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LES PSYCHOSES CHRONIQUES

CHAPITRE II. LA PSYCHOPATHOLOGIE ET LES INADAPTATIONS

D. LES DIFFERENTES CATEGORIES DES PSYCHOSES

2. LES PSYCHOSES CHRONIQUES

Elle est caractérisée par l’association de trois troubles principaux : la dissociation de la personnalité, le délire paranoïde et l’autisme. Les modes d’entrée dans la schizophrénie peuvent être plus ou moins lents et progressifs ou brutaux.

La dissociation ou discordance traduit une scission qui s’opère dans la conscience et la personnalité du sujet. Elle se traduit à plusieurs niveaux :

 Intellectuel : déficit de l’attention, des facultés de concentration, troubles/altérations du cours de la pensée (illogique, subjective, symbolique, bizarre, incohérente, floue, abstraite sans lien avec le réel) : le flux idéique s’interrompt fréquemment, rationalisme morbide (construction de théories absurdes et abstraites). Discordance dans le mode d’expression verbale (mutisme, logorrhée, …). Détournement du sens des mots, néologismes, symbolisme hermétique.

 Affectif : ambivalence affective (affects violents et paradoxaux tantôt intenses, tantôt hostiles), la relation fusionnelle à la mère est au centre des troubles affectifs. La régression affective se révèle dans ses pulsions archaïques orales (boulimies, suçotement, tabagisme forcené, balancements) et anales (stéréotypies obsessionnelles, incurie, …) et dans la sexualité (auto-érotisme, exhibitions sexuelles, tentatives de réaliser des fantasmes œdipiens soit par l’inceste, soit par le déplacement sur des tiers, homosexualité, automutilations sexuelles parfois.

 Comportemental : apragmatisme, absence d’initiatives, indécision (actes volitionnels (de volonté), motricité corporelle) d’où des attitudes figées, raides. Attitudes contradictoires (expressions paradoxales simultanées mimiques discordantes par rapport aux situations, des gestes contraires à l’intention supposée, …). Manifestations de type catatonique : négativisme, repli hostile, ironie défensive, refus de tendre la main, des stéréotypies (répétition de gestes, de mots). Passages à l’acte impulsifs et immotivés (suicide, automutilations, agression, meurtre, …).

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Le délire paranoïde est un délire flou, variable, non systématisé, changeant dans le temps, incommunicable dont les thèmes multiples sont dominés par des idées de persécution, d’influence, d’atteinte corporelle (transformation, maladie, empoisonnement, …), thèmes religieux et surnaturels (possession, mission, réincarnation), protection, mégalomanie (omnipotence, idéalisme, richesse, …), identité (filiation, possession). Tous les mécanismes délirants peuvent coexister : hallucinations, imagination, illusions, interprétations. L’autisme caractérise la rupture de la vie mentale du sujet avec le monde extérieur, le repliement sur lui-même et la reconstitution d’un monde intérieur hermétique à autrui.

A1. Les formes cliniques de la schizophrénie

Il existe différentes formes de la schizophrénie : la schizophrénie simple, l’hébéphrénie, l’hébéphrénie catatonique, l’héboïdophrénie, la schizophrénie paranoïde, les schizophrénies pseudo-névrotiques, les psychoses schizo-affectives.

 La schizophrénie simple : Elle s’installe progressivement à partir des traits de caractère schizoïdes qui vont s’accentuer. Elle se caractérise par :

 une accentuation de l’inhibition ;

 le désinvestissement professionnel et social ;  l’isolement ;

 une indifférence et un appauvrissement affectifs et des troubles comportementaux. Il n’y a pas forcément de délire ou troubles de la pensée.

 L’hébéphrénie : Elle débute à l’adolescence de façon insidieuse et progressive. Elle se caractérise par :

 des troubles de concentration intellectuelle responsables d’une baisse du rendement scolaire ou professionnel ;

 des troubles affectifs et du caractère entraînant un repli social, une apathie et une indifférence hostile à l’entourage ;

 la perte progressive des intérêts, l’inertie et l’aboulie ;

 des actes impulsifs ou engouements parascientifiques, ésotériques ou religieux à caractère symbolique et abstrait ;

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 L’hébéphrénie catatonique : La discordance psychomotrice (catatonie) est au premier plan. Inertie, stupeur, apragmatisme, maniérisme, négativisme et stéréotypies. Décharges impulsives verbales ou agies. Quelquefois accès cataleptique : sujet figé dans une raideur plastique, se protégeant de tout contact avec le monde pour tenter de maîtriser des angoisses délirantes terrifiantes.

