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3.1 Cycle viral

3.1.1 Récepteurs cellulaires

3.1.1.1 Les récepteurs principaux des EVs

Le récepteur d’un EV se définit comme la molécule, à la surface de la cellule, capable non seulement de fixer la particule virale mais aussi de permettre son entrée dans la cellule et d’initier un cycle complet de réplication. La spécificité du récepteur et sa distribution cellulaire et tissulaire peuvent moduler le tropisme viral et les manifestations pathologiques. Compte tenu de leur diversité, les EV utilisent une grande variété de récepteurs cellulaires (Tableau 1) (Figure

Tableau 1 : Molécules de surface utilisées comme récepteurs ou co-récepteurs par les membres des genres Enterovirus et

Figure 10 : Représentation des différents récepteurs des picornavirus. VCAM : Vascular Cell

Adhesion Molecule ; DAF : Decay Accelerating Factor ; LDL-R : Low Density Lipoprotein Receptor ; HAVcr-1 : Hepatitis A Virus receptor ; α2β1 : Very Late antigen (super famille des integrines) ; αvβ3 : Vitronectin receptor (super famille des integrines) ; Ig-like : Immunoglobuline-like ; SCR-like : Short Consensus Repeat-like ; LDL-like : Low Density Lipoprotein-like ; GPI :

Glycosylphosphatidylinositol ; T/S/P : Threonine/Serine/Proline (Evans & Almond, 1998).

La majorité de ces récepteurs appartiennent à la superfamille des immunoglobulines (Figure 11). Ce sont des glycoprotéines transmembranaires constituées d’une répétition de 2 à 5 domaines de type immunoglobuline dont le domaine N-terminal libre, le plus éloigné de la cellule et donc le plus exposé (domaine D1), interagit avec l’EV en s’insérant dans le canyon (Rossmann et al., 2002) (Figure 12). Leur extrémité C-terminale comprend un domaine transmembranaire et une courte région intracytoplasmique. Certaines de ces molécules sont communes à plusieurs EV, voire à des virus d’autres familles (Spear, 2004).

On peut distinguer trois principaux récepteurs pour les EV : Poliovirus receptor (PVR), ICAM-1 et CAR (Figure 11).

Figure 11 : Structure de 3 récepteurs des entérovirus appartenant à la superfamille des

immunoglobulines : ICAM (Intercellular Adhesion Molecule) pour le CV-A21, CAR (Coxsackie

Adenovirus Receptor) pour les CV-B et PVR (Poliovirus Receptor) pour les PV (Rossmann et al.,

2002).

Figure 12 : Interaction du domaine D1 du récepteur des PV (PVR-D1) avec le « canyon »

PVR (Polio Virus Receptor) ou CD155 est le récepteur commun des PV. Il s’agit d’une

glycoprotéine membranaire de la superfamille des immunoglobulines comportant trois domaines extracellulaires dont le premier (D1) contient le site de fixation du PV (Rossmann et al., 2002). PVR comporte 3 domaines extracellulaires : un domaine de type C5 en position distale suivi de 2 domaines de type C2. Le domaine de type 5 comporte le site de liaison des PV (Mendelsohn et al, 1989). Le récepteur des PV fut identifié en 1989 par transfection de cellules murines non permissives car dépourvues du récepteur ad hoc (Mendelsohn et al., 1989). Des souris sensibles à l’infection par les PV furent ensuite obtenues après introduction d’ADN génomique humain codant PVR dans la cellule murine (Ren et al., 1990).

L’expression du PVR humain dans des souris transgéniques leur confère une permissivité à l’infection par ce virus. PVR est exprimé dans de nombreux tissus chez la souris transgénique alors que les sites majeurs de réplication des PV sont le cerveau et la moelle épinière. Ce tropisme restreint est régulé par la réponse interféron alpha et beta, qui limite la réplication virale dans les tissus extra-neuronaux (Ida-Hosonuma et al., 2005). Cet élément tempère la relation entre tropisme cellulaire et pouvoir pathogène qui n’est, de fait, pas simplement conditionné par l’expression tissulaire du récepteur.

