• Aucun résultat trouvé

Les problèmes d'asymétrie de l'information sont fréquents. Ils correspondent aux situations où le régulateur ne peut disposer de l'information privée concernant les producteurs (ou les consommateurs), et que ceux-ci n'ont pas intérêt à révéler. Ce problème informationnel peut faire en sorte que les producteurs "mettent en œuvre des stratégies pour réduire le coût d'une

politique" (Assouline M., Lemiale L., 1998 : 61) par exemple, et générer une

perte de bien-être social.

20 Cette situation serait d'autant plus alarmante dans les zones en excédents structurels comme en

L'asymétrie d'information peut porter sur différents aspects de la production : elle peut concerner le niveau d'émissions polluantes ou les caractéristiques techniques de production et de dépollution. En outre, cette asymétrie peut revêtir deux formes : soit, ce sont les actions des individus qui ne peuvent être observées, et il s'agit alors d'un problème d'aléa moral, soit ce sont les caractéristiques d'un bien ou d'un agent qui ne peuvent être observées, et dans ce cas on parle d'autosélection.

Généralement, pour traiter de ces problèmes informationnels, on raisonne à partir d'un modèle Principal-Agent, où l'un possède d'une information non révélée à l'autre. Pour des raisons de simplification, on attribue tout le pouvoir de marchandage à l'une des deux parties : le Principal. Celui-ci "propose le

contrat et est donc en situation de leader" (Salanié B., 1994 : 6).

Dans les deux sections suivantes, il n'est pas question d'aborder l'ensemble des réflexions liées aux problèmes d'asymétrie d'information de manière exhaustive, mais de dresser un panorama succinct sur les fondements de base et leurs implications en terme de gestion des pollutions d'origine agricole.

1.2.3.1. Les problèmes d'aléa moral

Dans le cas d'aléa moral, l'Agent a un comportement privé inobservable par le Principal, susceptible d'affecter les clauses du contrat. A ce titre, on parle d'action cachée.

Les exemples d'aléa moral sont très fréquents. "En fait, on peut difficilement

imaginer une relation économique qui ne soit pas affectée par ce problème. Il faudrait pour cela que le Principal puisse observer parfaitement toutes les décisions de l'Agent qui affectent son utilité, ce qui réclamerait des efforts de supervision extrêmement coûteux" (Salanié B., 1994 : 65).

Le problème d'aléa moral peut recouvrir deux formes principales : soit le Principal est seul à vouloir inciter l'Agent à intensifier son 'effort' (c'est le cas, par exemple, pour un entrepreneur qui conditionne les salaires à la production), soit le Principal et l'Agent ont tous deux des intérêts divergents (cas des actionnaires et dirigeants d'une entreprise ; les premiers ne

cherchant qu'à maximiser leur profit, alors que les autres peuvent posséder des objectifs propres différents).

En situation de second rang, la seule variable observable par le Principal est le résultat de l'action de l'Agent, ce résultat ne représentant qu'un signal imparfait de l'action. Dans ce cadre, "la résolution du problème d'aléa moral

suppose que le Principal offre à l'Agent un contrat qui arbitre entre le partage des risques21, et la recherche des incitations, qui pousse le Principal à

conditionner le résultat au salaire" (Salanié B., 1994 : 67). Les résultats tirés

d'études montrent que les problèmes d'aléa moral sont très complexes et que les résultats ne sont pas toujours déductibles a priori : il n'est pas toujours vrai, par exemple, que la solution optimale en second rang soit plus faible que celle en premier rang. Par ailleurs, le profit espéré du Principal n'augmente pas nécessairement quand l'Agent devient plus productif.

Selon Assouline M. et Lemiale L. (1998), "les pollutions diffuses illustrent

parfaitement les problèmes engendrés par l'aléa moral", dans la mesure où ce

type de pollutions provient d'un grand nombre de producteurs et que de ce fait, le contrôle des émissions individuelles est irréalisable à un coût raisonnable. Dans ce cas, on dispose de deux options : soit on applique des pénalités lors de contrôles aléatoires, soit on applique des taxes ambiantes22 qui tendent à responsabiliser un groupe d'agents, quelle que soit la contribution de chacun.

L'application d'une taxe ambiante a déjà été proposée pour gérer les pollutions diffuses agricoles. Dans ce cas, la mise en place d'une taxe ambiante proposée par Segerson (1988) est destinée à contourner le problème du contrôle des sources d'émissions individuelles.