 La schizophrénie paranoïde : la forme la plus complète de la schizophrénie avec le délire et la dissociation. Elle apparaît plus tardivement que l’hébéphrénie souvent au décours d’un ou de plusieurs accès délirants aigus incomplètement résolutifs.

 L’hébédoïdophrénie : Elle débute chez le sujet jeune par des troubles d’allure psychopathique et perverse qui prennent un aspect de plus en plus discordant (la non-motivation des impulsions, inaffectivité, comportements paradoxaux et bizarres, retrait, …). Des épisodes délirants peuvent surgir. Elle se caractérise par des troubles du comportement (conduites anti-sociales, délinquance, instabilité, impulsivité).

A2. Les formes frontières de la schizophrénie

 La Schizophrénie pseudo-névrotique : Les troubles d’allure névrotique sont infiltrés par un processus dissociatif discret. Des phases délirantes sont possibles. Le rapport à la réalité et les capacités d’adaptation sont mieux conservées que dans les formes schizophréniques franches. Les phobies (phobies sociales) et les obsessions sont fréquentes. Les manifestations de l’hystérie peuvent aussi s’observer dans la schizophrénie.

 Les psychoses schizo-affectives ou schizophrénies dysthymiques : Elles sont à la frontière entre la S et la psychose maniaco-dépressive (PMD) avec association de troubles mélancoliques et maniaques et de symptômes schizophréniques. Les troubles schizophréniques sont perceptibles pendant les périodes de normothymie. Durant certaines périodes les symptômes dysthymiques et dissociatifs sont très atténués. Elles peuvent évoluer vers la désagrégation psychotique ou des schizophrénies franches. L’évolution de la schizophrénie reste difficile à systématiser (évolutions oscillantes, par poussée et rémissions). Elle peut s’améliorer après plusieurs années. Le traitement d’une affection aussi hétérogène dans ses manifestations, son

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évolution et ses facteurs pathogènes ne saurait être codifié. Il repose sur l’utilisation thérapeutique du milieu, sur des traitements biologiques (neuroleptiques, tranquillisants, hypnotiques, antidépresseurs, régulateurs de l’humeur) et la thérapie individuelle (psychanalyse ou psychothérapies d’inspiration psychanalytique), thérapie cognitivo-comportementale) ou collective (psychothérapies analytiques de groupe, psychothérapie institutionnelle, thérapie familiale, socio-thérapie).

B. Les Psychoses délirantes chroniques

Ces psychoses sont caractérisées par des idées délirantes permanentes auxquelles le sujet adhère de façon inébranlable, tout en gardant une perception conforme à la réalité. Elles surviennent vers 40-50 ans. Il n’y a pas d’évolution déficitaire. Le sujet vit dans la réalité et conserve ses capacités d’adaptation, mis à part le secteur délirant de sa pensée. On distingue trois grands types de délires chroniques : les délires chroniques systématisés ou délires paranoïaques ou paranoïa ; les psychoses hallucinatoires chroniques et les paraphrénies.

B1. Les délires chroniques systématisés

Aussi appelés « délires paranoïaques ou paranoïa » Ils sont caractérisés par des idées délirantes permanentes qui font l’essentiel du tableau clinique. Le délire paranoïaque apparaît souvent brutalement mais précédé par une période d’angoisse, de perplexité qui va déboucher sur un syndrome de dépersonnalisation et d’étrangeté qui ouvre sur le vécu persécutoire. On a souvent décrit la personnalité prémorbide comme une personnalité pathologique où dominent la méfiance, l’orgueil, la surestimation de soi, l’intransigeance, la susceptibilité, l’agressivité défensive et la rigidité psychique (masquant un sentiment profond d’insuffisance) et la fausseté du jugement (recours constant à des explications et des déductions pseudo-logiques aux bases affectives et erronées). De telles personnalités dites paranoïaques sont cependant loin de constituer le substrat de tous les délires paranoïaques et ceux-ci peuvent survenir sur des personnalités très diverses, pathologiques ou non.

