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CHAPITRE 1: Les espaces publics en ville : un enjeu urbain

3. Les rôles des espaces publics dans la ville

Les éléments de définition qui viennent d’être présentés ne donnent qu’une image tronquée de ce que sont les espaces publics tels que les voit le géographe dans ces observations de terrain. En effet, ces éléments de définition ne permettent pas de s'intéresser aux rôles tant fonctionnels que sociaux des espaces publics dans la ville. L’enchevêtrement des usages et la multitude des interactions sociales qu’il implique ne sont ainsi pas pris en compte. Dans le troisième temps de ce premier chapitre, on va donc s’attacher à étudier ces divers éléments.

3.1. Rôle fonctionnel : séparer/relier/rendre visible

3.1.1. Séparer/relier : la métaphore de la table

La forme d’un espace public, on l’a vu, est constituée de pleins et de vides. Plus précisément, elle se caractérise souvent par un espace central libre, bordé ou entouré de constructions. Ce type de structuration correspond au rôle fonctionnel que les espaces publics jouent dans la ville. Ils séparent des bâtiments ou des lieux qu’en même temps ils relient. Ainsi, ils rendent possible le fonctionnement des villes. On retrouve ici la métaphore de la table proposée par H. Arendt pour décrire ce qu’elle nomme le « domaine public » : « Vivre ensemble dans le monde : c’est dire essentiellement qu’un monde d’objets se tient entre ceux qui l’ont en commun, comme une table est située entre ceux qui s’assoient autour d’elle ; le monde, comme tout entre-deux, relie et sépare en même temps les hommes » (Arendt, 1961, 92).

Ce double rôle appelle deux précisions. En tant qu’espace de séparation les espaces publics ne sont pas équivalents à de simples espaces libres résiduels entre les espaces privés. Ils ont un statut particulier qui fait obéir leur gestion et leurs usages à une série de règlements. La séparation

7 Pierre Mayol, comme cela a déjà été relevé (p. 16), décrit ainsi cette méthodologie : « travailler la matière objective

qu’ils créent n’est pas vide de sens, elle est chargée d’une importante symbolique politique. Comme espace de liaison, ils induisent des circulations. On retrouve là l’idée d’A. Cauquelin qui rappelle que « le vide est le lieu où se nouent les relations et qui appelle le mouvement » (Cauquelin, 1982, 81). En fait, le rôle de séparation se joue sur fond d’une symbolique de la communauté et la fonction de liaison à partir d’un manque créateur de mobilité. Cette fonction paradoxale des espaces publics se retrouve dans les éléments de définition que propose I. Joseph. Ils sont au nombre de trois mais recoupent assez largement les deux rôles qui viennent d’être décrits. I. Joseph invite en effet à considérer l’espace public à la fois comme un « territoire commun ou neutre », comme un « espace interstitiel d’accommodation et d’ajustement réciproque » et comme un « territoire de la mobilité et du déplacement » (Joseph, 1998 A). Les idées de séparation et de liaison réciproque sont bien présentes dans ces propositions même si elles négligent peut être un peu la complexité spatiale des lieux publics en les considérant comme des territoires « neutre[s] » ou « interstitiel[s] ».

Une nuance doit être apportée quant à l’application d’une telle conception du rôle des espaces publics à tous les espaces publics urbains. Il semble que si ce rôle est effectif dans les espaces publics de formes traditionnelles des centres villes, il n’en va pas de même dans les espaces aménagés selon les principes de l’urbanisme fonctionnaliste. En séparant les espaces urbains selon quatre fonctions à satisfaire, Le Corbusier (Le Corbusier, 1971) et les autres architectes du mouvement moderne ont séparé les lieux d’habitation, de travail, de loisir et de circulation. C’est ce dernier point qui importe ici dans la mesure où sont ainsi apparus des espaces publics ayant pour seules fins les déplacements pendant que d’autres, bien souvent sous l’appellation d’espaces verts, n’étaient aménagés que pour aérer les constructions. Dans les parties de ville héritées de cette période, une réduction du rôle fonctionnel double qui caractérise la plupart des espaces publics traditionnels s’est donc produite. Certains espaces ont séparé pendant que d’autres reliaient.

