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La régulation par les ARNs met également en jeu des protéines impliquées dans leur stabilisation ou leur dégradation.

1. Les protéines chaperonnes à ARN

La liaison entre un sARN et un ARNm peut être modulée par une protéine chaperonne, comme la protéine Hfq découverte chez E. coli, et présente chez de nombreuses espèces bactériennes mais aussi chez certaines Archeae (Attaiech et al., 2017; Santiago-Frangos et Woodson, 2018). Son rôle est de faciliter la liaison entre les sARN et leur ARNm cible, mais elle est aussi impliquée dans d’autres mécanismes tels que la traduction et le quorum-sensing (Lenz et al., 2004; Santiago-Frangos et Woodson, 2018). Cependant, les Firmicutes des genres Lactococcus,

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protéines chaperonnes de l’ARN ont été découvertes, comme ProQ chez Salmonella enterica, ou RocC chez Legionella pneumophila, mais il s’avère que ces protéines sont également absentes chez les Firmicutes (Attaiech et al., 2017). Chez E. faecalis, une Cold-Shock Protéine, CspR, est soupçonnée de tenir ce rôle de chaperonne de l’ARN (Michaux et al., 2012).

2. Le dégradosome

Le dégradosome est un complexe de protéines dont le rôle premier est la dégradation des ARNm. Il est notamment directement impliqué dans la régulation post-transcriptionnelle en dégradant les ARN bicaténaires formés par la liaison entre les sARN et leur ARNm cible. Le rôle du dégradosome est prépondérant pour le fitness de la cellule (Khemici et Carpousis, 2003; Lehnik‐Habrink et al., 2010).

Chez E. coli, les principales protéines du dégradosome sont les exonucléases RNase E et PNPase (polynucléotide phosphorylase), l’hélicase RhlB et l’enzyme glycolytique énolase. L’enzyme centrale de ce mécanisme est la RNase E, qui clive les ARNm par son activité endonucléase. La dégradation de l’ARNm se poursuit ensuite grâce à la PNPase, qui possède une activité 3’exonucléase.

Chez les bactéries à Gram positif, la RNase E est le plus souvent absente. Chez B. subtilis et S.

aureus, les acteurs principaux du dégradosome ont été identifiés : la RNase J1, la RNase J2, la RNase Y, la PNPase, l’énolase, la phosphofructokinase PfkA et une hélicase à motif DEAD (CshA) (Figure 10) (Lehnik‐Habrink et al., 2010; Roux et al., 2011).

Le rôle de l’énolase est peu connu, bien que son importance dans la dégradation des ARNm ait déjà été démontrée (Carpousis, 2007; Lehnik‐Habrink et al., 2010). Chez B. subtilis, elle interagit avec la phosphofructokinase PfkA, toutes deux étant des enzymes glycolytiques, et

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avec la RNase Y, elle-même associée à la RNase J1, indiquant un rôle dans la coordination de la formation du dégradosome (Newman et al., 2012; Lehnik-Habrink et al., 2012).

Figure 10 : Schéma des composants principaux du dégradosome de Bacillus subtilis. La RNase Y initie la formation du complexe et se lie à la PNPase, aux RNases J1 et J2, et avec les enzymes glycolytiques énolase (Eno) et phosphofructokinase (PfkA). L’hélicase CshA permet de dérouler les structures secondaires de l’ARN pour le rendre accessible à l’action des RNases (Lehnik-Habrink et al., 2012).

a) Les RNases

La RNase Y de B. subtilis est une endoribonucléase considérée comme l’équivalent fonctionnel de la RNase E d’E. coli. Liée à la membrane, elle initie la dégradation des ARN en interagissant avec le reste du dégradosome (Lehnik-Habrink et al., 2011) et en effectuant un clivage interne des ARN à extrémité triphosphate, générant un ARN à extrémité monophosphate (Laalami et Putzer, 2011). Elle est également impliquée dans le turnover des ARN, dans le fonctionnement de certains riboswitches, et dans la dégradation d’ARNm très structurés (Lehnik‐Habrink et al., 2010; Roux et al., 2011).

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Les RNases J1 et J2 sont deux enzymes paralogues (70% de similarité d’acides aminés chez B. subtilis) possédant des activités endonucléolytique et exonucléolytique. Elles jouent un rôle

prépondérant dans la maturation des ARN, mais aussi dans leur dégradation. Elles sont en effet des acteurs principaux du dégradosome chez B. subtilis et S. aureus. Elles exercent ensemble une activité de clivage interne équivalente à celle de la RNase Y et de la RNase E d’E. coli (Roux et al., 2011; Jamalli et al., 2014), mais aussi une activité exonucléasique des ARN à extrémités monophosphate issus de tels clivages (Laalami et Putzer, 2011).

