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Il faut ajouter à cette composante gazeuse la composante solide du milieu inter- stellaire composée de grains de poussières dont la taille n’excède pas le micromètre. Leur nature n’est pas connue de façon précise mais il est admis qu’ils sont formées de graphite ou de silicate avec un manteau de glaces de composés volatiles tels que l’eau, le méthane ou l’ammoniac. Ils absorbent le rayonnement des étoiles (effet de rougissement) et réemettent une partie de l’énergie sous forme infrarouge ce qui per- met de les détecter. Les astrochimistes considèrent qu’ils participent activement à la chimie du milieu interstellaire en fixant les atomes sur leur surface et en "catalysant" (même si le terme est impropre) les réactions de formation de molécule. C’est notam-

ment le cas pour la molécule la plus abondante H2 (Hollenbach & Salpeter 1971). À

mi-chemin entre les molécules et les poussières, on a montré la présence des Hydro- carbones Aromatiques Polycycliques (souvent désignés sous l’acronyme anglo-saxon PAH) qui sont des macro-molécules organiques, résultats d’une chimie très complexe qui a probablement lieu dans les atmosphères étendues d’étoiles en fin de vie. Durant la préparation de cette thèse, même si nous ne l’avons pas étudié de façon précise, nous nous sommes intéressés au milieu moléculaire, plus principalement les nuages denses et froids qui permettent la formation de molécule telle que l’ammoniac

NH3 et ses isotopomères deutérés qui sont l’objet de ce travail. Regardons d’un peu

plus près maintenant la "faune" moléculaire constitutive de ces environnements.

1.2

Les molécules dans le milieu interstellaire

1.2.1 Historique de leur détection

Sir Arthur Eddington (1882-1944) fut le premier à émettre l’hypothèse en 1926 que le milieu interstellaire n’était pas peuplé que d’espèces atomiques mais que des molécules pouvaient aussi se former. Dès les années 1940, les premières molécules interstellaires furent détectées. Des raies non identifiées qui apparaissaient en absorp- tion dans les spectres d’étoiles furent observées (Dunham 1937; Dunham & Adams 1941). C’est en tentant d’expliquer quelle était l’origine de ces raies que la présence des mo- lécules diatomiques CH et CN fut mise en évidence (McKellar 1941; Adams 1941).

Simultanément, Douglas et Herzberg confirmèrent la présence de CH+ dans le mi-

lieu insterstellaire (Douglas & Herzberg 1941). Pendant plusieurs décennies, ces mo- lécules resteront les seules détectées et il y a deux raisons qui peuvent l’expliquer. Tout d’abord, les observations se réalisaient avec des moyens optiques, or les mo- lécules aux températures interstellaires n’émettent essentiellement que dans le do- maine des ondes radio et submillimétriques. De plus certaines molécules n’émettent quasiment pas lorsqu’elles sont placées dans les conditions physiques du milieu in-

terstellaire. C’est le cas de la plus abondante de toutes, H2, qui émet peu à cause

de l’absence de moment dipolaire (ses transitions quadrupolaires sont de très faible intensité mais néanmoins observées). Bien que sa présence était fortement soup- çonnée, elle ne sera détectée qu’en 1970 grâce à des observations en ultraviolet des bandes d’absorption Lyman et Werner à partir d’une fusée (Carruthers 1970). Mais un moyen sûr d’observer une molécule, c’est encore de détecter ses transitions ro- tationnelles (domaines radio et submillimétrique) voire vibrationnelles (domaines submillimétrique et infrarouge). Ainsi le développement croissant de la radioastro-

nomie a permis la détection à partir des années 1960 de nombreuses molécules. On

peut citer OH en 1963 (Weinreb et al. 1963), NH3 en 1968 (Cheung et al. 1968),

H2O en 1969 (Cheung et al. 1969) et un des meilleurs traceurs du gaz moléculaire :

CO en 1970 (Wilson et al. 1970). Aujourd’hui on compte plus de 130 molécules dont la présence est attestée dans les milieux interstellaire et circumstellaire parmi les- quelles de grosses molécules organiques (Ehrenfreund & Charnley 2000). Parmi ces molécules on dénombre aussi des "molécules exotiques" (Green 1981a) qui sont tel- lement réactives dans les conditions terrestres qu’il est difficile de les étudier en laboratoire : c’est le cas, par exemple, de HNC, l’isomère métastable de HCN. Le milieu interstellaire joue donc le rôle d’un laboratoire permettant aux spectrosco- pistes et chimistes d’étudier des molécules inexistantes sur Terre. Le tableau 1.1 donne la liste des molécules détectées et indiquent en plus la liste des isotopomères deutérées (c’est-à-dire les molécules contenant de l’hydrogène qui a été remplacé par

son principal isotope : le deutérium 2

1H symbolisé par D dans la suite du manuscrit)

dont la présence est confirmée. La plupart de ces molécules ont été observées dans les comètes et un certain nombre dans le milieu extragalactique. On peut citer parmi les

dernières venues CF+(Neufeld et al. 2006) et CH2CNH (Lovas et al. 2006). Aujour-

d’hui les molécules sont détectées dans des milieux aussi divers que les atmosphères de planètes, les comètes, les atmosphères d’étoiles froides, les milieux circumstel- laire, interstellaire et extragalactique. Les molécules peuvent donc se former dans des milieux très disparates du point de vue des conditions physiques qui y règnent. Le cas du milieu interstellaire nous intéresse plus particulièrement.

1.2.2 Formation des molécules

On peut distinguer deux types différents de chimie qui permettent de former les molécules présentes dans le milieu interstellaire (Watson 1976) :

– la chimie en phase gazeuse : elle est possible grâce aux collisions binaires de particules. Une collision entre trois particules avec la troisième qui emporterait l’excès d’énergie dégagé est hautement improbable aux densités typiques du milieu interstellaire.

– la chimie de surface : les atomes sont adsorbés par la glace de la surface des grains de poussières et réagissent ensemble pour former une molécule. La pous- sière joue le rôle du troisième corps qui absorbe l’énergie dégagée par la réac- tion.

Quel que soit le processus de formation des molécules, leur densité dans le milieu est déterminée par l’équilibre chimique entre les processus de création F et les processus de destruction D d’une molécule i (Roueff 2005) :

dni

dt = F − Dni (1.1)

Comme nous l’avons signalé précédemment, il est aujourd’hui largement admis que la

molécule H2 se forme par recombinaison diffusive à la surface des grains de poussières

interstellaires (Hollenbach & Salpeter 1971) (il existe, néanmoins, une possibilité de chimiesorption). Les atomes d’hydrogène sont capturés par les grains et peuvent

migrer à la surface de ces derniers pour réagir ensemble et former H2. Les molé-

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