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L’exploration de Titan avant la mission Cassini-Huygens

1.2 Les missions spatiales Pioneer 11, Voyager 1 et Voyager 2

1.2.1 Données de la sonde Pioneer 11

Le premier survol de Titan par une sonde spatiale est réalisé par la sonde Pioneer 11 en Sep-tembre 1979, à une altitude de 363 000 km. Les observations alors effectuées permettent d’étudier l’assombrissement au limbe et la polarisation de la brume de Titan (Tomasko, 1980; Tomasko et Smith,1982), d’estimer le rayon (Smith,1980) et la masse (Anderson et al., 1980) de Titan, ainsi que d’identifier potentiellement une signature magnétique (Jones et al., 1980). L’image de Titan acquise par Pioneer 11 est représentée sur la Fig. 1.3a. Titan y apparaît comme une boule jaune-orangée à cause de la présence de son épaisse atmosphère comprenant des aérosols.

1.2.2 Données des sondes Voyager

De nouvelles données spatiales sont ensuite acquises lors des survols de Titan par les sondes Voyager 1, en Novembre 1980 à une altitude de 6969 km (Smith et al.,1981), et Voyager 2, en Août 1981 à une altitude de 663 385 km (Smith et al.,1982). Les données des missions Voyager permettent alors un véritable bond en avant pour l’exploration de Titan.

Les images acquises par les deux sondes (Figs. 1.3b et c) constituent les images les plus pré-cises de Titan jusqu’à l’arrivée de la sonde Cassini-Huygens, plus d’une vingtaine d’années plus tard. Ces images révèlent la présence d’hétérogénéités dans la teneur en aérosols de la brume, la surface de Titan étant toujours masquée par cette épaisse brume orangée et opaque dans le do-maine du visible. Il faut cependant noter que le retraitement tardif des images acquises par les sondes Voyager parRichardson et al.(2004) permet finalement de constituer des cartes d’albédo de la surface de Titan. L’essentiel des travaux liés aux données Voyager porte sur les propriétés physiques (taille, constantes optiques, forme) des aérosols de l’atmosphère de Titan (Rages et al., 1983;West et Smith,1991;Cabane et al.,1992,1993) et leur répartition en latitude et en altitude (Smith et al., 1981;Rages et Pollack,1983;Rannou et al., 1997), avec notamment l’identifica-tion d’une couche d’aérosols détachée de la couche principale (Fig. 1.3d) à une altitude d’environ 300-350 km (Smith et al.,1981;Rages et Pollack,1983).

Les données du spectromètre infrarouge IRIS (InfraRed Interferometer Spectrometer) à bord de la sonde Voyager 1 apportent aussi de nouvelles contraintes sur la composition de l’atmosphère. Elles permettent notamment l’identification de méthane (CH4), d’acétylène (C2H2), d’éthylène (C2H4), d’éthane (C2H6), de cyanure d’hydrogène (HCN) et de nombreux autres hydrocarbures (Hanel et al.,1981;Kunde et al.,1981;Maguire et al., 1981;Courtin, 1982;Kim et Caldwell, 1982; Samuelson et al., 1983;Coustenis et al., 1989a,b; Coustenis et Bézard, 1995; Coustenis et al., 1999). Ces observations confirment la détection de méthane faite par Kuiper(1944) ainsi que les hypothèses concernant la composition complexe de la couche d’aérosols supposée présente au sein de l’atmosphère (Danielson et al.,1973;Gillett et al.,1973;Gillett,1975).Coustenis et Bézard(1995) quantifient ces composés et constatent une assymétrie dans la répartition Nord-Sud des gaz, assymétrie déjà visible dans les images acquises par les sondes Voyager 1 et Voyager 2 (Fig. 1.3b et c) (Sromovsky et al., 1981). Cette assymétrie pourrait témoigner de variations

1.2 Les missions spatiales Pioneer 11, Voyager 1 et Voyager 2 15

FIGURE 1.3 – a-c) Images globales de Titan acquises par les sondes Pioneer 11 et Voyager. a) Image de Titan acquise par la sonde Pioneer 11 en 1979. b) Image de Titan acquise par la sonde Voyager 1 en 1980. c) Image de Titan acquise par la sonde Voyager 2 en 1981. d) Images de la couche détachée d’aérosols vue par Voyager 1. Crédits images d’origine : NASA/JPL-Caltech/Space Science Institute.

saisonnières de composition de l’atmosphère en fonction de la latitude.

