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CHAPITRE III – ANALYSE DES ENTRETIENS

1. Le travail

1.2 Les responsabilités

1.2.1 Les responsabilités légales

Les interviewés affirment devoir rencontrer des responsabilités légales : ils disent devoir s’assurer du respect des conditions imposées aux personnes délinquantes, et devoir prendre action le cas échéant. Ces responsabilités varient toutefois selon le mandat des participants que nous avons rencontrés.

Ainsi, une des responsabilités légales les plus importantes qui ressort des propos des agents de probation est celle de devoir agir lorsqu’un justiciable contrevient à ses conditions ou tarde à les respecter. Ils indiquent que cette obligation d’agir peut consister en une simple rencontre d’avertissement avec lui, et peut aller jusqu’à l’application de sanctions, telle la suspension de sa libération conditionnelle.

« Moi, je peux convoquer une rencontre tripartite ou une rencontre qu’on appelle pré-suspension […] Là, je vais lui dire [au contrevenant] : « ben là, vous savez que vous avez des obligations comme faire telle, telle, telle démarche. C’est important que vous entamiez ça, autrement on va être obligé de peut-être suspendre la libération conditionnelle, et peut-être éventuellement révoquer la libération conditionnelle. ». » (Gabriel, agent de probation)

Les agents de probation parlent de leur pouvoir de recommandation comme faisant partie intégrante de leur devoir d’agir. Ils expliquent devoir soumettre des recommandations aux instances légales afin de les orienter dans leur prise de décision.

« Donc finalement, quand y a un bris qui m’est rapporté […], l’intervenant communautaire va faire un rapport. Moi, je vais prendre le rapport de l’intervenant communautaire. Pis moi, je vais faire mon propre rapport […] Pis je vais faire mes recommandations, finalement, à la CQLC. » (Gabriel, agent de probation)

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De leur côté, les intervenants du secteur communautaire que nous avons rencontrés affirment avoir un pouvoir restreint au plan légal. L’ensemble d’entre eux reconnait ainsi avoir

peu ou pas de latitude, leur travail se résumant à rapporter des faits à l’agent de probation. « Les conditions légales, ben ça, on a beaucoup moins de jeu […] on est jumelé à des agents de probation, qui eux, ont le mandat légal. Donc, c’est eux qui vont mettre le pied à terre si jamais y a de quoi à faire […] Nous, notre travail, c’est de regarder le gars aller pis de rapporter des choses. » (Karl, intervenant en milieu communautaire)

Dans le cas de la mesure d’emprisonnement avec sursis, les intervenants du milieu communautaire spécifient quant à eux que la responsabilité légale d’obligation d’agir leur incombe. Ils expliquent être responsables, pour cette mesure uniquement, de poser des actions suite à un manquement aux conditions. Ainsi, ils considèrent avoir une latitude importante dans ces dossiers : « Fait que, je te dirais que c’est vraiment au niveau du sursis que moi, j’ai

plus de latitude pis je gère mes choses de façon autonome. Pis l’agent [de probation], son rôle est un peu plus effacé. » (Ian, intervenant en milieu communautaire).

Le jugement personnel ressort comme un élément important quand vient le temps pour nos interviewés d’exercer leur obligation d’agir. Ils disent considérer d’abord le niveau d’investissement du justiciable, appliquant des sanctions uniquement s’ils estiment que ce dernier met peu d’efforts dans la réalisation de sa mesure ou s’il y a déjà contrevenu.

« Tu te fies quand même beaucoup à ton jugement. Par exemple, le gars qui a un an de sursis. Ça fait six mois, c’est son premier avis de manquement à cause d’une vérification téléphonique négative. C’est quelqu’un qui est toujours à date, toujours à ses affaires. Tu te dis « bon, on va y laisser une chance » […] Y peut y en avoir aussi qui manquent souvent. Soit qu’ils se présentent pas à leurs rendez-vous, qui ont souvent des avis comme quoi ils étaient pas présents lors des appels. Ben là, dans ce temps-là, on va se dire « ok là, y prend vraiment pas sa mesure au sérieux. ». » (Caroline, intervenante en milieu communautaire)

Parallèlement au niveau d’investissement du justiciable, quelques-uns de nos participants, cumulant généralement une plus grande expérience, précisent exercer leur devoir d’agir en regard des impacts que leur action pourrait avoir sur ce dernier. Ils soutiennent appliquer une sanction s’ils estiment qu’elle ne causera pas un tort trop important à l’individu.

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« Théoriquement, s’ils viennent pas [aux rendez-vous], je serais obligé de faire des manquements. Mais là, ça va tellement tout croche dans leur vie […] Même si légalement, on devrait automatiquement déclarer, si on fait ça, on s’entend que 80% de notre clientèle aurait peut-être des manquements dès la première semaine. À quoi ça va servir que je fasse ça? C’est tu nécessaire? » (François, agent de probation)

Dans le cadre de leur obligation d’agir, nos interviewés disent finalement devoir considérer la mesure dont bénéficie le délinquant avant d’appliquer une sanction. Les participants rencontrés disent pouvoir difficilement attester d’un bris de condition au dossier d’un contrevenant en probation, puisque ceci constitue une accusation ne pouvant être admise qu’avec une preuve hors de tout doute raisonnable. Au contraire, ils soutiennent qu’il est beaucoup plus facile de porter un bris de condition pour un individu évoluant en libération conditionnelle ou en sursis, un simple soupçon à cet effet étant suffisant.

« En probation, le gars me dit qu’il consomme, je peux pas faire grand-chose. C’est de lui remettre en perspective les conséquences qu’il peut avoir […] Au niveau du sursis, le pouvoir discrétionnaire a un petit peu plus lieu d’être. » (Caroline, intervenante en milieu communautaire)

« Dès qu’il y a un écart, j’entre en jeu […] On va être beaucoup plus strict au niveau d’une libération conditionnelle. C’est les règles du terrain. Si y a un écart, immédiatement on peut ramener la personne en détention. » (Ophélie, agente de probation)

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