L’expression de PVR par de nombreuses lignées cellulaires provenant de différents animaux suffit à les rendre permissives in vitro et caractérise donc la sensibilité aux PV. Il semble également évident que PVR est la seule molécule nécessaire à l’attachement et à l’entrée des PV. Une autre protéine membranaire, la vibronectine ou CD44, abondamment secrétée par les cellules hépatiques et fortement exprimées à la surface des lymphocytes B et des cellules folliculaires dendritiques (Lange

et al., 2001), semble jouer un rôle dans l’interaction du PV avec son récepteur. L’utilisation

d’anticorps dirigés contre cette protéine empêche la pénétration du PV à l’intérieur de la cellule hôte. Cependant, CD44 ne joue pas le rôle de corécepteur et sa présence n’est pas essentielle à l’infection par le PV des cellules exprimant PVR. Il semble, en effet, que CD44 et PVR sont associés à la surface de la cellule et que l’utilisation d’anticorps anti-CD44 bloquerait le site d’attachement du PV

au PVR (Racaniello & Howley, 2007).

Le rôle physiologique du PVR reste hypothétique. Il est impliqué dans la détermination de la polarité centrale de la moelle épinière et dans la différentiation des motoneurones au cours du développement embryonnaire. Cette observation explique en grande partie le tropisme cellulaire restreint du PV au système nerveux central (Gromeier et al., 2000). L’absence de PVR dans d’autres espèces animales explique aussi pourquoi l’infection est restreinte aux primates. PVR est une molécule d’adhésion qui

concourt à la formation de l’adhérence cellule/cellule à travers l’interaction avec la nectine de type 3, une molécule proche des immunoglobulines (Mueller & Wimmer, 2003). PVR est également reconnu à la surface des cellules HeLa par les cellules NK in vitro en interagissant avec CD226 et CD96, stimulant ainsi leur cytotoxicité (Fuchs et al., 2004). La protéine UL141 du cytomegalovirus réduit l’expression de PVR, permettant aux cellules infectées d’échapper à la cytotoxicité médiée par les cellules NK (Tomasec et al., 2005).

ICAM-1 ou CD54 est le récepteur de CV-A21, CV-A18 et CV-A13. Il est également le récepteur

cellulaire pour la majorité des sérotypes de rhinovirus (Tableau 1). C’est une protéine d’adhésion intercellulaire appartenant également à la superfamille des immunoglobulines et possédant cinq domaines extracellulaires. ICAM-1 est exprimé à la surface de nombreux tissus incluant l’épithélium nasal (Greve et al., 1989). Les fonctions physiologiques d’ICAM-1 sont de se fixer à son ligand, l’antigène LFA-1 (Lymphocyte Function-associated Antigen 1) associé aux fonctions lymphocytaires et présent à la surface des lymphocytes, et ainsi de déclencher un grand nombre de fonctions

physiologiques (Racaniello & Howley, 2007).

CAR (Coxackievirus and Adenovirus Receptor) est le récepteur commun des CV-B et des

adénovirus. Le gène CAR est localisé sur le chromosome 21 humain (Bowles et al., 1999). Il s’agit d’une glycoprotéine membranaire composée de deux domaines extracellulaires de type immunoglobuline, un domaine transmembranaire et un long domaine cytoplasmique (Rossmann et

al., 2002). Les domaines extracellulaires semblent être suffisants pour permettre l’infection par

CV-B3 dans des cellules en culture (Bowles et al., 1999). Le rôle physiologique de CAR reste encore inconnu.

La comparaison de la structure du complexe virus/récepteur formé par 3 picornavirus différents révèle que, bien que les récepteurs se fixent tous à l’intérieur du canyon, leur orientation est à chaque fois différente. L’empreinte de PVR sur les PV est significativement plus grande que celle laissée par ICAM-1 à la surface des rhinovirus. La surface de contact entre CV-A21 et ICAM-1 est la plus petite des trois. Les parties exposées de la capside des PV sont le « knob » de la protéine de capside VP3, région particulièrement exposée et connue pour porter les épitopes de séroneutralisation, et l’extrémité C terminale de la protéine VP1 qui interagit avec PVR (Muckelbauer et al., 1995). Ces différences structurales peuvent se traduire par des différences de cinétique et de constante d’affinité entre les différents virus et leurs récepteurs (Figure 13).

Figure 13 : Images reconstituées montrant les complexes virus-molécules de récepteurs pour les interactions CV-A21/ICAM-1, CV-B3/CAR et PV/PVR. Les molécules de récepteurs sont

représentées en rouge ; le triangle noir représente les limites d’une unité icosaédrique (Rossmann et