L’analyse des données radio du Radio Science Subsystem (RSS) de la sonde Voyager 1 par Tyler et al.(1981) montre que l’atmosphère de Titan est majoritairement composée de diazote N2. Cette estimation est confirmée par la détection de N2, N et N+par l’instrument UltraViolet Spec-trometer(UVS) (Broadfoot et al.,1981;Strobel et Shemansky,1982) et de composés impliquant des atomes d’azote par l’instrument IRIS (Kunde et al.,1981).

Un profil de température au travers de l’atmosphère est établi suite aux mesures d’occulta-tions radio de Voyager 1 par Titan, en supposant une atmosphère constituée principalement de N2 (Lindal et al., 1983;Lellouch et al., 1989). La température de l’atmosphère ainsi déterminée à proximité de la surface est de 94 K (Lindal et al.,1983) ou de 93-101 K (Lellouch et al.,1989), ce qui est cohérent avec la température de 94-97 K déterminée parSamuelson et al.(1981) à l’aide des données IRIS et de calculs de transfert radiatif. La pression de surface estimée selon cette même hypothèse d’atmosphère principalement constituée de diazote est de 1,49 bar (Lindal et al., 1983). Les données radio permettent d’estimer une nouvelle valeur du rayon de Titan égale à 2575 km (Lindal et al.,1983), valeur servant actuellement de référence.

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FIGURE1.4 – Diagrammes de phase du méthane (CH4) et de l’éthane (C2H6) dans les conditions de surface de Titan (en jaune). Les courbes noire (méthane) et rouge (éthane) représentent les pression de vapeur saturante à l’équilibre entre les différentes phases des composés en fonction de la température. Lorsque la pression excède la pression de vapeur saturante, le composé passe de l’état gazeux à l’état solide ou liquide en fonction des températures de fusion des composés (droites rouge et noire). Données sources : siteshttp://www.cheric.orgethttp://webbook. nist.gov. Les pointillés gris représentent les conditions pression/température enregistrées au site d’atterrissage du module Huygens de la mission Cassini-Huygens.

Suite à ces observations, un nouveau modèle photochimique incorporant le diazote comme composant majoritaire de l’atmosphère est élaboré (Yung et al.,1984). Ce modèle suppose que le méthane de l’atmosphère se photodissocie de manière irréversible sur des échelles de temps de l’ordre de 10 à 100 Ma, au profit de la création de nouveaux hydrocarbures plus complexes, prin-cipalement de l’éthane et de l’acétylène, jusqu’à la formation d’aérosols. La présence de méthane dans l’atmosphère actuelle implique donc un mécanisme de réapprovisionnement en méthane sur des échelles de temps géologiques à partir d’un réservoir plus conséquent que l’atmosphère elle-même. Ce problème n’est toujours pas résolu de nos jours. Les conditions pression-température estimées à la surface de Titan, ainsi que la nature des composés présents dans l’atmosphère (thane et é(thane) donnent lieu aux premières spéculations concernant la géologie de Titan. Le mé-thane et l’émé-thane pouvant rester à l’état de liquides dans les conditions de surface sur Titan (Fig. 1.4), l’existence d’un océan global d’hydrocabures, analogue aux océans d’eau liquide terrestres, de quelques kilomètres de profondeur et principalement constitué d’éthane, de méthane et de dia-zote, est alors envisagée (Sagan et Dermott,1982;Flasar, 1983;Lunine et al., 1983; Dubouloz et al.,1989). Des hydrocarbures solides pourraient y être dissous (Dubouloz et al.,1989).