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Les Pays-Bas : un archétype « beveridgien »

Dans le document Projet de rapport (Page 54-57)

A. RENCONTRES AVEC LES CONSEILLERS SOCIAUX DES AMBASSADES

2. Les Pays-Bas : un archétype « beveridgien »

Le caractère universel et simple du régime des retraites aux Pays-Bas reposant, pour le premier pilier, sur la solidarité nationale et financé par l’impôt, complété par des régimes professionnels par capitalisation, le deuxième pilier, et une composante d’épargne individuelle, le troisième pilier, en fait une parfaite illustration d’une approche la plus rationnelle possible de la question des retraites. Sa forme actuelle est relativement récente, même si le régime date de 1956 et ne se présente pas comme une cristallisation de strates successives de réformes plus ou moins abouties, qui rend souvent si complexe la lecture des systèmes de retraites européens, français compris.

Le premier pilier des pensions de retraite de l’assurance vieillesse, l’Algemene ouderdomswet (AOW) (1), géré et contrôlé par l’État, n’est pas lié à la carrière professionnelle. Il est universel en effet : ses prestations forfaitaires bénéficient à toutes les personnes ayant résidé aux Pays-Bas entre 15 et 65 ans, lorsqu’elles sont âgés de 65 ans ou plus, sans conditions de ressources ni d’activités et sont indexées sur le salaire minimum.

Le régime fonctionne selon le principe de la répartition et est financé par une cotisation à la charge des assurés âgés de moins de 65 ans dont l’assiette est constituée de l’ensemble des revenus imposables composant la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu et est plafonnée à 18,25 %. Le montant de l’allocation pour un célibataire est de 70 % du salaire minimum net et pour un couple (marié ou partenaire d’un contrat d’union) du salaire minimum net, soit deux fois 50 %.

Le nombre de bénéficiaires de la pension publique de base à la fin de 2008 était d’environ 2,7 millions et le montant des dépenses engagées pour la même année de près de 27 milliards d’euros (4,4 % du PIB). Les recettes étant de 20,3 milliards d’euros, le déficit est actuellement couvert par le budget général et

donc par les impôts des retraités qui se financent ainsi eux-mêmes, ce qui fait l’objet de controverses aux Pays-Bas.

Le régime de base d’assurance vieillesse AOW est complété par des régimes de retraite professionnels fonctionnant selon le principe de la capitalisation : c’est le deuxième pilier. Ces fonds de pension couvrent, séparément, les salariés des secteurs publics, fonctionnaires compris, et privés, soit près de 95 % des actifs, dont les cotisations sont principalement payées par l’employeur. Ce qui fait de ce second pilier un régime quasiment obligatoire, bien qu’il n’existe pas en soi de dispositif légal l’imposant aux employeurs. Il est intégré aux conventions collectives. Les fonds disposaient, à la veille de la crise, de réserves très importantes investies initialement aux Pays-Bas, puis largement aussi à l’étranger, la composition du portefeuille d’actifs ayant suivi l’orientation générale, les obligations extrêmement majoritaires jusqu’au début des années 1980 ayant progressivement cédé la place à des placements plus diversifiés, plus rentables mais aussi plus exposés.

Leur puissance a longtemps permis aux Pays-Bas d’envisager avec une relative sérénité les projections de financement des retraites à moyen et long terme. La détention d’un portefeuille de plus en plus important par les fonds de pension a eu pour principale conséquence d’accroître la part des produits financiers dans les recettes courantes et de permettre de stabiliser ou de diminuer les appels de cotisations et donc des prélèvements sur les employeurs et les salariés.

Les fonds de pension sont organisés et pilotés par les partenaires sociaux qui décident si ces régimes professionnels sont d’entreprise (12 % correspondant à de grandes entreprises comme Philips), ou de branche (76 %).

Les caisses de retraite d’entreprise sont des fonds de pension extérieurs à l’entreprise, constituées dans l’unique but de gérer les capitaux accumulés au profit des salariés d’une entreprise ou d’un groupe d’entreprises. Les caisses de retraite de branche en sont l’équivalent pour les branches. Ces caisses restent très nombreuses, environ 750 dont une centaine de branche fin 2006, mais la tendance, accélérée par la crise, est au regroupement et au changement d’échelle. Enfin, des assurances-vie de groupe représentent les contrats conclus entre une petite entreprise et une compagnie d’assurance-vie pour couvrir ses engagements en matière de retraite, il existe 46 000 dispositifs de ce type.

Les régimes complémentaires sont pour la grande majorité des salariés, 94 %, à prestations définies, spécificité néerlandaise là aussi, on l’a remarqué, et calculées pour 77 % d’entre eux sur le salaire moyen de la carrière complète, avec souvent une valorisation de l’ancienneté et pour 10 % seulement sur le dernier salaire, moins de 6 % sont à cotisations définies. Les pensions du deuxième pilier sont indexées pour la moitié d’entre elles par rapport aux salaires et pour 27 % par rapport aux prix. Les droits son transférables en cas de changement de travail.

