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1.1 – Les produits observés de la réaction

De nombreuses espèces sont susceptibles d'être formées par la réaction d'atomes de bore sur des molécules d'eau [6,7]. Parmi les arrangements nucléaires que l'on peut former avec les stoechiométries BOH2, BOH et BO, seuls trois ont été observés. Dès 1981, Gole et Pace ont montré que la réaction en phase gaz du bore avec l'eau produit à la fois le radical BO dans son état fondamental 2Σ+ mais aussi dans le premier état excité 2Π [3]. La présence de BO (X2Σ+) a été confirmée plus tard par les expériences en matrice à basse température réalisées par Andrews et Burkholder [2]. De plus, ces travaux ont permis d'isoler et d'identifier la molécule HBO (1Σ+). Les énergies de réaction déterminées pour les trois processus sont reportées dans le tableau II.

Les calculs indiquent que la formation des espèces HBO, BO (2Σ+) et BO (2Π) est favorable. Elle est même particulièrement exothermique pour HBO et BO formés dans leurs états fondamentaux. De récentes études [16] conduites avec la méthode d'extrapolation CBS-Q ainsi qu'au niveau B3PW91/6-311+G(2df,2pd) prévoient ces deux espèces plus stables que les réactifs respectivement de 78,5 et 80,8 kcal/mol et de 71,9 et 74,1 kcal/mol. Des énergies de réaction "expérimentales" (en fait basées sur les énergies de liaison) sont également données pour la formation de BO (2Σ+) et (2Π), respectivement -76,3 et -9,0 kcal/mol [4,5]. Nos valeurs CCSD(T)/cc-pVTZ//QCISD/cc-pVDZ révèlent un bon accord avec l'ensemble de ces résultats.

Tableau II: Energies de réaction (kcal/mol) déterminées à différents niveaux de calcul a. B3LYP QCISD CCSD CCSD(T) cc-pVDZ cc-pVDZ cc-pVTZ cc-pVTZ B + H2O → H2 + BO (2Π) -17,3 -12,7 -10,5 -10,9 B + H2O → H2 + BO (2Σ+) -82,6 -74,5 -71,4 -74,9 B + H2O → H + HBO (1Σ+) -92,0 -82,5 -77,8 -81,5

a Les énergies incluent la correction des demi-quanta vibrationnels ; les énergies CC sont déterminées à partir des géométries et des nombres d'onde QCISD/cc-pVDZ.

La fonctionnelle B3LYP surestime de manière importante l'exothermicité des réactions, en revanche la méthode QCISD conduit à des résultats proches des énergies CCSD(T)/cc-pVTZ du tableau II. La différence d'énergie entre les états X2Σ+ et A2Π de BO est de 67,3 kcal/mol [5]. On l'estime au niveau CCSD(T)/cc-pVTZ//QCISD/cc-pVDZ à 64,0 kcal/mol en parfait accord avec la valeur CCSD(T)/cc-pVTZ//CCSD(T)/cc-pVTZ.

La molécule HBO présente une structure linéaire (C∞v), sa configuration électronique est [11]:

(coeur) 3σ2224

où les OM π sont localisées sur la liaison BO, suggérant que celle-ci présente un caractère de triple liaison [11]. La configuration de l'état fondamental de BO est [33]:

(coeur) 3σ2241

L'OM simplement occupée 5σ est localisée sur l'atome de bore. Pour l'état excité A2Π de BO, la configuration électronique dominante est [33]:

(coeur) 3σ2223

où les OM π s'apparentent à des orbitales 2p de l'oxygène.

Les géométries optimisées ainsi que les spectres IR calculés des trois minima sont présentés dans les tableaux III et IV. On observe que la liaison BO est de l'ordre de 1,20 Å pour HBO et BO (X2Σ+). Cette invariance signifie que la liaison BO est peu affectée par la perte de l'hydrogène. La force de cette liaison se traduit par un nombre d'onde pour l'élongation compris entre 1800 et 1900 cm-1. Pour l'espèce BO (A2Π), la liaison est de 1,35 Å montrant qu'il s'agit d'une liaison simple. Ceci est cohérent avec le caractère atomique des orbitales π localisées sur l'atome d'oxygène. Le nombre d'onde pour l'élongation BO est nettement plus petit que pour HBO et BO (X2Σ+), d'environ 600 cm-1.

