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Les mesures gouvernementales doivent répondre au critère de

Chapitre 3 L’accommodement raisonnable en matière religieuse et culturelle

1- Les mesures gouvernementales doivent répondre au critère de

aux minorités en question (section 1). En outre, la pratique d’accommodement, ne doit pas poser de contrainte excessive (section 2), fait l'objet d'une charge de preuve (section 3), et ne doit pas faire entrave à la liberté d'autrui (section 4).

1- Les mesures gouvernementales doivent répondre au critère de

proportionnalité

Afin d’évaluer si une mesure entreprise s’inscrit dans la gamme des mesures raisonnables, les tribunaux doivent apprécier le rapport entre l’objectif visé par ces mesures, et l’ampleur de l’atteinte éventuelle aux droits fondamentaux de certaines minorités religieuses.

La Cour Suprême en statuant dans les conflits entre les autorités publiques et les citoyens86 doit évaluer la proportionnalité des moyens choisis à travers la question de savoir si la restriction à un droit est justifiée au regard de l’article premier de la

Charte. Pour respecter les valeurs de la société démocratique du Canada, les autorités

publiques doivent prouver que l’atteinte à un droit est justifiée au sens de l’article premier de la Charte qui est conçue pour défendre et protéger les droits constitutionnels. Celle-ci énonce :

« La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. »

Trois critères doivent être évalués afin de satisfaire à l’exigence de proportionnalité : premièrement, il s’agit de sous peser le lien rationnel de la décision avec l’objectif visé; deuxièmement, de minimiser l’atteinte aux droits fondamentaux; et troisièmement, de pondérer les effets de la décision87. Depuis la promulgation de la Charte, le test de l’arrêt Oakes88 qui s’articule autour de la légitimité de l’objectif et la proportionnalité des moyens, est central dans le droit constitutionnel canadien. C’est seulement la mise en œuvre de moyens proportionnés permettant l’atteinte d’objectifs légitimes qui pourra justifier une restriction des droits constitutionnels selon l’article premier : « une règle de droit qui ne contribue pas, d’une façon ou d’une autre, à la

86 Sous réserve de la disposition de dérogation ou d’exemption de l’article 33 de la Charte. Voir

également à cet effet : Renvoi sur la Motor Vehicle Act (C.-B.), [1985] 2 R.C.S. 486, p. 496-497).

87 Voir : Thomson Newspapers Co. c. Canada (Procureur general), [1998] 1 R.C.S. 877, au para. 125. 88 R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103

réalisation de l’objectif déclaré ne résistera pas à l’examen constitutionnel. Les tribunaux doivent ensuite examiner les moyens eux-mêmes en se demandant s’ils portent une atteinte minimale au droit en cause (le critère de l’atteinte minimale »). Enfin la Cour devra soupeser les effets bénéfiques et les effets préjudiciables de la mesure »89. Le test Oakes permet donc d’examiner l’atteinte non pas sous l’analyse de l’accommodement raisonnable mais à travers les trois critères suivant : le lien rationnel, l’objectif réel et urgent, et la proportionnalité. Il a d’ailleurs été appliqué dans plusieurs poursuites90 fondées sur la Charte notamment dans l’arrêt

Hutterian Brethren. En outre, notons que le fardeau de la preuve exigée pour

l’application de l’article premier incombe incontestablement au gouvernement qui est rigoureusement tenu de s’en acquitter à chaque étape de l’analyse décrite dans

Oakes91.

La question du pourvoi de la Cour Suprême dans l’affaire Hutterian Brethren rentre bien dans ce cadre. En effet, la question dans cette affaire est de savoir si le nouveau règlement du gouvernement albertain, de rendre la photo des titulaires d’un permis de conduire obligatoire pour tous, constitue une limite raisonnable à l’atteinte de la liberté religieuse des huttérites, ayant une justification dans le cadre d’une société libre et démocratique au sens de l’article premier de la Charte. S’agissant pour le gouvernement d’atteindre un objectif urgent, l’atteinte minimale et la proportionnalité des effets sont de mises : « Quand le gouvernement prend une mesure en édictant une

89 Alberta c. Hutterian Brethren of Wilson Colony, CSC 37, [2009] 2 R.C.S. 567, au para 186 90 Par exemples : Thomson Newspapers Co. c. Canada (Procureur general), [1998] 1 R.C.S. 877 ;

Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et immigration), 2007 CSC 9, [2007] 1 R.C.S. 350

91 Voir: R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103 et Alberta c. Hutterian Brethren of Wilson Colony, CSC 37,

loi, les dispositions de l’article premier s’appliquent. Le gouvernement peut justifier la mesure législative, non pas en démontrant qu’il l’a adapté aux besoins du plaignant, mais en établissant qu’elle a un lien rationnel avec un objectif urgent et réel, qu’elle porte le moins possible atteinte au droit et que son effet est proportionné »92. Dans cette affaire, la notion de proportionnalité est mise à rude épreuve, mais en en apportant la preuve, le gouvernement (et la Cour suprême) a posé des limites à l’exigence d’accommodement raisonnable : il a en effet été reconnu indéniablement qu’un préjudice important avait été porté à une communauté religieuse, et ce de manière constitutionnelle.

Selon la majorité, le règlement en cause constitue bien une restriction raisonnable à la liberté de religion dont la justification peut se démontrer dans une société libre et démocratique. Il est essentiel de souligner que ce jugement a profondément divisé les membres de la Cour (4 contre 3) dans l’approche adoptée indiquant des conceptions philosophiques très différentes sur les questions liées à certains aspects du test de l’article 1 de la Charte canadienne des droits. Cette division vient en effet mettre en exergue le caractère encore fragile de cette notion de proportionnalité, qui devra encore être testée au cas par cas.

2- La « contrainte excessive » délimite l’obligation