En 2009, les ressources du deuxième pilier étaient de 23,7 milliards d’euros pour 23,2 milliards de dépenses (3,9 % du PIB). La capitalisation globale des régimes complémentaires professionnels était de 638 milliards d’euros soit 107,1 % du PIB alors qu’elle était de 18,7 % du PIB en 1950.

Pour une carrière d’une durée de 40 ans, l’objectif visé en matière de pension est un taux de remplacement du dernier salaire de l’ordre de 70 %, y compris la pension servie par le régime de base AOW, qui constitue une sorte de franchise. Les régimes de retraite du deuxième pilier, intégrés à l’ensemble, versent donc en fait une pension différentielle.

Pour faire face aux risques de la capitalisation, les caisses de retraites sont tenues de disposer de réserves à hauteur de 105 à 125 % de leurs engagements. L’État et la Banque centrale veillent au respect des différentes règles structurant le deuxième pilier, depuis la transparence et la viabilité des régimes professionnels jusqu’à l’égalité hommes femmes ou à l’absence de discrimination liée à la nature du contrat de travail.

Le troisième pilier assure une retraite complémentaire individuelle, sous forme de rente viagère, par l’assurance vie ou l’épargne retraite. L’affiliation y est par nature facultative. Il est surtout utilisé par les auto-entrepreneurs, qui n’ont pas accès aux régimes complémentaires d’entreprises. Les recettes en 2009 étaient de 6,3 milliards d’euros pour 7,7 milliards de dépenses (1,2 % du PIB) et la capitalisation globale de 303 milliards d’euros (60 % du PIB).

L’impact de la crise économique et financière pèse surtout sur les caisses de retraite du deuxième pilier, menaçant le taux de couverture des réserves. Le calcul de plus en plus répandu des prestations sur le salaire moyen et non sur le dernier salaire en a amorti l’impact. Ressources en baisse, placements en actions plus exposés, taux de couverture inférieur au pourcentage légal, le gouvernement a du accorder des délais de redressement des comptes, passés de un à cinq ans. Le caractère privé des fonds de pension limite cependant l’action des pouvoirs publics qui se sont plutôt tournés vers des réformes du régime du premier pilier, relevant directement de lui. La crise, servant de catalyseur, l’a conduit à proposer des mesures prenant en compte l’évolution démographique et stabilisant les dépenses.

La première est de porter l’âge légal de départ à la retraite de 65 à 67 ans en 2025 dans le premier pilier qui relève de la seule décision publique, mais aussi dans le deuxième où un accord des partenaires sociaux, hostiles, est nécessaire. Mais en contrepartie, serait prise en compte la pénibilité, les carrières longues (au moins 42 ans) et un échéancier de mise en place afin de maintenir une certaine équité dans l’accès aux prestations. Les partenaires sociaux semblent, pour ce qui les concerne, être parvenus à un accord portant l’âge de départ à 66 ans en 2020, et à 67 ans en 2025, pour les deux piliers, mais la chute du gouvernement et la préparation des élections législatives du 9 juin 2010 suspendent pour le moment toute décision concrète.

Enfin, la suppression en 2005 des systèmes de retraite anticipée, a permis d’augmenter le taux d’emploi des seniors de 8 %.

On notera que la somme des dépenses nationales de retraite pour les trois piliers, et donc pour tous les régimes publics et privés confondus atteignent ainsi, en 2009, 9,5 % du PIB. Leur croissance est rapide et confirme le rapprochement des différents régimes de retraites européens, indépendamment de leurs structures initiales, confrontés aux mêmes problèmes démographiques et macro-économiques.

Comme la France, le gouvernement des Pays-Bas a mis en place, dès 1998, un fonds de réserves pour contenir le coût du régime public et le répartir sur plusieurs générations, « AOW-spaarfonds » permettant de préfinancer une fraction des engagements du régime AOW. C’est un compte spécial d’épargne alimenté par le budget de l’État et investi en obligations. Il bénéficiait à sa création d’une fraction de la diminution de la dette publique et de la réduction du service de la dette.

Les réponses politiques ne sont pas, elles non plus, si éloignées des nôtres, dans un cadre où la recherche du consensus doit s’articuler avec la nécessité d’assurer la viabilité à long terme, et la sauvegarde à court terme, des systèmes de pension. Aux Pays-Bas, où existe pourtant, au moins autant qu’en Allemagne, une forte tradition de concertation et de recherche d’accord avec les partenaires sociaux, les rendez-vous sur les retraites prévus en 2010 ne se préparent pas non plus sans tensions ni difficultés.

B. UNE ÉTUDE DE TERRAIN EN FINLANDE, SOURCE D’UNE RÉFLEXION ENRICHISSANTE SUR LE CAS FRANÇAIS

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