3.1.2. Des espaces pour voir la ville

En tant que séparation/liaison, les espaces publics ont une autre fonction dans la ville, celle de permettre de prendre suffisamment de recul pour pouvoir la regarder. Ainsi sont-ils parfois pensés pour produire des effets de perspective qui servent à mettre en valeur certains édifices. Plus couramment, les espaces publics sont bordés de façades qui marquent la transition entre l’intérieur et l’extérieur, et bien souvent l’entrée dans un espace privé. Ces façades s’offrent à la vue depuis la rue ou la place. Inversement, parce qu’elles sont percées de fenêtres, elles permettent d’observer depuis l’intérieur ce qui se passe au dehors. En s’inscrivant dans ce jeu des regards elles participent

nouveau un parallèle entre cette fonction de mise en visibilité de la ville (de sa matérialité autant que de ses usages) permise par l’existence d’espaces publics urbains et l’importance qu’accorde H. Arendt à cette caractéristique dans la description du « domaine public » de l’action politique : « l’action veut la lumière éclatante que l’on nommait jadis gloire, et qui n’est possible que dans le domaine public » (Arendt, 1961, 237).

Les différents rôles qui viennent décrits ont été qualifiés de fonctionnels parce qu’ils occupent une grande place dans l’existence et les usages des espaces publics. Toutefois, une approche strictement fonctionnelle ne permet pas de rendre compte de leur complexité. Comme le note J. Lévy « l’espace public est (…) une utopie fonctionnelle, participant activement de la vie urbaine concrète. » (Lévy et Lussault, 2003, 337)

3.2. Des espaces d’interactions sociales en public

3.2.1. Les interactions interindividuelles non verbales

L'étude des espaces publics urbains s’est jusqu’ici surtout attachée à les décrire et à les analyser en tant qu’espaces, en ne considérant leurs usages qu’assez succinctement. Il faut maintenant s’efforcer de comprendre leurs usages en utilisant les principales notions de la microsociologie.

La notion d’interaction interindividuelle fait directement référence aux travaux d’E. Goffman sur les relations en public (Goffman, 1973, 1974). Dans La mise en scène de la vie quotidienne (Goffman, 1973), il montre comment la coprésence d’individus donne lieu à des interactions multiples qui sont en quelque sorte un « ciment social » invisible (ou, plus exactement, auquel on ne prête pas attention en général) mais toujours actif. Il se traduit concrètement par les formules de politesse, les habitudes de langage ou encore par les postures physiques et il vise à garantir à chaque « acteur » la possibilité de « sauver la face » (Goffman, 1974, 12) dans ses contacts avec les autres individus. Cette microsociologie des interactions de face à face permet notamment à E. Goffman de montrer comment se mettent en place des coopérations entre acteurs qui forment ainsi des « équipes » (Goffman, 1973, 79-104) et comment ceci se traduit spatialement par la mise en place d’une « scène » et de « coulisses » (Goffman, 1973, 110).

Les interactions en public (Goffman, 1974) commencent par un chapitre intitulé « Les unités véhiculaires » dans lequel E. Goffman insiste sur les interactions interindividuelles non verbales en

maintenir sauve leur personne en protégeant le micro-espace personnel qui l’entoure. Ce passage permet d’analyser par exemple le croisement de deux individus dans la rue comme un processus d’interaction, même si celui-ci se réduit à une forme d’expression limitée.

Les travaux d’E. Goffman ont inauguré le développement d’un champ nouveau d’analyse et d’interprétation des sociétés et plus particulièrement des moments où leurs membres sont coprésents. Cette grille de lecture s’applique aussi bien aux espaces privés les plus intimes qu’à ceux ouverts au public. Elle a été largement utilisée dans l’étude des espaces publics urbains (Bordreuil, 2000). Toutefois, comme R. Sennett (Sennett, 1979) le souligne, elle ne permet pas de connaître les valeurs que les acteurs prêtent à ces différents espaces. Dans le cadre de cette définition de la « partie sociale » des espaces publics urbains, la notion d’interaction interindividuelle non verbale est fondamentale à retenir même si elle doit être adaptée aux spécificités des interactions dans les lieux publics urbains.

