• Aucun résultat trouvé

La très haute résolution angulaire : le principe de l’interférométrie

2.2 Le principe de l’interférométrie

2.2.6 Les observables interférométriques dans le domaine infrarouge

A partir des franges d’interférence, dont un exemple est représentée à la figure2.3, on me-sure deux observables reliées à l’information sur l’objet.

2.2.6.1 Le spectre de puissance ou visibilité carrée

Sm= |Vm|2 ' τj1,mτj2,m | ˆI(νm) |2 . (2.9)

Cette observable se mesure à l’aide de deux télescopes et donne de l’information sur l’am-plitude de la visibilité complexe |V| (Lawson 2000;Monnier 2003).

Cette amplitude a la dimension d’une puissance. Cependant, elle est normalisée par rapport à la puissance totale collectée par l’interféromètre, |V| = Pmax−Pmin

Pmax+Pmin. Cette "visibilité" normalisée est sans dimension et est comprise entre 0 et 1.

Elle donne accès à l’information sur la taille de l’objet : un point source a une visibilité de 1 et elle diminue au fur et à mesure que la taille de l’objet augmente, par perte de cohérence spatiale.

La fonction de transfert τj1,mτj2,m du spectre de puissance peut être estimée par calibration photométrique simultanée (en mesurant le flux venant de chaque télescope) et, pour compenser les effets statiques restants, grâce à l’observation d’une source de référence (étoile ponctuelle et invariable).

2.2.6.2 La phase de clôture

La deuxième observable est la phase ϕ du degré complexe de cohérence. Elle est mesurée par le déplacement du maximum du paquet de franges par rapport à une position de référence pour laquelle la différence entre les chemins optiques parcourus par les deux faisceaux de l’in-terféromètre est parfaitement compensée. Cette référence est appelée la différence de marche

2.2. Le principe de l’interf´erom´etrie 25 nulle. Cette phase donne de l’information sur la position des structures de l’objet. Malheureu-sement, dans la plupart des cas, l’information contenue dans la phase de la visibilité complexe ne peut être utilisée. En effet, comme expliqué précédemment, celle-ci est fortement perturbée par la présence de la turbulence atmosphérique. Cette turbulence introduit un retard de phase supplémentaire et la mesure du déplacement des franges n’est plus représentative de la source observée mais des turbulences présentes dans l’atmosphère.

Une des techniques permettant de retrouver une partie de l’information de phase est la clô-ture de phase (Jennison 1958), premièrement introduite en interférométrie radio. Elle consiste à faire des mesures de phase sur trois bases formées par trois télescopes simultanément et de les additionner. Dans ce cas, les perturbations créées par la présence de l’atmosphère vont se sous-traire, car elles sont comptées une fois positivement et une fois négativement dans la somme. En effet, considérons un retard de phase φi sur chaque télescope (i = 1,2,3) dû à l’atmosphère ; les phases ϕi j mesurées entre les télescopes i et j sont les suivantes, où ψi jest la phase intrinsèque

de l’objet :   ϕ12= ψ12+(φ2− φ1) ϕ23= ψ23+(φ3− φ2) ϕ31= ψ31+(φ1− φ3) (2.10)

Et la phase de clôture vaut alors :

β = ϕ12+ ϕ23+ ϕ31 = ψ12+ ψ23+ ψ31 (2.11)

qui ne dépend que de la distribution de brillance de la source et non de la perturbation atmo-sphérique.

Une façon équivalente pour déterminer la clôture de phase est d’utiliser le bispectre, produit des visibilités complexes obtenues sur le triplet de télescopes :

Bm= Vj1,m,j2,mVj2,m,j3,mVj3,m,j1,m ' τj1,mτj2,mτj3,mˆI(νj1,m,j2,m) ˆI(νj2,m,j3,m) ˆI(νj3,m,j1,m) . (2.12) C’est une quantité complexe dont la phase est égale à la phase de clôture. Comme dans le cas du spectre de puissance, la fonction de transfert τj1,mτj2,mτj3,m peut être calibrée. Vu que cette fonction de transfert est réelle, la phase du bispectre, et donc la phase de clôture, est indépendante des perturbations. Par conséquent, elle est équivalente à celle de l’objet.

Pour N télescopes, il existeN 3



= N(N−1)(N−2)6 triplets. Cependant, il n’y a queN

2



= N(N−1)2

phases de Fourier indépendantes, toutes les phases de clôture ne peuvent donc être indépen-dantes. En réalité, le nombre de phases de clôture indépendantes n’est que deN−1

2



= (N−1)(N−2)2

ce qui correspond à considérer un télescope fixe et à former tous les triangles possibles avec ce télescope. Le nombre de phases de clôture indépendantes est donc toujours inférieur au nombre de phases que l’on essaie de déterminer. On arrive, par exemple, à retrouver 90% de l’infor-mation contenue dans la phase avec 21 télescopes ; ceci est illustré à la figure2.4. Avec trois télescopes, 33% seulement de l’information est récupérée.

La phase de clôture permet donc de récupérer une partie de l’information de phase de Fou-rier mais induit une complexité supplémentaire de non-linéarité car elle est comprise entre −π et π. D’un point de vue pratique, la phase de clôture caractérise l’asymétrie d’un objet : si un

26 Chapitre 2. La tr`es haute r´esolution angulaire : le principe de l’interf´erom´etrie

Figure 2.4: Pourcentage d’information retrouvé théoriquement en utilisant la clôture de phase (F. Malbet, communication privée).

objet est symétrique, il possède une signature de clôture de phases nulle. La position absolue de l’objet est cependant toujours perdue.

D’autres techniques permettent de retrouver de l’information de phase. La référence de phase (Ulvestad 1999) consiste à se servir d’un objet ponctuel et lumineux situé à une faible distance angulaire de la cible comme objet de référence pour caractériser les perturbations de l’atmosphère. En effet, cette référence étant proche de l’objet de science, elle traverse les mêmes couches atmosphériques et contient les mêmes perturbations. Il suffit de mesurer la phase ins-tantanée de ses franges et de s’en servir pour corriger celle de la cible. Cette méthode permet de retrouver la phase absolue de l’objet, c.-à-d. l’entièreté de l’information de phase. Cependant elle est très limitative car elle nécessite la présence d’une étoile adéquate proche de la cible.

Une autre méthode consiste à mesurer la phase pour différentes longueurs d’onde et à uti-liser une des longueurs d’onde comme référence. Cette méthode, appelée phase différentielle

(Tatulli et al. 2007b), donne accès à la phase relative de l’objet.

Dans la suite de la thèse, seule la méthode de clôture de phase sera utilisée et, pour simplifier les équations, on considère que les observables sont corrigées des biais et calibrés, donc :

Vdata m =Vm+Verr m (2.13) Sdata m =Sm+Serr m (2.14) Bdata m = Bm+Berr m (2.15) βdata m = βm+ βerrm , (2.16)

2.3. Les interf´erom`etres dans le monde 27

Figure 2.5: La recombinaison des signaux à la sortie d’un interféromètre (Haguenauer 2001).

où Verr

m , Serr

m , Berr

m et βerr

m tiennent compte des erreurs dues au bruit et aux approximations du

modèle.