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L’article 27 du projet de loi propose de permettre à la CNESST d’imposer une mesure de réadaptation à une travailleuse ou un travailleur avant que sa lésion professionnelle ne soit consolidée. Bien que cela ressemble à une légalisation d’une pratique déjà appliquée par la CNESST, nous avons de sérieuses réserves quant à la portée du pouvoir qui est octroyé à celle-ci.

Selon cet article, la CNESST pourra décider administrativement d’imposer une mesure de réadaptation à une travailleuse ou un travailleur avant même la consolidation de sa lésion professionnelle et de surcroît, sans l’obligation préalable de consulter le médecin traitant afin de déterminer si cette mesure est appropriée en fonction de l’état de santé de la travailleuse ou du travail. Au surplus, cette mesure ne pourra faire l’objet d’une révision selon la modification apportée à l’article 358 de la LATMP par l’article 106 du projet de loi. À titre d’exemple, cela pourrait permettre à la CNESST d’imposer un retour au travail progressif à une travailleuse ou un travailleur sans l’accord du médecin traitant et sans possibilité qu’elle ou il puisse contester cette décision. Cette nouvelle disposition nous apparaît être une voie de contournement de l’assignation temporaire prévue à l’article 179 de la LATMP où le médecin traitant est en mesure d’évaluer, en fonction des suivis médicaux, si une mesure quelconque menant à un retour au travail est appropriée pour la travailleuse ou le travailleur.

Nous croyons que la prépondérance de l’opinion du médecin traitant doit absolument être préservée et qu’aucune raison ne justifie l’impossibilité de contester une décision administrative.

Par ailleurs, la FAE reçoit positivement l’obligation d’utiliser le formulaire qui sera émis par la CNESST pour l’assignation temporaire. Les formulaires actuellement utilisés par les employeurs sont souvent assez créatifs dans le contenu. Nous espérons que le formulaire prescrit de la CNESST s’en tiendra qu’aux informations nécessaires à la mise en place d’une assignation temporaire d’une travailleuse ou d’un travailleur.

La FAE recommande de retirer du projet de loi les mesures de réadaptation avant la consolidation.

3. Conclusion

Une actualisation ainsi qu’une amélioration du régime de santé et de sécurité étaient nécessaires et attendues depuis plusieurs années. La FAE fondait l’espoir que le contenu du projet de loi no 59 puisse enfin mieux répondre aux besoins des travailleuses et travailleurs en la matière. La première lecture du projet de loi nous laissait entrevoir des éléments positifs à l’égard de la prévention en santé et sécurité du travail. Force a été de constater, lors de sa lecture plus approfondie, que les changements étaient somme toute mineurs, car très peu d’avancées dans le texte du PL59 soutenaient des changements fondamentaux et des améliorations concrètes.

Nous adhérons au fait que la prévention est un moyen efficace pour réduire les accidents de travail et les maladies professionnelles. Encore faut-il que les travailleuses et travailleurs puissent avoir les outils et les leviers nécessaires pour s’assurer de la mise en place de mesures de préventions efficaces.

Le comité de santé et de sécurité est un des principaux outils à la disposition des travailleuses et travailleurs pour développer et assurer le suivi des aspects de la prévention en milieu de travail.

Ses membres doivent donc disposer des pouvoirs essentiels à l’exercice de leurs fonctions, par exemple, en participant à la prise de décision de l’approbation du programme de prévention.

La reconnaissance des maladies à caractère psychologique est l’une des plus grandes déceptions de la FAE dans le contenu du projet de loi no 59. Le ministre avait pourtant lui-même reconnu que l’aspect psychologique devait être maintenant aussi important que l’aspect physique dans les milieux de travail. Ce phénomène est malheureusement observable et bien documenté dans le milieu de l’enseignement. La prise en compte des facteurs individuels (ou collectifs) et organisationnels devient de plus en plus consensuelle au sein de la communauté scientifique pour comprendre les processus complexes en présence dans le domaine de la santé psychologique ou mentale au travail. Le modèle épidémiologique en santé et sécurité au travail s’applique mal aux problèmes de santé psychologique au travail.

L’introduction de maladies à caractère psychologique dans la liste des maladies professionnelles est plus que nécessaire, elle est impérative.

Le projet de loi no 59, dans sa forme actuelle, est une occasion manquée par le gouvernement d’être avant-gardiste en matière de santé et de sécurité du travail. Ce projet de loi comporte malheureusement plus d’irritants que d’aspects bénéfiques. Nous croyons qu’il est encore temps de rectifier le tir. Les treize recommandations de modifications formulées par la FAE permettraient au gouvernement et au ministre de permettre une réelle modernisation du régime de santé et de sécurité au travail au bénéfice de sa précieuse et importante main-d’œuvre, ressource première de son tissu social et économique.

4. Sommaire

La FAE regroupe neuf syndicats qui représentent plus de 49 000 enseignantes et enseignants du préscolaire, du primaire, du secondaire, de l’enseignement en milieu carcéral, de la formation professionnelle, de l’éducation des adultes et le personnel scolaire des écoles Peter Hall et du Centre académique Fournier, ainsi que plus de 2 000 membres de l’Association de personnes retraitées de la FAE (APRFAE).

