Section 2 : Les politiques de l’emploi
2. Des politiques variées
2.3. Les politiques mixtes
La difficulté à laquelle doit faire face les politiques de l’emploi est qu’elles poursuivent une
multitude d’objectifs en même temps, ce qui justifie la multiplication de ses dispositifs. D’où
la nécessité de trouver le « bon mix » (L’Horty, 2006) qui permettrait d’intervenir
simultanément sur l’offre ainsi que sur la demande de travail. Les politiques mixtes sont
centrées sur l’appariement et le fonctionnement global du marché de l’emploi. D’autres voies
29 L’Horty (2006) classe ce type de mécanismes en deux catégories : les incitations monétaires permanentes et les incitations monétaires temporaires.
30 Notons que depuis le Sommet du Luxembourg de 1997, l’accent est mis sur le taux d’emploi (et non plus le taux de chômage) en tant qu’axe prioritaire commun pour les politiques de l’emploi des États membres de l’UE. On substitue alors à la lutte contre le chômage, un objectif de diminuer le non-emploi, et par là limiter le chômage et l’inactivité.
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ont été explorées ces dernières années telles que les marchés transitionnels du travail
31(MTT) et la « flexicurité » en tant que stratégie de réforme du marché du travail.
2.3.1. Les politiques d’appariement
Les politiques d’appariement ont pour principal objectif de réduire le nombre d’emplois
vacants en améliorant l’adéquation entre l’offre et la demande de main-d’œuvre. Les formes
principales de mise en œuvre reposent sur des politiques de formation et d’accompagnement
des chômeurs et des employés en transition.
2.3.1.1. L’organisation institutionnelle du marché
Le durcissement des conditions d’accès aux prestations de chômage a imposé de développer
en contrepartie des politiques d’accompagnement des chômeurs (agences pour l’emploi, aide
à la recherche d’emploi). L’OCDE recommande ainsi de mettre en place et d’améliorer les
Services Publics de l’emploi (SPE) afin de coordonner des actions souvent dispersées. Ceci
dans le but d’orienter au mieux les chômeurs vers un emploi durable ou une formation
professionnalisante. L’accompagnement est donc devenu une composante importante des
politiques actives de l’emploi, particulièrement en faveur des jeunes en leur permettant
d’entreprendre une démarche de recherche d’emploi, dans la lignée du New Deal for Young
People lancé au Royaume-Uni en 1998. Crépon et al. (2005, cité dans L’Horty, 2006)
observent que les aides personnalisées à la recherche d’emploi influent positivement sur la
durée du chômage ainsi que sur la qualité des emplois obtenus. Mais cette démarche
d’accompagnement vers l’emploi ne se limite pas aux chômeurs. Les salariés en transition
professionnelle (mobilité, formation, congés) bénéficient également de services de placement
accompagnant leur reconversion professionnelle. Cette logique de soutien aux transitions se
traduit par de nouvelles politiques de l’emploi basées sur les MTT dans le but de protéger les
travailleurs en mobilité professionnelle (Gazier, 2008). Il s’agit dès lors d’une stratégie axée
non plus sur les stocks mais sur les flux des actifs sur le marché du travail. Les politiques de
l’emploi ne visent en définitive pas seulement la lutte contre le chômage, elles poursuivent un
modèle social respectueux des choix de vie des travailleurs qui lui confère un rôle structurel à
la fois économique, social et politique (Erhel, 2012).
2.3.1.2. L’adaptation des qualifications
Les politiques de formation englobent l'ensemble des politiques visant à améliorer les
compétences d’un individu afin de lui permettre de retrouver un emploi ou de maintenir son
emploi actuel. Cette logique d’intervention traduit un besoin d’adéquation entre qualification
des actifs et qualification exigée sur le marché du travail. Il importe alors de distinguer au
préalable entre les différents types de formation : (i) la formation professionnelle, qui
intervient au niveau de l’entreprise en amont du chômage, vise à entretenir et ajuster les
compétences de l’employé conformément aux exigences de l’employeur ; (ii) la formation de
réinsertion est quant à elle organisée par les services publics de l’emploi et intervient en aval
du chômage sous différentes formes (formation continue, formation en alternance, formation
professionnelle via un emploi temporaire, etc.). Ces formations ont pour objectif de réadapter
les compétences des chômeurs et d’éviter la dépréciation de leur capital humain. Celui-ci
31 On peut identifier cinq champs principaux de transition : au sein de l’emploi ; entre l’emploi et le chômage ; entre l’emploi et le système éducatif ; entre l’emploi et les activités domestiques ; entre l’emploi et les retraites.
