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- LES PRÉJUDICES DES VICTIMES INDIRECTES

Il convient d’envisager ici l’indemnisation des proches de la victime blessée ; il s’agit donc d’une action directe des proches de la victime contre le responsable du dommage.

Cette action doit être distinguée de l’action directe des proches pour obtenir l’indemnisation de leurs préjudices en cas de décès ; l’évaluation de ces préjudices est évoquée au chapitre suivant (cf. chapitre 4).

Elle doit également être distinguée de l’action successorale que peuvent exercer les héritiers pour faire entrer dans le patrimoine successoral l’indemnisation des préjudices subis par le défunt entre le dommage et le décès ; l’indemnisation de ces préjudices est évoquée à la section du présent chapitre.

Il s’agit donc des proches de la victime directe du dommage. La victime indirecte peut subir un préjudice moral, notamment au titre du préjudice d’accompagnement, mais également un préjudice économique propre : il peut s’agir de frais temporaires de déplacement ou d’hébergement pour visiter la victime blessée, mais il peut également s’agir de pertes de revenus pour assister la victime blessée ou handicapée.

La Cour de cassation a posé les limites de l’indemnisation des victimes indirectes dans un arrêt du 27 février 1970 en exigeant la preuve d’un préjudice personnel, direct, certain et licite (Cass. ch. mixte, 27 février 1970, JCP 1970.II. 16305)

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Il convient d’être vigilant en la matière pour ne pas indemniser deux fois le même préjudice.

En effet, les frais occasionnés par les proches peuvent faire l’objet d’une demande desdits proches en leur qualité de victime indirectes, mais ils peuvent également faire l’objet d’une demande de la victime directe au titre des frais divers.

Lorsqu’un conjoint cesse de travailler pour assister l’autre conjoint handicapé, le cumul de l’indemnisation de la tierce personne et des pertes de revenus du conjoint assistant peut conduire à une double indemnisation. Dans un arrêt du 8 juin 2017, la Cour de cassation a été saisie de la question de l'articulation entre l'indemnisation de la tierce personne de la victime directe et celle de la perte de revenus du proche, contraint de quitter son emploi pour exercer le rôle de tierce personne et a confirmé que ces deux postes de préjudices n'ont pas vocation à se cumuler ; ainsi prive de base légale sa décision une cour d'appel qui s'est déterminée sans rechercher si la victime indirecte, qui avait cessé son activité pour s'occuper de son mari, ne subissait pas un préjudice économique personnel en lien direct avec l'accident consistant en une perte de gains professionnels qui ne serait pas susceptible d'être compensée par sa rémunération telle que permise par l'indemnité allouée à la victime directe au titre de son besoin d'assistance par une tierce personne (Civ. 2, 8 juin 2017, n° 16-17.319).

On rappellera ici que le partage de responsabilité ou la limitation du droit à indemnisation sont opposables aux victimes indirectes (article 6 de la loi du 5 juillet 1985 pour les accidents de la circulation, et jurisprudence constante,

I – Les préjudices patrimoniaux

A – La perte de revenus des proches

Le déficit fonctionnel permanent dont reste atteinte la victime du dommage peut engendrer une perte ou une diminution de revenus pour les autres membres de la famille.

Pour évaluer ce préjudice, il doit être démontré qu’en plus de la perte de revenus de la victime, déjà indemnisée directement, d’autres membres de la famille subissent une perte de revenus; c’est notamment le cas lorsqu’ils sont obligés de modifier leur vie professionnelle pour assister la victime handicapée.

C’est l’hypothèse du conjoint qui cesse de travailler pour assister la victime ; il conviendra cependant de déduire de la perte de revenu l’indemnisation perçue au titre de l’assistance tierce personne.

Au-delà de cette perte de revenu, la Cour de cassation a admis l’indemnisation de l’épouse qui ne peut plus compter sur l’aide de son mari pour les tâches ménagères et la prise en charge des enfants qu’elle doit dorénavant assumer seule, ce préjudice s’analysant en un

S’agissant d’un couple dont l’épouse, polyhandicapée depuis longtemps, bénéficiait de l’assistance de son mari décédé dans l’accident, celle-ci a obtenu l’indemnisation de la perte de chance de bénéficier, sa vie durant, de l’assistance de son époux (Crim., 27 mai 2014, n° 13-82.116).

Encourt la censure l'arrêt qui rejette la demande de la mère d'un enfant victime d'un accident tendant à l'indemnisation de sa perte de revenus et de droits à la retraite, au motif que le besoin en tierce personne de l'enfant a été par ailleurs indemnisé, sans rechercher si la mère de l'enfant avait été obligée d'abandonner son emploi pour s'occuper de son fils et si, de ce fait, elle avait subi un préjudice économique personnel en lien direct avec l'accident consistant en une perte de gains professionnels et de droits à la retraite qui ne serait pas susceptible d'être compensée par sa rémunération telle que permise par l'indemnité allouée à la victime directe au titre de son besoin d'assistance par une tierce personne (Civ. 2, 14 avril 2016, n° 15-16.697).

B – Les frais divers des proches

Il s’agit d’indemniser les proches de la victime pour les frais de transport, d’hébergement et de restauration engagés pendant la maladie traumatique et éventuellement après consolidation.

Ces frais sont parfois indemnisés au titre des frais divers de la victime directe pendant l’incapacité temporaire lorsque ces frais sont avancés par elle pour faire venir ses proches.

Il convient donc de veiller à ne pas indemniser deux fois le même préjudice.

De même, ne constituent pas un préjudice consécutif à l'accident dont sa mère a été victime, les frais d'hébergement et de soins d'une personne qui, en raison de son handicap, doit être accueillie en foyer d'accueil médicalisé, peu important qu'elle ait, avant l'accident, été hébergée par sa mère, victime directe (Civ. 2, 19 mai 2016, n° 11-22.684).

La Cour de cassation a également jugé que si l'aménagement du logement de la victime pour l'adapter aux contraintes liées à son handicap constitue un préjudice qui lui est propre, les frais engagés par ses proches pour rendre leur logement accessible afin de pouvoir la recevoir, constituent un élément de leur préjudice économique ; elle a considéré que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a retenu que les parents de la victime justifiaient d'un préjudice résultant de la nécessité d'installer une rampe d'accès permettant à leur fils de leur rendre visite en fauteuil roulant et que son frère était fondé à obtenir la prise en charge des frais d'adaptation d'une chambre en rez-de-chaussée (Civ. 2, 5 octobre 2017, n° 16-22.353).

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II – Les préjudices extra-patrimoniaux

A – Le préjudice d’affection

Il s’agit du préjudice moral subi par certains proches, parents ou non, mais justifiant d’un lien affectif réel, au contact de la souffrance de la victime directe. Il convient d’inclure à ce titre le retentissement pathologique objectivé que la perception du handicap de la victime a pu entraîner chez certains proches.

Ce préjudice peut être indemnisé par référence au préjudice d’affection en cas de décès.

B – Les préjudices extra patrimoniaux exceptionnels

Il s’agit d’indemniser les troubles dans les conditions d’existence dont sont victimes les proches justifiant d’une communauté de vie effective et affective avec la victime directe pendant sa survie handicapée (Civ. 2, 21 novembre 2013, n° 12-28.168)

L’évaluation de ce préjudice est nécessairement très personnalisée et spécifique. On indemnisera notamment à ce titre le préjudice sexuel du conjoint (ou concubin) consécutif au handicap subi par la victime pendant la maladie traumatique et après sa consolidation.

CHAPITRE 4 – INDEMNISATION DES PREJUDICES SUBIS