• Aucun résultat trouvé

Nous disposons des archives de ces deux groupes sur des durées longues :

 La liste Naissance a été créée au début 2000, mais elle a migré sur les Yahoo groups en avril 2001 et a été fermée en août 2007, ce qui représente environ 6 années d’archives, et de l’ordre de 70 000 messages.

 La liste TDAH apparaît sur les Yahoo groups à la même date que la liste Naissance ; cependant, les archives de 2001 à janvier 2004 ont été détruites : nous avons pu traiter les échanges de Janvier 2004 à Décembre 2009 soit une durée analogue de 6 années (20 000 messages)

Graphiques 3 : Évolutions annuelles des listes Naissance et TDAH (locuteurs, messages, sujets)

Le volume d’activité, la multiplicité des intervenants et des sujets abordés sont les premiers éléments auxquels un abonné est confronté au travers de sa boîte mail. Ces différents éléments sont représentés sur les deux graphiques ci-dessus30. On y voit que

l’activité des listes peut fluctuer de manière importante d’une année à l’autre : le nombre

30 L’échelle verticale n’a pas signification : les différentes variables ont été ajustées pour pour

47

de messages par an varie d’un facteur 1 à 3 ou 4 entre la valeur minimale et la valeur maximale. Le nombre de conversations est grosso modo proportionnel au nombre de messages. En revanche, le nombre de participants (locuteurs) aux discussions est plus ou moins stable sur les deux listes, ce qui implique des changements de régime importants et relativement brutaux dans le fonctionnement des listes : entre 2003 et 2005, le nombre moyen de messages par locuteur sur la liste Naissance a plus ou moins été divisé par 3.

On note aussi que les niveaux d’activité moyen sont sensiblement différents sur les deux listes : sur la liste Naissance, le nombre moyen de messages par an et par locuteur varie de 100 à 280, alors que sur la liste TDAH, il se situe entre 35 et 65.

Graphiques 4 : Évolutions mensuelles des listes Naissance et TDAH

Ceci étant, considérées à une échelle différente, ces évolutions renvoient à des phénomènes différents : dans le cas de la liste Naissance, il apparaît clairement une rupture à la fin de l’année 2003 ; alors que dans le cas de la liste TDAH, la baisse moyenne d’activité semble davantage liée à une amplitude moins grande des périodes de forte activité. Le temps de la liste Naissance apparaît discontinu et donc inscrit dans une histoire : nous y reviendrons dans le chapitre IV ; disons simplement qu’à partir de 2003, certains des participants les plus actifs à la liste Naissance, dont le propriétaire, vont s’investir dans la création d’une association, l’AFAR, puis dans la participation à un collectif d’associations, le CIANE, toutes organisations dont le fonctionnement repose sur des listes de discussion ; ces participants ne vont pas quitter la liste Naissance, mais leur activité va évoluer progressivement, comme on le voit sur le graphique 5, en se déportant sur ces nouveaux espaces.

48

Graphique 5 : Évolution des messages des contributeurs communs aux trois listes, Naissance, CIANE, AFAR

Dernier élément général sur l’évolution des listes, la progression des inscriptions. Contrairement à ce que pourrait laisser penser la relative stabilité dans le fonctionnement des listes, le nombre d’inscrits n’a cessé d’augmenter tout au long du temps. On a représenté sur le graphique suivant l’évolution telle qu’on peut la reconstituer à partir des archives du web. Il est instructif de comparer les valeurs maximales du nombre d’inscrits avec le nombre de locuteurs différents que notre traitement a permis d’identifier sur la durée de fonctionnement de la liste. En ce qui concerne la liste Naissance, on constate que les deux courbes sont quasi-superposées, à l’exception de la dernière période, où le nombre de locuteurs identifiés dépasse le nombre d’inscrits. La courbe des inscrits pour TDAH est au départ plus haute que la courbe des locuteurs identifiés, mais compte tenu de la destruction des archives de la liste, il n’a pas été possible de reconstituer le « stock » initial entre 2001 et 2004 – il manque donc tous les locuteurs ayant participé durant cette période et ayant arrêté de participer en 2004.

49

Graphique 6 : Évolution des inscrits et des locuteurs identifiés

Deux remarques peuvent être tirées de l’observation de ces courbes :

 La proximité des chiffres (locuteurs identifiés grâce à leur participation ; inscrits) suggère qu’une majorité d’inscrits sont intervenus à un moment ou un autre sur la liste : on se trouve donc dans une situation bien différente de celles qui a été décrite par d’autres auteurs (Nonnecke & Preece 2000) pour lesquels le « lurking » est un phénomène massif. Ou du moins, cela amène à se poser des questions sur ceux que l’on considère comme des lurkers : pour une période annuelle donnée, la proportion d’inscrits qui ne postent pas n’est pas négligeable, puisqu’elle représente jusqu’à 75% des effectifs ; ceci étant, il est vraisemblable que la plupart de ces personnes ont participé précédemment, et qu’elles continuent de suivre les échanges sans ressentir la nécessité d’intervenir. Ceux qui, en fonction du dispositif d’observation construit, apparaîtront comme des lurkers ne correspondent cependant pas au portrait qui en est fait (Preece et al. 2004).

 Tout se passe comme si, une fois inscrit, l’abonné était attaché durablement à la liste qu’il y participe ou pas. La nature de cet attachement reste opaque, et il est de fait très rare qu’un locuteur resté passif pendant une année ou plus redevienne à nouveau actif.

L’identité des participants est un autre élément crucial pour apprécier la dynamique des listes : y a-t-il une continuité de ce point de vue ou assiste-t-on à un renouvellement important des effectifs ? Rappelons que, dans le travail de Jones et al. (2004), seuls de l’ordre de 10 à 20% des participants étaient communs aux groupes étudiés d’un mois sur l’autre. Nous avons déjà exprimé un certain nombre de réserves par rapport à leur méthode. On peut les reformuler de manière un peu différente : les listes de discussion sont caractérisées par une forte inégalité dans la participation – des graphiques

50

représentant la répartition des locuteurs dans la liste Naissance ont été présentés plus haut des graphiques similaires pourraient être produits pour la liste TDAH – ce qui implique qu’un abonné à la liste voit dans sa boîte à lettres revenir de manière récurrente et importante certains noms, alors que d’autres ne sont présents que très épisodiquement. Évaluer la stabilité d’une liste de discussion ne se résume donc pas à évaluer la stabilité du groupe de participants, mais suppose d’évaluer aussi la stabilité dans la répartition des messages.

La question qui se pose donc est d’arriver à construire des instruments qui permettent de rendre visibles – et opératoires pour l’analyse – ces inégalités de répartition. C’est le détour que nous allons devoir faire avant de revenir vers la question de la stabilité.

Documents relatifs