La RNase III est une autre RNase présente chez E. coli et chez certaines bactéries à Gram positif comme E. faecalis (39% d’identité protéique, Johnson et al., 2011), ou S. aureus (Lioliou et al., 2012). Elle a un rôle dans la dégradation des ARN, notamment par sa capacité à cliver les ARN à extrémité triphosphate, fonction absente chez les RNases E, J1 et Y. Les ARN à extrémité monophosphate ainsi produits sont ensuite ciblés par les autres RNases du microorganisme. Elle est également capable de cliver les ARN double brins, ce qui indiquerait un rôle dans la dégradation des complexes sARN-ARNm. Elle est aussi connue pour son activité de répression sur l’expression de plusieurs gènes codant pour des facteurs de virulence chez S. aureus (Johnson et al., 2011; Lioliou et al., 2012).

La PNPase est une RNase avec une activité exonucléasique 3’-5’. Son rôle est de dégrader les ARN de petite taille générés par les clivages des RNases J1 et Y (Lehnik-Habrink et al., 2012).

b) Les hélicases à motif DEAD

Les hélicases à ARN jouent un rôle crucial dans le métabolisme des ARN. Elles forment 6 superfamilles avec les hélicases à ADN et les translocases à ADN et ARN, selon leur séquence en acides aminés. Ces superfamilles regroupent des enzymes eucaryotes comme procaryotes, les hélicases bactériennes appartenant aux superfamilles 2 et 5 (Kaberdin et Bläsi, 2013). De manière générale, les hélicases à ARN sont capables de modifier les structures de l’ARN et les

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interactions protéines-ARN. Elles sont ainsi impliquées dans de nombreux processus essentiels pour la cellule tels que le turnover des ARN, la synthèse des ribosomes, la traduction et le métabolisme des petits ARN (Owttrim, 2013; Khemici et Linder, 2016).

Les hélicases à motif DEAD sont une famille d’hélicases monomériques ou dimériques faisant partie de la superfamille 2. Elles possèdent au moins 12 motifs conservés en acides aminés (Figure 11), dont celui qui leur a donné leur nom, le motif DEAD (pour les 4 acides aminés qui le compose : Asp – Glu – Ala – Asp). Ces motifs sont contenus dans deux domaines répétés en tandem, appelés « RecA-like » en raison de leur ressemblance structurelle avec la protéine recombinase RecA. Ces deux domaines forment une crevasse qui correspond au site de liaison de l’ATP (Linder et Jankowsky, 2011). Leurs domaines terminaux (N-terminal, C-terminal ou les deux), déterminent leur spécificité avec leur substrat ARN ou un cofacteur protéique (Cordin

et al., 2006; Owttrim, 2013). Contrairement aux autres hélicases, elles ne sont capables de

dérouler que des structures ARN ou ADN-ARN courtes (Khemici et Linder, 2016), mais elles sont impliquées dans presque l’ensemble des métabolismes de l’ARN, de leur synthèse à leur dégradation (Cordin et al., 2006).

Figure 11 : Les différents domaines et séquences conservées des hélicases à motif DEAD. Ces domaines (au moins 12) sont à des positions conservées et sont caractéristiques de cette famille d’hélicase. Les lettres et chiffres présents sous la figure (Q, I, Ia, Ib, Ic, II, III, IV, Iva, V, Va, VI) correspondent à ces différents domaines. Le motif DEAD est localisé dans le domaine II. (adapté de Owttrim, 2013).

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Chez B. subtilis, l’hélicase CshA possède les deux domaines RecA-like, ainsi qu’un domaine C-terminal. Ce domaine est essentiel pour la dimérisation de l’hélicase et pour son interaction avec les autres protéines du dégradosome, notamment la RNase Y (Lehnik‐Habrink et al., 2010).

De par leur rôle central dans le métabolisme des ARN, les hélicases à motif DEAD sont primordiales pour la croissance bactérienne. Mais il a été également montré qu’elles ont une fonction dans la virulence et la résistance aux stress, en particulier au choc froid. Ainsi la seule hélicase à motif DEAD du pathogène Helicobacter pylori est impliquée dans la colonisation chez la souris, et est essentielle pour la croissance à 33°C, mais pas à 37°C. Cela indique une fonction dans la croissance en choc froid (El Mortaji et al., 2018). De même, les hélicases RhlE de Caulobacter crescentus, CrhB et CrhC de Anabena sp PCC7120 et CsdA de E. coli ont un rôle dans la résistance et l’adaptation au choc froid (Resch et al., 2010; Kaberdin et Bläsi, 2013; Aguirre et al., 2017).

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