peuvent être modifiés et contribuer à diminuer le niveau de risque. Pour le calcul du rang SIRIS, les facteurs de risque les plus importants sont les facteurs intrinsèques à la parcelle.

Le diagnostic de risque parcellaire est appliqué sur les bassins versants concernés par le programme Bretagne Eau Pure (BEP5). Il peut être effectué dans le cadre des Engagements de Progrès Agronomiques (EPA6) sur ces bassins mais aussi réalisés dans le cadre d’un Contrat Territorial d’Exploitation (CTE7) sur les exploitations bretonnes qui en font la demande. Fin 2003, les parcelles classées totalisent plus de 90 000 hectares dans le cadre du programme BEP (http://www.bretagne-eau-pure.org) et plus de 100 000 hectares dans le cadre des CTE.

Le diagnostic de parcelle à risque a ses limites. Les critères sont statiques et indépendants :

• des conditions climatiques ;

• de l’évolution de l’état de surface du sol et donc d’une évolution de la sensibilité au ruissellement ;

• de la nature des surfaces traversées par l’eau de ruissellement de la parcelle au cours d’eau ;

• des relations hydrologiques entre les parcelles et le bassin versant.

5 Le programme BEP cible les entités hydrologiques que sont les bassins versants. C’est un programme d’action axé sur des démarches participatives à partir de contrats passés avec les acteurs locaux des bassins versants concernés. Pour sa partie phytosanitaire, ses objectifs sont de sensibiliser, responsabiliser les utilisateurs de produits phytosanitaires vis à vis des problèmes environnementaux et des risques de santé publique liés à ces produits et de proposer des solutions pour limiter ces risques.

6 Les EPA ont été initiés par la Région Bretagne dans le cadre du programme BEP. Les agriculteurs s’engageant dans un EPA bénéficient d'un appui technique et financier durant trois ans : diagnostic conduisant à un projet environnemental de l'exploitation, conseil agronomique, accompagnement pour développer de nouvelles pratiques (fertilisation plus équilibrée, utilisation réduite des produits phytosanitaires...).

7 Les CTE ont été remplacés par des Contrats d’Agriculture Durable (CAD) en 2003. Ce sont des contrats entre l’État et un exploitant agricole qui ont pour objectif la mise en place de mesures agro-environnementales sur les exploitations agricoles.

Des résultats sur des bassins versants du programme BEP (DIREN Bretagne, 2001 ; http://www.bretagne-eau-pure.org) montrent une diminution du niveau de contamination sur certaines molécules, mais les molécules désormais retrouvées sont beaucoup plus diverses. De plus, il existe encore de fréquents dépassements du seuil de potabilité dans les eaux de surface dans de nombreux cas. Cependant, ce diagnostic a l’avantage de pouvoir être utilisé rapidement et directement sur le terrain auprès des agriculteurs afin de les sensibiliser aux risques de ruissellement et de transfert des pesticides. Ce diagnostic est perçu positivement par les agriculteurs.

Depuis 2001, le choix des bassins versants du programme BEP s’est porté prioritairement sur des secteurs qui sont l'objet d'un contentieux européen et sur des secteurs considérés comme stratégiques pour l'approvisionnement en eau de la Bretagne au titre du Contrat de Plan État / Région 2000-2006. 45 bassins versants font maintenant partie du programme (figure 2.4). Ils représentent presque 40 % du territoire breton et 60 % de la production d'eau potable. Les bassins versants ont des superficies comprises entre une dizaine et un millier de kilomètres carrés.

Figure 2.4 : Situation des 45 bassins versants du programme Bretagne Eau Pure.

Au niveau national, les actions locales de gestion de la ressource en eau et donc de la protection de la qualité de l’eau passe par les Schémas d’Aménagement et de Gestion des Eaux qui sont délimités par des bassins versants.

Trois notions importantes peuvent être retenues :

• les actions incitatives et participatives se font au niveau de bassins versants de tailles moyennes (1 à plusieurs centaines de kilomètres carrés) ;

• l’unité d’action est la parcelle. C’est sur celle-ci que sont mis en place les aménagements pour limiter les transferts de pesticides ;

• les outils de diagnostic sont basés sur des indicateurs de risques tel que le classement des parcelles à risque. Ce diagnostic donne un niveau de risque en fonction de critères géographiques, morphologiques et d’éléments favorisant ou défavorisant les transferts d’eau de la parcelle au cours d’eau.

Le classement des parcelles à risque n’intègre pas ou très peu les critères spatiaux et temporels tels que :

− l’allocation temporelle des applications de pesticides dans le bassin versant ;

− les relations entre la date d’application et la chronique de pluie et, de façon plus générale, la variabilité climatique ;

− l’influence des aménagements tels que les réseaux bocagers en fonction de l’arrangement des cultures dans le paysage.

Il n’intègre donc pas l’état hydrique et l’état structural de la surface du bassin.

Des contaminations existent encore. Le diagnostic de parcelle à risque n’explique que de façon très partielle les causes et conditions qui ont amené ces contaminations. Il ne permet pas non plus d’évaluer les effets des actions menées ou d’apprécier les observations qui en découlent. Il est pourtant très utile car il permet de passer du diagnostic à l’action sans toutefois donner de valeur à l’action et de sensibiliser les acteurs locaux aux modes de transfert de l’eau et des éléments chimiques.