3.2.2.Les interactions dans les espaces publics urbains : multiplicité, diversité, aléatoire

G. Simmel (Simmel, 1989) a proposé une interprétation des interactions dans les lieux publics des grandes métropoles qui a inspiré les réflexions d’E. Goffman. Il semble que son analyse des interactions soit mieux à même de rendre compte du type d’interaction qui accompagne les usages des espaces publics. La notion de « réserve » (Simmel, 1989, 241) lui permet de définir un type d’attitude propre aux habitants des grandes villes en dépassant le constat de leur comportement blasé. G. Simmel montre comment ces habitants sont amenés à adopter une attitude réservée lorsqu’ils sont dans des lieux publics tels que les rues, les places ou le métro. Ceci découle de la multitude des contacts sociaux qui s’offrent à eux dans ces lieux où se côtoient un très grand nombre d’individus. Les citadins ne peuvent pas s’engager dans des relations approfondies avec toutes les personnes qu’ils croisent. La « réserve » qu’ils adoptent leur permet de conserver une certaine distance vis-à-vis de la foule ; elle les sécurise aussi dans la mesure où, dans un rassemblement d’inconnus, la méfiance prime. Ainsi, les interactions dans les lieux publics des grandes villes prennent la forme de comportements d’accommodement dus à la multiplicité des individus et à la dimension aléatoire des rencontres.

Ce type de conduite ne marque pas une absence de relation mais une forme de contact dans laquelle l’expansivité est réduite au maximum. Les travaux de R. Sennett (Sennett, 1979)

comment les interactions dans les espaces publics sont passées entre le XVIIIème et le XIXème siècle des « présentations » expressives de caractères impersonnels à des « représentations » très limitées, « réservées », de caractères personnels (Sennett, 1979, 25-33). Ceci coïncide avec l’avènement de la société industrielle capitaliste mais surtout avec la place de plus en plus grande accordée à la « psyché » individuelle. R. Sennett explique aussi comment les formes et les contenus des interactions dans les lieux publics ont évolué concomitamment à la croissance des villes et surtout au développement de leur dimension cosmopolite. Dans des villes où les individus sont de plus en plus nombreux et où ils se reconnaissent de moins en moins, tout en considérant que leurs conduites traduisent ce qu’ils « sont », l’attitude réservée devient le modèle dominant du comportement en public (Sennett, 1979, 152).

R. Sennett considère que la « personnalisation » (Sennett, 1979) du domaine public induit sa disparition dans la mesure où tout code commun disparaît. Il fait un parallèle entre l’émergence de cette passivité publique et les transformations que connaît au XIXème siècle l’échange marchand avec l’apparition des grands magasins. A la sociabilité marchande expansive basée sur le marchandage se substitue la passivité des clients des grands magasins confrontés à la diversité des produits et à l’existence d’un prix fixe (Sennett, 1979, 115). R. Sennett lie aussi ces transformations des interactions en public aux changements que connaît la ville et qui marque la séparation des groupes sociaux. C’est en effet au XIXème siècle que se met en place dans les grandes villes françaises, à travers l’haussmannisation, une structuration urbaine qui éloigne les différentes catégories sociales. Il montre comment ceci est la continuation de logiques qui ont émergé au siècle précédent avec le dégagement des places publiques à Paris. Ces logiques conçoivent les espaces publics comme des lieux d’exposition dans lesquels le frottement social, inhérent à la confrontation directe d’individus de rang différent, est fortement diminué.

Il ressort des analyses de G. Simmel et de R. Sennett que les interactions dans les lieux publics traduisent à la fois les conceptions dominantes de la délimitation du privé et du public et les spécificités des espaces urbains. Les principales contraintes découlent de la multiplicité potentiellement illimitée des rencontres, de la diversité des formes et des figures auxquelles elles renvoient et enfin de la forte dimension aléatoire qui pèse sur chacune des interactions. Ainsi, les espaces publics apparaissent comme les espaces de l’altérité et du risque.