Tableau III: Structure (d en Å) et propriétés vibrationnelles (ω en cm-1, I en km/mol) de BO (X2Σ+, A2Π). B3LYP QCISD CCSD(T) cc-pVDZ cc-pVDZ cc-pVTZ Exp. a état dBO 1,208 1,218 1,213 1,205 X2ΣΣΣΣ+ ω (I) élongation BO 1897 (37) 1851 (20) 1878 1885 état dBO 1,365 1,375 1,364 1,352 A2ΠΠΠΠ ω (I) élongation BO 1231 (110) 1218 (120) 1259 1261

a Paramètres géométriques et nombres d'onde harmoniques tirés de la réf. [5].

Tableau IV: Structure (d en Å) et propriétés vibrationnelles (ωi en cm-1, Ii en km/mol) de la molécule HBO (1Σ+). B3LYP QCISD CCSD(T) cc-pVDZ cc-pVDZ TZ2P(f,d) a Exp. b dBH 1,177 1,182 1,169 1,167 dBO 1,203 1,213 1,206 1,201 ω1 (I1) élongation BH 2903 (8) 2900 (8) 2888 (6) 2849 ω2 (I2) élongation BO 1858 (52) 1820 (36) 1831 (46) 1817 ω3 (I3) déformation HBO 810 (9) 797 (10) 766 (25) 754

a Voir réf. [11]. b Paramètres géométriques tirés de la réf. [28] et nombres d'onde de la réf. [29], ω2 et ω3

sont en fait les fondamentales observées tandis que ω1 est estimée (approximation harmonique).

Du point de vue méthodologique, on constate encore une fois un accord remarquable entre les valeurs expérimentales et les résultats donnés par la méthode CCSD(T). Les calculs B3LYP/cc-pVDZ qui sont beaucoup plus rapides, prédisent les structures avec une précision équivalente. A ce niveau, l'écart avec les nombres d'onde "expérimentaux" est respectivement de 0,6% et 2,4% pour BO (X2Σ+) et (A2Π). En revanche, les modes de vibrations de HBO

sont prédits avec une plus grande précision au niveau QCISD/cc-pVDZ qu'avec la fonctionnelle B3LYP.

Signalons que dans le cadre de l'étude de la spectroscopie de résonance paramagnétique électronique (RPE) de B2 [34], Graham et al. notent la présence d'espèces H2BO qui apparaissent comme impuretés. Cependant, on tire seulement de ces travaux des indices sur la configuration électronique de H2BO (celle-ci sera discutée par la suite). Enfin, Klabunde et al. [1] disent avoir isolé en matrice d'argon un intermédiaire HBOH de la réaction du bore avec l'eau. Ceci est contredit par de plus récentes observations réalisées dans des conditions similaires par Andrews et al. [2]. Nous verrons plus loin que nos prédictions théoriques supportent les conclusions d'Andrews et al.

1.2 – Les isomères doublets BOH2 et la molécule

HOB (1A')

Bien qu'il n'existe pas de données expérimentales sur les structures et les spectres IR de ces espèces, prolonger l'étude des minima de la SEP va permettre de poursuivre l'examen des méthodes de calcul. D'autre part, ces résultats seront utilisés pendant l'étude du mécanisme de la réaction bore-eau. Nous nous sommes intéressés à l'espèce HOB (1A') qui est un isomère de la molécule HBO et à quatre structures BOH2 connues ou non qui ont été localisées sur la surface d'énergie potentielle doublet. En premier seront commentées les stabilités de ces espèces, puis nous présenterons leurs structures et les spectres IR calculés.