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permet de se prémunir contre le risque de se retrouver à nouveau au chômage. L’effet de ces
politiques de formation sur l’accès au marché du travail reste modeste dans l’ensemble. Les
formations en amant sont souvent réservées aux plus qualifiés (Fougère et al., 2001, cité dans
Blanchard et Tirole, 2003) ou ont un caractère « spécifique » rendant les compétences
acquises utiles uniquement au sein de l’entreprise, d’où l’intérêt des mesures encourageant les
entreprises à privilégier la formation continue offrant à leurs salariés une qualification
« généraliste » transférable vers d’autres entreprises.
Concernant les formations en aval, l’emploi temporaire et la formation en alternance peuvent
améliorer les performances des personnes bénéficiaires, notamment sur certaines catégories
telles que les femmes (Heckman et al., 1999). Mais les emplois réguliers subventionnés sont
relativement plus efficaces car ils permettent d’accéder à un emploi sans passer par le filtre de
la formation, ce qui convient davantage aux entreprises principalement en raison de leur effet
sur le coût du travail. D’autre part, il est utile de noter que peu de formations qualifiantes sont
proposées aux chômeurs car trop onéreuses. Enfin, une durée importante de formation peut
avoir un effet négatif en éloignant les chômeurs du marché du travail (effet d’enfermement).
Effet pourtant contesté par les résultats de l’étude de Crépon et al. (2007) qui démontrent que
l'augmentation de la durée de formation (y compris l’alternance) dispensée aux jeunes
chômeurs (de longue durée notamment) permet une hausse de leur durée dans l'emploi.
2.3.2. La « Flexicurité » : nouvelle stratégie de réforme du marché du travail
Un certain nombre de mesures se sont consacrées ces dernières décennies à tenter de trouver
le juste équilibre entre « déréglementation » du marché du travail et sécurité de l’emploi. Pour
Blanchard et Tirole (2003), l’internalisation
32représente la condition sine qua non de la
flexibilité qui demeure un besoin légitime de l’entreprise. Celle-ci doit cependant être
responsable de ses actes. Ils recommandent une prise en charge du coût inhérent aux
licenciements par les entreprises elles-mêmes. La responsabilisation des employeurs est un
principe, selon les auteurs, qui poursuit une même logique que celle du « pollueur-payeur ».
Cahuc et Kramarz (2004) proposent, quant à eux, d’instaurer un seul et unique contrat de
travail à durée indéterminée sous certaines conditions qui permettraient de minimiser les
obstacles aux mesures incitatives. A partir de 2006, les débats se concentrent sur la question
de sécurisation des transitions et des trajectoires
33professionnelles défendant, dans le
prolongement des approches par les MTT, une stratégie conciliant les besoins de flexibilité
des entreprises et les revendications de sécurité des employés (sécurité de l’emploi
34et de
l’employabilité) : la « Flexicurité »
35. Ce concept apparaît aux Pays-Bas en 1999 à partir
d’une loi sur la flexibilité et la sécurisation sociale (Flexibility and Security Act). Puis utilisé
au Danemark sous l’appellation « triangle d’or » dont le principe se différencie avec une
protection minimale de l’emploi et une indemnisation sociale relativement élevée (taux de
32 Le principe d’internalisation est une norme de la responsabilité personnelle selon laquelle ce sont les individus concernés qui sont responsables de leur sort et de leur avenir.
33 Le Céreq regroupe les trajectoires en six grands types : accès rapide et durable à l'emploi ; accès différé dans l'emploi ; décrochage de l'emploi ; persistance du chômage ; dominante de reprise d'études ; inactivité.
34 Seifert et Tangian (2008, 7) font remarquer la distinction faite par la Commission européenne entre sécurité du poste (job security) et sécurité de l’emploi (employment security) : « La job security renvoie à la permanence sur un lieu de travail particulier ; avec l’employment security, on fait référence à la permanence de relations d’emploi qui peuvent se situer dans différentes activités et pour différents employeurs ».