3.2.3. L’espace public conflictuel

Les interactions interindividuelles dans les espaces publics urbains revêtent, comme le rappelle A. Picon (Picon, 2001), une part de risque et de danger. En effet, dans les lieux publics, et plus largement dans la ville, « le conflit et la violence constituent un volet essentiel (…) une sorte de symétrique de la cohabitation harmonieuse des contraires et du dialogue » (Picon, 2001, 23). Ainsi, les croisements entre les usagers sont autant d’occasions de micro-conflits découlant de la dialectique entre la maîtrise d’une trajectoire et la protection de l’intégrité d’un espace personnel. Mais, plus fortement encore, en rendant visibles les uns aux autres les différents constituants du corps social urbain, les espaces publics « donnent à voir les différences économiques et culturelles dans un dessein qui n’a rien d’intégrateur » (Picon, 2001, 24). Même si une telle conception est à nuancer, les interactions interindividuelles dans les espaces publics urbains traduisent bien des tensions. La forme agressive qu’elles prennent parfois révèle la complexité des relations sociales en public, entre affirmation de soi, confrontation et/ou négation de l’autre. La compréhension de ces interactions ne peut donc pas se réduire à la lecture affadie qui les conçoit dans un « idéal de plénitude » (Picon, 2001, 23).

En plaidant pour une analyse des espaces publics et de leurs usages qui ne masque pas leur versant conflictuel, A. Picon dresse un constat « réaliste » des interactions interindividuelles dans les espaces publics. Pour s’en convaincre, il suffit de reprendre des études menées à des époques et dans des lieux différents qui saisissent ce caractère conflictuel. L’historienne A. Farge (Farge, 1979), en travaillant sur les rues de Paris au XVIIIème siècle à partir de rapports de police, permet de se rendre compte de l’enchevêtrement des usages des lieux publics dans cette ville. En montrant leur animation et la richesse des interactions sociales qui s’y produisent, elle décrit aussi comment y règnent l’agressivité et l’insalubrité. Cette violence de la rue est aussi attestée par F. Braudel (Braudel, 1979) qui, en étudiant plus particulièrement les marchés, souligne qu’ils sont assez fréquemment des lieux d’agitation d’où partent les émotions populaires. A partir d’enquêtes de terrain réalisées dans le centre ville de Toulouse, nous avons aussi pu mettre en évidence, les conflits observables dans plusieurs lieux publics. Le marché du Cristal (Escaffre, 2000, 100-116 et 2001, 74), par exemple, situé sur l’un des boulevards qui entourent le centre de Toulouse, est un espace de tension ouverte entre différents types d’usagers qui l’utilisent à des fins professionnelles. Alors que les commerçants forains se plaignent de la difficulté d’installation de leurs étalages due au trafic automobile, les chauffeurs de taxis et d’autobus leur imputent les difficultés de circulation sur le boulevard. Les services municipaux, qu’il s’agisse de la police municipale ou de ceux de la

piétons. Cette situation bien qu’améliorée par la mise en place d’une concertation entre ces différentes parties reste d’autant plus tendue que ce lieu est en chantier à cause de la réalisation d’une station de métro à cet endroit.

Montrer la dimension conflictuelle des espaces publics urbains exprime l’application, à l’analyse des interactions interindividuelles, des précautions qui ont précédemment été soulignées à propos du rôle incantatoire parfois accordé aux espaces publics. Si les espaces publics ne sont pas en soi des remèdes aux maux de la ville, c’est en partie parce que les interactions interindividuelles qu’ils accueillent ne sont pas toujours sans tension. La démarche prônée par A. Picon trouve donc ici un écho : « à la définition de l’espace public comme lieu de dialogue, nous aimerions ajouter sa caractérisation comme enjeu de conflits potentiels ou réels » (Picon, 2001, 23). Toutefois, il ne faut pas accorder à ces conflits de significations trop radicales ; la conception qu’en a G. Simmel permet de le souligner. J. Freund la décrit ainsi : « le conflit n’est pas un accident dans la vie des sociétés, il en fait partie intégrante. Selon Simmel, il est, comme tel, davantage qu’un facteur qui concourt à la formation d’associations et d’organisations au sein d’une collectivité : il est directement une