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LES DIFFERENTS TYPES DE DELIRES PARANOÏAQUES

 Le délire d’interprétation : construction progressive d’un système cohérent par un jeu d’interprétation (raisonnement faux à partir de perceptions exactes). A partir d’une croyance de base, à tonalité persécutoire (préjudice, malveillance) : on en veut à ses biens, à sa santé, à sa vie, parce qu’on est jaloux de lui, qu’on a un secret à cacher, une faute à se reprocher. L’histoire prend vite l’allure d’un roman policier ou d’espionnage avec parfois un aspect si plausible et si logique que l’entourage peut y croire. Le sujet interprète toute la réalité : chaque objet, événement recèle un secret qu’il faut décrypter, dans un réseau d’interprétations ou de preuves. Exemple : « on lui en veut, on le surveille, il a bien compris que le sourire du voisin, l’accueil réservé d’un collègue, qui fait partie du complot …

 Le délire de relation ou délire de référence : Le délire se développe souvent à la suite d’événements pénibles, d’échecs, de frustrations, de rejets ou de culpabilité. Un environnement hostile et méprisant, l’isolement social ou culturel, la transplantation sont également des facteurs favorisants. Le sujet rumine douloureusement des impressions de brimades ou de mépris, il développe des idées de référence (rapporter à des faits ou des événements banaux, le sujet pense que tout ce qui se passe autour de lui le concerne) qui deviennent vite des certitudes. Exemple : on fait des allusions désobligeantes à son propos, on se moque de lui, on rit de ses maladresses, on parle de lui dans son dos. C’est une conjuration du mépris visant la dignité de la personne, de la part de son milieu de travail, de ses proches.

 Les délires passionnels (érotomaniaques et de jalousie) : Délires très systématisés concernant un secteur de la vie mentale, du système relationnel, des champs d’intérêts du sujet. Les mécanismes délirants sont dominés par l’interprétation et l’intuition. Le délire s’installe à partir d’une brusque intuition venant éclairer une période de doutes et d’interrogations dans le domaine affectif. A partir de ce postulat, toute une série d’interprétations va construire la trame du délire. La participation de l’affectivité au délire est toujours importante. Elle entraîne une conviction totale, inaccessible à la logique comme aux données de la réalité.

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 Le délire de jalousie : Le sujet a l’intuition délirante d’être trompé, sans motif précis. Il met toute son énergie à la recherche de preuves, d’indices qui alimentent des événements minimes que le jaloux jugera significatifs : le regard d’un passant, un coup de téléphone, une allusion à la radio. Pendant des mois, le jaloux ruminera de façon obsédante ses soupçons et ses doutes qui se transformeront peu à peu en certitudes. Il cherchera les preuves de l’infidélité du conjoint en le surveillant sans cesse, en le suivant dans la rue, en scrutant son courrier, en examinant son linge. Les gestes les plus banaux sont interprétés comme autant de preuves ; les amis ou les beaux-parents sont des complices, le passé est même reconstruit en fonction du délire. Le conjoint se trouvera vite soumis à une pression difficile qu’il s’y soumette ou se révolte ne changera rien au délire. L’évolution de celui-ci est très tenace, elle va connaître des atténuations et des paroxysmes teintés de revendications vindicatives, de moments dépressifs (avec quelquefois des tentatives de suicide) ou des passages à l’acte agressifs envers le conjoint ou le rival supposé. L’alcoolisme chronique est souvent associé au délire de jalousie.