Le 27 octobre dernier, le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale déposait à l’Assemblée nationale le projet de loi no 59, Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail. Un projet de loi imposant tant par le nombre d’articles que par le nombre de sujets traités.

La FAE, tout comme les autres organisations dédiées à la défense des droits des travailleuses et travailleurs, souhaitait que cette modernisation puisse considérer les transformations survenues dans les milieux de travail depuis l’adoption de la LSST et de la LATMP.

La FAE constate que l’objectif de modernisation du régime de santé et de sécurité du travail n’est que très partiellement atteint. Au-delà de quelques avancées, la FAE considère que plusieurs dispositions du projet de loi doivent être amendées, mais certaines clairement retirées puisqu’elles portent atteinte directement aux droits des travailleuses et travailleurs en matière de prévention et de réparation des accidents de travail et des maladies professionnelles. De plus, certains éléments, qui auraient permis une réelle modernisation du régime de santé et de sécurité, sont absents du projet de loi.

Ce projet de loi omet une très grande partie des maladies professionnelles à caractère psychologique. D’autres éléments ne vont pas assez loin considérant l’état de la recherche et des enjeux actuels de la société québécoise, telle la violence en milieu de travail, sous toutes ses formes. Nous devons également constater qu’il introduit quelques reculs inacceptables telle l’imposition de mesures de réadaptation avant la consolidation d’une lésion professionnelle. La FAE considère donc que, malgré quelques aspects positifs du projet de loi no 59, il est important de lui apporter plusieurs améliorations.

Voici la liste des treize recommandations soumises par la FAE à l’égard du projet de loi no 59, afin de mieux protéger et assurer la santé et sécurité des travailleuses et travailleurs qu’elle représente :

1- La FAE recommande que la désignation de la personne représentante à la santé et la sécurité de même que la désignation des membres du comité de santé et de sécurité s’effectuent au plus tard un an après l’adoption de la loi.

2- La FAE recommande que le programme de prévention soit mis en place au plus tard un an après la première rencontre du comité de santé et de sécurité.

3- La FAE recommande que la première réunion du comité de santé et de sécurité se tienne dans les 30 jours suivant la désignation de ses membres, et ce, indépendamment du niveau de risque attribué à l’établissement.

4- La FAE recommande que la fréquence des réunions du comité de santé et sécurité soit d’au moins une fois par trois mois pour l’établissement groupant moins de 25 travailleuses et travailleurs, d’au moins une fois par deux mois pour l’établissement groupant de 25 à 100 travailleuses et travailleurs et d’au moins une fois par mois pour l’établissement groupant plus de 100 travailleuses et travailleurs.

5- La FAE recommande qu’à défaut d’entente entre les parties, le nombre minimum de représentantes et de représentants en santé et sécurité au travail soit d’un. Dans le cas où en fonction de la semaine normale de travail de la représentante ou du représentant en santé et sécurité désigné, les heures minimales déterminées pour l’exercice de ses fonctions ne soient pas toutes comblées, une travailleuse ou un travailleur supplémentaire est désigné à ce titre selon les mêmes modalités de désignation prévues au règlement. De plus, une travailleuse ou un travailleur supplémentaire est désigné jusqu’à ce que toutes les heures soient comblées. La FAE recommande d’inclure des définitions claires de la santé et des risques psychosociaux à l’article 1 de la LSST.

6- La FAE recommande d’intégrer les termes « et psychique » partout où il est mentionné

« santé, sécurité et l’intégrité physique » ainsi que « les risques psychosociaux » dans les articles de la LSST lorsque c’est pertinent.

7- La FAE recommande de diminuer le fardeau de preuve existant pour les maladies professionnelles à caractère psychologique.

8- La FAE recommande de reconnaître davantage de maladies professionnelles, notamment les troubles anxieux, le trouble d’adaptation et la dépression, dans la « Section VII – Troubles mentaux » dans le Règlement sur les maladies professionnelles.

9- La FAE recommande de modifier le projet de loi afin que le délai de réclamation pour toute maladie professionnelle soit de six mois de la date où elle est portée à la connaissance de la travailleuse ou du travailleur ou de la bénéficiaire ou du bénéficiaire en cas de décès.

10- La FAE recommande qu’une personne experte en santé psychologique au travail indépendante siège sur le comité scientifique sur les maladies professionnelles.

11- La FAE recommande de renforcer les obligations de prévention dans la LSST en matière de risques psychosociaux, d’intégrité psychique et de violence psychologique en milieu de travail.

12- La FAE recommande qu’une analyse différenciée selon les sexes et intersectionnelle (ADS+) des modifications apportées au système de SST soit effectuée afin de mesurer leurs impacts sur l’accès de toutes les femmes aux protections légales.

13- La FAE recommande de retirer du projet de loi les mesures de réadaptation avant la consolidation.

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