Une autre manière de procéder est proposée par Xepapadeas (1995) en transformant "au moins partiellement un problème de pollutions diffuses en un

problème de pollutions localisables".

21 On suppose que le Principal est neutre au risque et que l'Agent présente de l'aversion pour le risque 22 Ces taxes reposent sur "un système de pénalités collectives assises sur l'écart entre un niveau de

pollution globale mesuré sur un site donné et une norme de pollution maximale fixée d'avance"

Il propose alors de combiner une taxe ambiante et une taxe individuelle, assise sur les émissions annoncées par le producteur. Cependant, ce système ne fonctionne que si les agents sont adverses au risque, de telle manière qu'ils vont annoncer au moins une partie de leurs émissions en vue d'éviter le paiement de la taxe ambiante.

1.2.3.2. Les cas d'autosélection

Dans les cas d'autosélection (ou de sélection adverse), on parle d'information

cachée. Cette information représente un paramètre exogène dont l'Agent

dispose avant tout accord, ou qu'il prévoit de connaître au cours de sa relation contractuelle. Le Principal cherche alors à faire révéler à l'Agent son véritable type, en lui proposant différentes options (un "menu de contrats"). Si le "menu" est correct, le choix optimal de l'Agent fournit directement l'information sur son type.

Les modèles d'autosélection se basent sur la théorie des mécanismes de révélation. Cette théorie s'appuie sur l'idée qu'il existe des agents caractérisés par un certain nombre de paramètres connus par eux seuls, et un "centre" qui souhaite allouer à ces agents des ressources de la manière la plus optimale possible. Le principe de révélation repose sur l'idée que si une allocation optimale en ressource "peut être mise en œuvre par un mécanisme

quelconque, on peut aussi la mettre en œuvre par un mécanisme direct révélateur, où l'agent révèle son information" (Salanié B., 1994 : 12).

Appliqué à un problème de pollution, l'optimum peut être rétabli par des essais successifs de différents taux de taxes (ou subventions) à mettre en place, en supposant que le Principal soit à même de connaître les quantités de pollutions émises initialement, et que cette observation ait un coût négligeable. Dans ce cadre, l'objectif du Principal est de minimiser le coût social des dommages. L'Agent lui cherche à minimiser son coût de dépollution, pour limiter le montant de la taxe. Théoriquement, la proposition de différents menus à l'Agent doit conduire à l'optimum de Pareto, en aboutissant à un taux de taxe égal aux coûts marginaux de dépollution des agents.

Cependant, ce système d'essais-erreurs est difficile à réaliser dans la pratique car "les politiques d'investissement des entreprises sont discrètes, s'étalent

sur plusieurs périodes et donnent lieu à d'importants coûts fixes" (Assouline

M., Lemiale L., 1998 : 61).

En outre, ce mécanisme peut s'avérer inefficace s'il ne respecte pas la contrainte de participation, le coût d'acceptation du contrat du Principal par l'Agent pouvant être particulièrement élevé. En d'autres termes, la révélation de l'information cachée par l'Agent dépend du fait qu'il ne subisse pas de coûts supplémentaires (directs ou en bénéfices perdus). Par exemple, "si les

entreprises anticipent l'instauration d'une taxe dont le taux de taxe serait fonction du coût marginal annoncé, elles vont avoir tendance à sous-estimer leur coût de dépollution. Si au contraire, elles anticipent l'instauration d'une politique de quantité (norme ou permis), elles seront incitées à surestimer leur coût de dépollution pour obtenir un nombre de permis plus élevé" (Kwerel,

1977).

Dans le secteur agricole, comme dans les autres secteurs d'activités, les problèmes d'autosélection sont importants. Les asymétries d'information portent sur les technologies de production et le respect des réglementations établies. Généralement, le législateur ne peut directement connaître, ni les émissions polluantes individuelles, ni les coûts marginaux de dépollution. Sur le court terme, les coûts de contrôle (ou d'acquisition de l'information) étant extrêmement élevés, la mise en place de politiques correctives est dans la réalité subordonnée à des essais successifs dont l'objectif est de limiter globalement les pollutions, sans chercher à atteindre l'optimum. En d'autres termes, dans le cas des pollutions d'origine agricole, le coût excessif d'acquisition de l'information pousse le législateur à adopter des politiques sous optimales.

1.3 Les approches économiques pour la restauration de

Documents relatifs