 Le délire érotomaniaque : illusion délirante d’être aimé par un personnage souvent prestigieux (vedette de cinéma, homme politique, patron d’entreprise, médecin, ... Elle affecte surtout les femmes. La révélation repose sur un fait anodin : une parole insignifiante, un regard dans la foule ou un détail vestimentaire entraînant une certitude (« il m’aime ») qui va ensuite se renforcer de tout un jeu d’interprétations toujours orientées dans le sens de la position passionnelle (« s’il me parle, c’est bien parce qu’il m’aime, s’il se tait s’est pour ménager ma pudeur, donc, il m’aime). Le sujet vit une longue phase d’espoir, faite d’attente et de poursuite, de lettres, d’appels téléphoniques, de cadeaux. Si l’objet de cette quête exprime clairement son indifférence ou son hostilité, la certitude d’être aimé n’en est pas entamée (il ne veut pas que les autres le sachent, il doit cacher son amour par obligation professionnelle ; il est marié mais il va bientôt divorcer pour moi). Avec le temps, à l’espoir succède une phase de dépit puis de rancune où les sollicitations deviennent des injures ou des menaces avec risque de passage à l’acte contre la personne aimée ou son conjoint.

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B2. Les psychoses hallucinatoires chroniques

Ce sont des apparitions soudaines (mais tardive entre 30 et 50 ans) d’un syndrome hallucinatoire qui constitue l’essentiel de la symptomatologie : climat d’inquiétude et de perplexité s’accompagnant de phénomènes cénesthésiques pénibles et vagues et de phénomènes mentaux particuliers : automatisme mental20

; hallucinations psychiques et psycho-sensorielles, auditives, visuelles, olfactives, gustatives, cénesthésiques et kinesthésiques aboutissant à une délire d’influence à tonalité persécutoire. Les thèmes délirants sont variés : grandeur, puissance, mission à effectuer…

B3. Les paraphrénies

Ces sont des délires chroniques où les mécanismes imaginatifs prédominent sur les autres phénomènes délirants, dont les thèmes du délire sont grandioses et fantastiques*. Début lent et progressif entre 30 et 45 ans, s’exprimant de façon discrète par des bizarreries de conduites et un certain retrait affectif. Le délire n’envahit pas totalement la vie psychique du sujet : la pensée délirante coexiste avec une pensée « normale », le sujet reste capable d’effectuer les opérations mentales adaptées à la plupart des circonstances concrètes de la vie. Le délire est en marge de la réalité quotidienne avec laquelle il interfère peu. Les paraphrénies présentent 2 formes de délires :

 La forme imaginative : fabulation progressive qui s’enrichit des apports de la réalité extérieure : lectures, conversations, événements d’actualité ou faits historiques rajoutés au délire. Thèmes délirants avec des idées de puissance, de richesse ou de filiation. Exemple : le sujet élabore son arbre généalogique, montre les actes de propriétés de ses provinces, à des titres nobiliaires singuliers, attend la réalisation de son destin romanesque en transigeant le quotidien avec les artifices de sa fiction.

 La forme fantastique : hallucinations riches, complexes et floues entremêlant des phénomènes auditifs (voix célestes, musique des étoiles), un automatisme mental (les extra-terrestres téléguident ses sensations) et des hallucinations corporelles (son cœur en diamant se prolonge dans le rayon vert). Elles sont exprimées et interprétées sur le mode d’un imaginaire tout-puissant libéré de toute référence à la réalité. Thèmes délirants (contes de fée, récits de science-fiction).

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Le sujet exprime le sentiment d’avoir perdu le contrôle de sa vie psychique et les limites de sa personne. Il a l’impression que sa pensée est devancée ou devinée, volée et répétée en écho par une voix étrangère à lui-même, parasitée par une autre pensée. Ses actes sont énoncés, commentés, critiqués. Il a le sentiment d’être soumis à une influence extérieure. La pensée devient auditive et perçue comme une réalité objective extérieure.

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Le traitement : chimiothérapie (neuroleptiques), antidépresseurs dans les troubles de l’humeur (délires de relation et passionnels). L’hospitalisation est nécessaire pour contrôler les poussées aiguës mais réduite (n dehors des périodes de danger) pour permettre une réinsertion effective dans le milieu social et familial, l’essentiel des soins devant être ambulatoire. La psychothérapie de soutien prenant en compte des conflits sous-jacents au délire et les difficultés propres du sujet dans la réalité facilitera certains réaménagements relationnels et pourra aider le sujet à affronter certaines situations conflictuelles.

3. LES PSYCHOSES AFFECTIVES