CHAPITRE I: REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
1.2. Chromatographie inverse en phase liquide et étude des interfaces
1.2.1. La chromatographie inverse en phase liquide
1.2.1.1. Les processus fondamentaux dans une colonne chromatographique
Les courbes chromatographiques, pic ou front selon le mode d’introduction des
molécules adsorbées (ou solutés), sont le résultat de la contribution de plusieurs phénomènes:
i) l’isotherme d’adsorption,
ii) l’hydrodynamique du flux de la phase mobile à travers un lit de particules (la
dispersion axiale),
iii) les cinétiques issues des phénomènes de transfert de matière (adsorbat ou soluté
entre les phases solide et liquide (diffusion de l’adsorbat extra et
intra-particulaire),
iv) la cinétique de l’adsorption.
La figure 12 montre la séparation chromatographique de deux constituants. Nous
pouvons observer que la distance entre les composés 1 et 2 augmente au fur et à mesure du
déplacement dans la colonne. Néanmoins, en parallèle se produit l’élargissement des bandes
séparées, ce qui diminue l’efficacité de la séparation. Plus l’élargissement de la bande dans la
colonne est petit, plus le pouvoir de séparation de la colonne est important (plus la colonne
est efficace). De nombreuses variables physiques et chimiques influencent la séparation et
l’élargissement de ces bandes.
Figure 12: Séparation d’un mélange de deux composants dans une colonne: a) immédiatement à l’entrée de la colonne, b) et c) montrent l’avancement des bandes dans la colonne et leurs élargissements. (Conder et Young, 1974)
Quelques définitions et termes relatifs à la chromatographie
La figure 13 montre les différentes contributions quant à la forme de la courbe
chromatographique (pics).
En chromatographie linéaire, les concentrations à l’équilibre de l’adsorbat (du soluté) dans
les phases stationnaire et mobile sont proportionnelles (l’isotherme d’adsorption est linéaire).
Dans ce cas, l’allure du profil du pic et le temps de rétention sont indépendants de la quantité
d’échantillon introduite sur la colonne.
En chromatographie non-linéaire, l’isotherme d’adsorption n’est pas linéaire et l’allure du pic
dépend de la quantité d’échantillon. Pour simplifier l’étude de la chromatographie
non-linéaire, il est nécessaire de faire la distinction entre lesmodèles idéal et non-idéal.
En chromatographie idéale, le profil de la courbe chromatographique est contrôlé seulement
par la thermodynamique (isotherme de distribution). Ceci suppose que la dispersion axiale
(ii) est négligeable, et les cinétiques de transfert (iii) et d’adsorption (iv) sont très rapides
(infinies) et n’influencent pas la forme de la courbe chromatographique. La surface des
particules est constamment en l’équilibre avec la solution qui percole le lit de particules.
En chromatographie non-idéale, tous les facteurs faisant référence à (i, ii, iii et iv) influencent
la courbe chromatographique. Nous pouvons distinguer plusieurs cas, qui dépendent de la
nature et de l’importance des contributions par rapport à la contribution thermodynamique.
Figure 13: Relation entre l’isotherme d’adsorption d’un composé et la forme de son pic chromatographique. 1er
rang: isotherme; 2e
rang: dérivée de l’isotherme; 3e
rang: la même dérivée qu’au 2e rang avec rotation des axes xy; 4e rang: pic correspondant au modèle idéal (influence de l’isotherme seulement); 5e
rang: pic correspondant au modèle non-idéal. (Guiochon et al., 1994)
Dans un tel contexte, il est nécessaire de prendre en considération tous les
phénomènes susceptibles d’influencer la courbe chromatographique (pics ou fronts). A titre
d’exemple, Ma et al., (1994) ont démontré l’impact possible de phénomènes de diffusion (iii)
sur l’allure des fronts chromatographiques (figure 14).
Figure 14: Influence de la diffusion inter et intra particulaire (surface poreuse) sur le front chromatographique. (Ma et al., 1994)
Alors, une courbe chromatographique obtenue dans des conditions données (nature du
remplissage de la colonne, de la phase mobile et du/des soluté(s) ou adsorbant(s)) peut être
modélisée, pour mettre en évidence la présence ou l’absence de certains phénomènes ayant
lieu dans la colonne.
Par conséquent, si une isotherme doit être calculée à partir d’un front
chromatographique, les facteurs non-thermodynamiques doivent être identifiés et doivent être
négligeables pour obtenir l’isotherme la plus juste, sinon l’isotherme peut être erronée; tout
dépend de la méthode utilisée.
Les méthodes principales pour mesurer des isothermes dépendent des conditions
expérimentales, la figure 15 en est une illustration: (1) l’analyse frontale FA (par un point ou
par multi-points), (2) l’analyse frontale par point caractéristique FACP, (3) l’élution par point
caractéristique ECP et (4) les impulsions sur un plateau EP.
Par exemple si la méthode FA est utilisée, la quantité adsorbée par unité d’adsorbant
(q) peut être déterminée par intégration de la courbe chromatographique et utilisée pour la
construction de l’isotherme (équation 2):
Vf
q= 1 /m [ Ci ( V
f– V
0) ⌠ c dV ]
(2)V0
Où:
-q est la quantité adsorbée (mg/g);
-m est la masse d’adsorbant (mg);
-Ci est la concentration de l’adsorbat (mg/L);
-V
0est le volume de la phase mobile dans la colonne (intra et inter-particulaire);
-V
fest le volume final de la phase mobile.
Des descriptions plus détaillées quant à la réalisation des essais, les avantages et
inconvénients peuvent être trouvés dans l’ouvrage de Guiochon et al., (1994).
Figure 15: Différentes méthodes chromatographiques utilisées pour obtenir une isotherme.