forme de socialisation, ce qui veut dire que la société vit et subsiste parce qu’elle comporte nécessairement des conflits [souligné par nous] » (Simmel, 1995, 8-9). En étudiant les diverses

expressions du conflit et ses modalités de résolution, G. Simmel insiste particulièrement sur le « compromis » qu’il décrit comme « l’une des plus grandes inventions de l’humanité, tant il fait partie des techniques que nous utilisons tout naturellement pour notre vie quotidienne » (Simmel, 1995, 143). Un lien se dessine entre cette conception du conflit et du compromis et la manière dont G. Simmel décrit l’attitude de réserve, largement basée sur l’accommodement, qui prévaut dans les interactions interindividuelles dans les espaces publics urbains.

Ce second point qui complète l’analyse matérielle et juridico-politique des espaces publics peut être résumé par deux expressions : « séparer et relier » et « voir et être vu ». Telles semblent être en effet les caractéristiques principales des espaces publics urbains. Ils permettent à la ville de fonctionner en séparant les constructions et en supportant les circulations. Ils donnent ainsi à leurs usagers la possibilité de voir la ville dans sa matérialité et en même temps d’observer ses habitants tout en étant regardé par eux. Ce jeu des déplacements et des regards s’accompagne dans les contacts interindividuels d’un jeu des postures corporelles. S’il traduit souvent l’accommodement entre les usagers, il est aussi porteur de tensions qui parfois éclatent en conflit.

3.3. Le rôle des espaces publics et de leurs usages dans le « faire société » en ville

A ce point de la réflexion, les espaces publics urbains et leurs usages sont mieux connus. Toutefois, deux interrogations demeurent : quel rôle social jouent-ils dans la société urbaine ? Et, comment le jouent-ils ?

3.3.1. Précisions sur la notion de « faire société » en ville

Avant d’étudier le rôle social des espaces publics il convient de donner plusieurs précisions sur la manière selon laquelle les sociétés urbaines se constituent et fonctionnent. M.C. Jaillet (Jaillet, 1997) présente ainsi les spécificités de la construction du lien social et des modes de socialisation en ville : « La ville est avant tout ce lieu de la densité, du côtoiement, du « frottement » social, ce lieu également où plus qu’ailleurs, la société, dans sa diversité, se met en scène. Elle donne à chacun la possibilité de nouer des relations, d’élargir ses réseaux tout en rendant possible l’anonymat » (Jaillet, 1997, 10). Elle en déduit que la ville permet fondamentalement une double expérience, celle de « l’affranchissement » et celle de « l’altérité ». S’affranchir par l’expérience de la ville consiste à ne plus être soumis au contrôle communautaire correspondant à l’appartenance à un groupe d’individus de taille réduite, liés par des relations stables établies dans le temps long. Par rapport à la tradition familiale ou villageoise, « l’air de la ville rend libre » selon l’expression de Max Weber. Se libérer en quittant la famille ou le village implique de faire en ville l’expérience de l’altérité par la « confrontation à l’autre, dans sa différence de statut, de culture, d’origine, de condition, de couleur… » (Jaillet, 1997, 10). De cette manière, la ville a été le creuset du « faire société » aussi longtemps que la croissance industrielle lui a permis d’attirer et d’employer des populations nombreuses aux origines géographiques variées. Le développement d’un chômage massif consécutif à la crise du modèle industriel a transformé la situation. Depuis, « la ville se morcelle (…), organisant dans une extrême contiguïté géographique la constitution d’alvéoles socialement différenciées (…) [faisant perdre à] l’espace urbain sa capacité à ordonner les rapports

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